Nantes : quand le ferroviaire et l'urbain croisent leurs intérêts

Comment faire cohabiter les projets urbains des collectivités locales et les impératifs logistiques de RFF et de la SNCF, dans le cadre de cessions foncières ? Trop souvent les démarches se heurtent. A Nantes, les entreprises et la collectivité ont signé un partenariat original.

Jean-Marc Ayrault, président de Nantes Métropole, Guillaume Pépy, directeur général exécutif de la SNCF, et Jean-Pierre Duport, président de Réseau ferré de France (RFF), ont signé, le 14 janvier 2005, un protocole d'accord. Intitulé "Projets urbains de la métropole nantaise et implication des acteurs ferroviaires", il décrit les objectifs des partenaires et leurs enjeux, à propos de terrains appartenant aux acteurs ferroviaires, situés sur l'île de Nantes et dans le quartier Malakoff-Pré-Gauchet. Une phrase du protocole définit le "gentleman agreement" de cette entente : "Les partenaires reconnaissent que le développement de la métropole nantaise est de leur intérêt commun, et qu'inversement, s'ils poursuivent chacun légitimement leurs propres objectifs, ceux-ci peuvent contribuer au développement de l'agglomération." Derrière cette phrase consensuelle, se décline de manière précise la méthodologie qui permettra de préserver à la fois les intérêts de la métropole nantaise, de RFF et de la SNCF, appliqués à l'aménagement des deux terrains concernés.
Nantes Métropole compte réaliser une opération d'aménagement sur une zone de 350 ha, au coeur de la ville-centre. Or, toute la partie ouest de l'île de Nantes, environ 30 ha, est actuellement occupée par des emprises ferroviaires sous-utilisées. La communauté urbaine voudrait y construire des logements, des bureaux, des équipements publics, tout en respectant les quais, les berges et les espaces naturels.

Des cultures qui ne se rencontrent pas naturellement

Pour le secteur proche de Malakoff-Pré-Gauchet, ou Nouveau Malakoff, c'est la recomposition d'un nouveau quartier qui est projetée, avec 10 ha de cessions foncières potentielles. "Habituellement, explique-t-on à la direction de RFF, les collectivités locales ont des enjeux qu'elles demandent à des urbanistes de mettre en musique, lesquels n'ont pas forcément le souci des impératifs des entreprises de transport, et, de notre côté, nous ne sommes pas dans une culture de projet urbain. Notre approche est le plus souvent d'ordre strictement technique. Au moment de passer à l'opérationnel, ça ne marche pas." A Nantes, les acteurs de ces projets urbains ont commencé par mettre en commun leur vision du devenir des emprises concernées, dont l'aménagement s'étalera sur plusieurs années. RFF et la SNCF doivent se mettre d'accord sur ce qui appartient aux deux sociétés, prendre en compte le devenir des réseaux de transport puis voir s'il est possible de déplacer les faisceaux de triage actuellement installés sur l'île de Nantes sur le site du Grand Blotterau, à la sortie est de la ville.
Le protocole permet de prévoir les actions de façon concertée. Ce sont des problèmes réglementaires et techniques à clarifier, des procédures d'urbanisme à respecter et des négociations à mener pour les cessions de terrain, enfin un calendrier pour fixer l'échéancier. Près de six mois de négociations auront été nécessaires pour établir le protocole général puis les protocoles d'application.

Un dispositif concrétisé par deux premières cessions

C'est sur le terrain qu'ont été menées les discussions. Elles l'ont été avec le vice-président de Nantes Métropole, Camille Durand, les directeurs des services techniques de l'agglomération mais aussi ceux des sociétés d'économie mixte chargées de l'aménagement, la Samoa (Société d'aménagement de la métropole ouestatlantique) pour l'île de Nantes et Nantes Aménagement pour le Nouveau Malakoff, ainsi que les directeurs régionaux de RFF et de la SNCF. Il était essentiel que ce protocole ne reste pas lettre morte. C'est le sens des deux premiers protocoles d'application qui ont été signés dans la foulée. Ils formalisent la cession d'une première promesse de vente RFF/Samoa et SNCF/Samoa pour l'îlot Calberson de 14.000 m2. Ces terrains doivent permettre la création d'une voie de desserte interne nécessaire pour réaliser un transport en commun en site propre le long du boulevard de la Prairie-aux-Ducs, accompagné d'un ensemble de logements, d'une résidence étudiante et de bureaux. Un second terrain, de 1.500 m2, a également fait l'objet d'une promesse de vente. En 2006, RFF cédera à la Samoa 2 hectares supplémentaires de terrains destinés à l'accueil d'une antenne du CHU de Nantes, et environ 15 ha, où sont actuellement situées les voies de triage au sud-ouest de l'île de Nantes, pourraient devenir un vaste plan d'eau destiné à accueillir des activités nautiques. Des dossiers anciens et complexes qui pourront enfin sortir des tiroirs.

