Monnaie locale : des "radis" pour sauvegarder le commerce communal ! (68)

Le 13 juillet 2013, à l'occasion de la fête républicaine et citoyenne de la commune, les 2.000 habitants d’Ungersheim avaient rendez-vous pour découvrir le "radis" ou "radig" en alsacien. C'est le nom de la monnaie locale complémentaire mise en circulation à l'initiative de la commune. Une décision pragmatique pour redynamiser le commerce de proximité.

"Nous connaissions l'existence de ces monnaies depuis longtemps, mais l'idée ne nous avait pas emballés plus que cela", rappelle le maire. Jusqu'à ce que le problème de la très faible fréquentation des commerces locaux soit soulevé lors d'un conseil participatif. "Nous avons alors pensé qu'une monnaie locale complémentaire pourrait servir à "relocaliser" les échanges entre commerces locaux et habitants."

Première évaluation et visite sur place

La mairie demande à deux étudiants stagiaires en master II en économie sociale et solidaire de creuser l'idée d'octobre 2012 à juin 2013. Après avoir réalisé un état des lieux sur les monnaies existantes, ils prennent contact avec deux collectivités proches, Saint-Dié et Bâle, pour partager leurs expériences et les présenter aux commerçants de Ungersheim.
Cette première évaluation convainc le maire que l'expérience vaut le coup d’être tentée, avec plusieurs objectifs : améliorer la fréquentation du commerce local, donner aux échanges une vertu citoyenne, et créer du lien au niveau de la communauté locale. "Nous n'en attendons pas monts et merveilles, commente, Jean-Claude Mensch, le maire, car les habitudes sont difficiles à changer. Mais nous voulions tenter d’amorcer une dynamique nouvelle."

Montage rapide et en règle

A Ungersheim, le projet a été monté rapidement, en à peine plus de six mois. Au lancement, même si tout n'était pas calé (voir encadré), "tout était légal", souligne le maire, qui a dû plus d'une fois rassurer des administrés intrigués ou des collègues du conseil municipal inquiets. "Les membres d'une association peuvent créer leur monnaie d'échange. Ensuite, les commerçants ou les associations vont simplement rentrer les radis dans leur comptabilité, (un radis = un euro) : c'est transparent et pas plus compliqué que cela", explique-t-il.
Lors du lancement de la monnaie locale, c’est l’association déjà chargée de la promotion culturelle, économique et sociale du village qui prend en charge la gestion du radis. La commune n'a rien investi dans l'opération. Le coût de la fabrication de la première maquette infalsifiable et de l'impression des 8.000 premiers billets a été pris en charge par un mécène (soit un apport de 1.000 euros). Ensuite, une fournée de 8.000 billets reviendra à 160 euros selon l’édile.

Au bout d’un an 5.000 radis en circulation, après un démarrage en douceur

Lors du lancement, les 8.0000 radis sont partis en quelques heures, se souvent l’élu surpris par cet emballement. Certes, dans le lot, nombre d’entre eux ont été convertis pour la collection d’une pièce unique, et côté commerçants, la mobilisation a été lente au début. "Au fur et à mesure, nous avons rallié une douzaine d'artisans et commerçants, puis la maison des jeunes et de la culture." Le bouche-à-oreille fait le reste. Un commerçant bio et un vigneron de villages voisins sont venus se renseigner...
En 2014, une quinzaine de commerçants et artisans ont accepté de recevoir des radis en guise de moyen de paiement. Pour rendre la monnaie, ils utilisent des centimes d'euros. A quelques jours du premier anniversaire de son lancement, l'équivalent de 5.000 radis sont en circulation.

Montée en puissance et promotion par l'usage : la commune en première ligne

Le radis n'est pas encore familier dans tous les porte-monnaie, mais la commune se donne les moyens de le promouvoir dès qu'elle le peut. Elle a profité d'un festival éco-équitable en novembre 2013 (2.000 visiteurs) pour faire en sorte que toutes les transactions puissent se faire en radis, avec un bonus de 10%. Au bilan de ces deux jours, 6.000 radis échangés, "plutôt bon" glisse le maire.
Le conseil municipal a également décidé, en 2014, d'octroyer des subventions aux parents qui payeraient en radis l'inscription de leurs enfants aux centres de loisirs pour les mercredis, les petites et grandes vacances : dans ce cas, la mairie prend en charge 26% du coût de l'inscription. "Cela commence à marcher" apprécie le maire. Le CCAS verse une partie de ses aides en radis. Une partie seulement, car tout ne peut pas s'acheter sur le village." Le 13 juillet, lorsque le Tour de France est passé dans le village, le radis a été lui aussi de sortie !

Monnaie fondante ou pas, statut de la structure de gestion… : évolutions au fil du temps
Au lancement tout n'était pas calé. Il restait notamment à élaborer la charte qui régit les modalités d'utilisation du radis, formaliser l'adhésion des utilisateurs à l'association qui supporte le dispositif. Ou encore, décider si la monnaie serait fondante, autrement dit que le coupon de radis perde de sa valeur s'il n'a pas été utilisée dans un temps donné. Dans les communes ayant mis en œuvre une monnaie locale, c'est un principe souvent suivi, car cela encourage la circulation des coupons. Mais à Ungersheim, le choix a été de ne pas rendre le radis fondant, "Pas dans un premier temps en tout cas. Il faut à mon sens attendre encore une année de plus", estime le maire.
Quant à la charte, elle a été repoussée puisque la forme juridique de la structure gestionnaire doit évoluer. Le projet de la nouvelle loi sur l'économie sociale et solidaire - qui vient de reconnaitre l'existence de ces monnaies -, impose en effet de faire évoluer la structure gestionnaire de monnaie locale complémentaire vers le statut de société coopérative d'intérêt collectif, la Scic. A Ungersheim, une Scic devrait être créée à l'automne 2014."

Emmanuelle Stroesser / Agence Traverse pour la rubrique Expériences des sites www.mairieconseils.net et www.localtis.info
 

Commune d'Ungersheim

Nombre d'habitants :

2422
1 place de la mairie
68 190 Ungersheim
secretariat@mairie-ungersheim.fr

Jean-Claude Mensch

Maire

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