Culture - Musées et collectivités peuvent acheter de gré à gré auprès des commissaires-priseurs
Le ministre de la Culture annonce que l'Etat vient d'acquérir trois œuvres de la collection Marquet de Vasselot, destinées au musée du Louvre et à celui de Cluny. Il s'agit en l'occurrence de deux figures en haut-relief du XIIe siècle et d'une figure en ivoire sculpté représentant le Christ à la colonne, datant du tout début du XIVe siècle. Il n'y aurait rien d'exceptionnel dans cette annonce - en dehors de l'intérêt des œuvres - si celles-ci n'avaient pas été acquises de gré à gré auprès de Christie's France. Il s'agit là, en effet, du premier recours, par l'Etat, à la possibilité récemment ouverte aux opérateurs de ventes publiques de procéder à des ventes de gré à gré, conformément à la loi du 20 juillet 2011 de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.
Issu d'une proposition de loi de Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances du Sénat, et de Yann Gaillard, vice-président de cette même commission, ce texte a pour objet principal de transposer en droit français et dans le secteur considéré, la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006, dite directive "Services". Au-delà de cette transposition, l'objectif était aussi de rendre le marché français de l'art plus compétitif face au monde anglo-saxon. A cette fin, la loi du 20 juillet 2011 donne notamment aux "opérateurs de vente volontaire" - dont les plus connus sont les études de commissaires-priseurs - la possibilité de réaliser des ventes de gré à gré, autrement dit hors enchères publiques. L'article 38 prévoit en effet que "les commissaires-priseurs judiciaires peuvent exercer des activités de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et procéder à la vente de gré à gré de biens meubles en qualité de mandataire du propriétaire des biens, au sein de sociétés régies par le livre II du code de commerce". Il s'agit là de l'application de la directive Services en matière de pluridisciplinarité. Jusqu'alors, les filiales françaises des grandes sociétés de vente internationales étaient obligées de passer par leur maison-mère pour réaliser, à l'étranger, de telles ventes de gré à gré. Très attendue par les commissaires-priseurs, la mesure a en revanche été assez mal vécue par les marchands d'art, galeristes et antiquaires, qui étaient jusqu'alors les seuls à pouvoir vendre de gré à gré.
Cette possibilité de recourir à des ventes de gré à gré auprès de commissaires-priseurs, agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'œuvre, ne concerne pas seulement l'Etat. Elle est également ouverte aux collectivités territoriales et à leurs musées. Il reste maintenant à savoir quel sera le volume des ventes qui passeront des enchères au gré à gré, ce qui n'est pas forcément l'intérêt du propriétaire du bien. Dans le cas des trois acquisitions réalisées par l'Etat - qui seront prochainement suivies par trois autres réalisées dans les mêmes conditions et pour la même collection -, il est en effet important de rappeler que les œuvres en question étaient frappées d'une interdiction de sortie du territoire national par le ministère de la Culture. Dans ces conditions, le propriétaire et son mandataire n'ont guère d'autre choix que de traiter avec l'Etat. Une possibilité - pour ne pas dire une contrainte - dont ne disposent évidemment pas les collectivités et leurs musées.