Modifications de prix et de tarifs dans les contrats de la commande publique : les enseignements de l'avis du Conseil d'Etat du 15 septembre 2022
Dans un contexte d’inflation et de crise géopolitique et énergétique, le Conseil d’Etat a rendu un avis attendu le 15 septembre 2022 sur la possibilité de modifier les prix dans un contrat de la commande publique. Le régime juridique est le suivant :
I - La possibilité de modifier les prix dans les contrats de la commande publique
Dans l’avis précité, le Conseil d’Etat, après avoir longtemps réaffirmé l’intangibilité du prix, admet qu’une modification est possible.
Ainsi, la juridiction administrative autorise une modification d’un contrat de la commande publique ne portant que sur le prix, les tarifs, les conditions d’évolution des prix ou les autres clauses financières, sans que cette modification soit liée à une modification des caractéristiques et des conditions d’exécution des prestations, lorsqu’elle est rendue nécessaire par des circonstances qu’un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir, dans le but de compenser les surcoûts imprévisibles supportés par le cocontractant. Le Conseil d’Etat cite notamment le fondement des articles R. 2194-5 et R. 3135-5 du code de la commande publique.
Les conditions d’une telle modification sont donc les suivantes :
- D’abord, la modification doit être justifiée par des circonstances imprévisibles dont les conséquences onéreuses excèdent ce qui pouvait être raisonnablement prévu par les parties. Il faut donc, en plus d’un évènement imprévu, que les parties n’aient pas participé à la survenance de celui-ci.
- Ensuite, la modification doit être limitée à ce qui est nécessaire pour faire face aux circonstances imprévisibles, et doit être proportionnée dans son principe, dans son montant comme dans sa durée pour faire face à la circonstance imprévisible. Autrement dit, « le caractère nécessaire de la modification suppose de démontrer que la modification ne peut être envisagée par les parties, dans son montant comme dans sa durée, que si elle a pour objet de compenser les surcoûts importants supportés ou à supporter par le titulaire en lien direct et certain avec des difficultés techniques ou économiques d’exécution du contrat. » Ainsi, une modification ne respectant pas ces points constituerait, selon le Conseil d’Etat, une remise en cause injustifiée des principes de transparence de la commande publique, une libéralité et une violation du principe d’égalité devant les charges publiques.
- Enfin, le montant de la modification pour circonstances imprévisibles ne peut excéder 50 % de la valeur du contrat initial pour les contrats passés par les pouvoirs adjudicateurs.
Bon à savoir :
L’avis apporte une précision importe sur le mode de calcul de ces avenants et précise que « si plusieurs modifications successives sur le fondement des articles R.2194-5 ou R. 3135-5 du CCP sont effectuées, le seuil de 50 % du montant initial est à apprécier modification par modification. Les mêmes circonstances imprévisibles ne peuvent donner lieu à plusieurs modifications du contrat sans nouvelle procédure de mise en concurrence dans le but de dépasser ce plafond. »
En plus de ces mécanismes, il est possible d’utiliser des modifications plus classiques : les modifications de faible montant sur le fondement des articles R. 2194-8 et R. 3135-8 et les modifications non substantielles sur le fondement des articles R. 2194-7 et R. 3135-7 du code de la commande publique.
II – Des modifications de prix n’excluant pas l’utilisation de la théorie de l’imprévision
Le Conseil d’Etat rappelle que la circonstance imprévisible peut provoquer un bouleversement temporaire de l’économie du contrat de nature à ouvrir droit à une indemnité d’imprévision pour le titulaire (CE, 30 mars 1916, n° 59928 Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux).
En pratique, « les parties peuvent conclure, sur le fondement de la théorie de l’imprévision, une convention d’indemnisation dont le seul objet est de compenser les charges extracontractuelles subies par le titulaire ou le concessionnaire en lui attribuant une indemnité (CE, 17 janvier 1951, Hospices de Montpellier, n° 97613), afin qu’il puisse poursuivre l’exécution du contrat pendant la période envisagée. Celle-ci ne peut être que temporaire et la convention doit précisément la fixer. »
L’imprévision ne rentre pas dans le régime juridique classique des avenants ; ainsi, il s’agit d’un droit pour le titulaire d’obtenir une telle indemnisation qu’il peut réclamer devant le juge administratif.
Le Conseil d’Etat parle d’un « régime juridique autonome », qui n’est pas limité par le seuil de 50 % par modification prévu aux articles R. 2194-3 et R. 3135-3 du code de la commande publique pour les marchés publics et les contrats de concession lorsqu’ils sont passés par des pouvoirs adjudicateurs. La convention d’indemnisation peut ainsi être une convention ad hoc et « ne peut être regardée comme une modification d’un marché ou d’un contrat de concession au sens des dispositions du 3° des articles L. 2194-1 et L. 3135-1 et de celles des articles R. 2194-5 et R. 3135-5 du code de la commande publique »
Dès lors, les modifications évoquées peuvent se cumuler avec l’indemnité d’imprévision si elles n’ont pas été de nature à résorber la totalité du préjudice d’imprévision subi par le titulaire.
Références :
- Avis relatif aux possibilités de modification du prix ou des tarifs des contrats de la commande publique et aux conditions d’application de la théorie de l’imprévision NOR : ECOM2217151X
- Articles R. 2194-3, R. 3135-3, L. 2194-1, L. 3135-1, R. 2194-5 et R. 3135-5 du code de la commande publique
- CE, 30 mars 1916, n° 59928 Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux
- CE, 17 janvier 1951, Hospices de Montpellier, n° 97613
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