Délégations de service public - Modifications unilatérales : limites au pouvoir du juge du contrat
Dans un arrêt du 15 novembre 2017, le Conseil d'Etat a tranché un litige concernant la modification unilatérale d'une délégation de service public. La Haute Juridiction administrative a estimé que le juge du contrat ne pouvait se prononcer sur l'annulation d'une décision de modification d'un contrat. En effet, si la décision Béziers II de 2011 a fait évoluer l'office du juge dans le traitement des mesures d'exécution du contrat, cela concerne uniquement les décisions de résiliation unilatérale du contrat. Pour ce qui est des mesures de modifications unilatérales, le Conseil d'Etat a rappelé qu'il ne pouvait statuer que sur une demande indemnitaire.
Dans cette affaire, le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou avait confié, par délégation de service public, l'exploitation de son parc de stationnement à la société "Les Fils de Mme A…". Par une décision du 15 mai 2013, le président du Centre Georges Pompidou a unilatéralement modifié ce contrat, réduisant la superficie d'exploitation. La société "Les Fils de Mme A… " a alors saisi le juge du tribunal administratif de Paris d'une demande tendant au rétablissement du contrat dans son état antérieur et à la condamnation du Centre Georges Pompidou à l'indemniser du préjudice subi. Suite au rejet de sa demande par le tribunal administratif de Paris et la cour administrative d'appel de Paris, la société s'est pourvue en cassation devant le Conseil d'Etat.
L'évolution de l'office du juge en matière de résiliation unilatérale…
Avec son arrêt du 21 mars 2011 dit "commune de Béziers II", la Haute Juridiction administrative abandonne sa jurisprudence traditionnelle en matière d'exécution des contrats et autorise désormais le juge à annuler une décision de résiliation et à ordonner la reprise des relations contractuelles. Il a en effet estimé qu'"une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la porté d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles, ce juge saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution du contrat autre qu'une résiliation, peut seulement rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à une indemnité".
… ne s'étend pas aux modifications unilatérales
La jurisprudence traditionnelle "Distillerie de Magnac-Laval" de mai 1958 continue donc de s'appliquer aux modifications unilatérales du contrat.
En l'espèce, la décision du président du Centre Georges Pompidou portait sur une modification unilatérale du contrat de délégation de service public. Or la jurisprudence précitée rappelle que le juge du contrat n'est pas compétent concernant l'annulation d'une décision de modification du contrat. Dès lors, la société n'était pas fondée à demander au juge du contrat l'annulation de cette décision. Elle avait en revanche la possibilité de faire une demande d'indemnité pour réparer le préjudice subi. Le Conseil d'Etat a donc rejeté le pourvoi de la société "Les Fils de Mme A…".
Référence : CE, 15 novembre 2017, n°
402794