Jean-Luc Poussier / Innovapresse Rennes pour Localti

Amorcer le processus pour faire avancer concrètement les dossiers

Nicolas Binet est directeur en charge des affaires immobilières et foncières à la Samoa (Société d'aménagement de la métropole ouestatlantique). Cette Sem, créée en octobre 2003, est chargée de la coordination et de la mise en oeuvre du projet urbain de l'île de Nantes.

Quelles sont les clés de la négociation engagée pour ce protocole ?

Les discussions ont permis de mettre tous les partenaires autour de la table et de parvenir assez rapidement à formaliser un accord. Ce qui est important, dans cette négociation, c'est qu'il y a eu non pas trois mais quatre signataires avec le préfet de région. Sans l'aval de l'Etat, on ne pourrait rien faire. Comme dans toute négociation de ce genre, il y a, d'une part, des orientations de politique générale souscrites par les signataires, et d'autre part, des engagements très concrets.

Quelles ont été les avancées significatives sur ce dossier ?

Cette négociation a permis de faire avancer très concrètement le dossier du déplacement du faisceau de triage des trains de fret de l'île de Nantes vers le Grand Blotterau où il existait jusqu'en 1994. C'était une négociation qui n'avançait pas vite. Tout le monde était convaincu de son intérêt mais finalement ce n'était pas dit aussi clairement et l'affaire traînait. Les négociations concernant des infrastructures ou des emprises ferroviaires sont naturellement lourdes et compliquées.

Quelles sont les autres retombées concrètes de ce protocole d'accord ?

Ce même jour, nous avons signé des promesses de vente pour 1,5 ha sur les 30 ha de l'opération. Ce n'est pas énorme, mais c'est ce qui nous permet d'amorcer le processus et de réaliser de premières opérations immobilières. Ces protocoles replacent notre action dans le cadre plus général des relations permettant aux protagonistes de développer harmonieusement leurs activités de transport et d'aménagement urbain, et facilitent les mises en oeuvre opérationnelles.

Un protocole en onze articles

Au-delà de l'aménagement urbain, Nantes reconnaît l'importance du transportlongue distance de voyageurs et entend développer les transports en commun à l'intérieur de l'agglomération. RFF s'engage de son côté à favoriser la mise sur le marché des emprises qui n'ont plus d'utilité ferroviaire.

Un programme échelonné sur 20 ans

Les différents articles fixent les enjeux urbains. Le phasage des deux projets fixe à deux décennies l'échéance pour l'aménagement de l'île de Nantes. Le Nouveau Malakoff s'échelonnera sur une dizaine d'années. Il s'agit donc d'une relation de long terme entre les partenaires. Le protocole est signé pour cinq ans.

Avec des acteurs bien identifiés

D'autres articles définissent ensuite précisément qui fait quoi en termes d'aménagement urbain. Pour les deux projets, Nantes Métropole s'appuie sur deux Sem, la Samoa, pour l'île de Nantes, et Nantes Aménagement pour le Nouveau Malakoff. La maîtrise d'oeuvre est confiée à Alexandre Chemetov pour le premier projet et à Gérard Pénot (atelier Ruelle) pour le deuxième.

Et des procédures détaillées

Le protocole détaille également les procédures d'urbanisme et les partenariats. Il définit les principes de mutations foncières avec identification des terrains mutables, les conditions de vente, la gestion des terrains occupés par les occupants externes et internes aux établissements publics ferroviaires, les évolutions de la desserte ferroviaire. Le suivi du protocole est assuré par un comité de pilotage et un comité technique qui se réunit au moins deux fois par an.

Le programme de cessions de RFF

Réseau ferré de France affiche ses bonnes intentions : poursuivre les cessions et nommer au niveau des régions des responsables Aménagement et Patrimoine pour accélérer le mouvement.

Depuis trois ans, le montant des cessions consenties par Réseau ferré de France se situe aux alentours de 100 millions d'euros par an. Pour 2005 et 2006, le montant estimé est de 157 millions d'euros et l'objectif de RFF est de poursuivre les cessions à hauteur de 100 millions d'euros par an. En 2004, les trois quarts des cessions en valeur se sont faites sur l'Ile-de-France où elles ont représenté 38,9% des surfaces. Majoritairement, les cessions se font en direction d'acquéreurs publics (Sem, collectivités locales, etc.).
En 2005 s'achèvera le recrutement des responsables Aménagement et Patrimoine dans les régions. Leur travail permettra une meilleure connaissance du patrimoine et devrait faire émerger davantage de biens à céder. Toutefois, les opérations sont aujourd'hui plus complexes, comme en témoigne l'exemple nantais, et comportent un volet reconstitution important, à négocier sous la responsabilité des services de projets d'investissement.

Aller plus loin sur le web :
 
Site du ministère de l'Equipement - La mobilisation du foncier
http://www.equipement.gouv.fr/article.php3?id_article=618
 
Site de Nantes Métropole
http://www.nantesmetropole.fr

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