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Nouveau bras de fer à l'Assemblée contre la limitation à 80 km/h sur le réseau routier secondaire

Au terme d'un débat parfois véhément, les députés ont rejeté ce 21 juin une proposition de loi LR à l'Assemblée contre la limitation à 80 km/h sur les routes secondaires. Gauche et droite ont soutenu ce texte jusqu'au bout, estimant la mesure inadaptée aux territoires ruraux.

La proposition de loi du député LR Vincent Descoeur pour "une adaptation" par les maires, présidents de conseils départementaux et préfets, des vitesses maximales autorisées sur les routes a été rejetée ce 21 juin par 95 voix contre 68. A cette occasion, gauche et droite s'en sont une nouvelle fois prises au passage de 90 à 80 km/h de la limitation de vitesse sur 400.000 kilomètres de routes secondaires au 1er juillet par lequel le gouvernement espère sauver jusqu'à 400 vies par an.

Blues des départements ruraux

"Cette mesure ignore les difficultés de déplacement dans les territoires ruraux et de montagne (...) Le temps perdu sera insupportable", a estimé Vincent Descoeur, élu du Cantal, s'en prenant à une majorité "qui préfère les cyclistes urbains connectés aux ruraux roulant au diesel". Le socialiste Hervé Saulignac, élu de l'Ardèche "où il n'y a que 14 km de voies rapides", a dénoncé une "provocation, une gifle et une intrusion dans le quotidien de 26 millions d'automobilistes", ce qui "nourrit un sentiment de ras-le-bol". "Les habitants des départements ruraux se sentent rejetés, oubliés", a tempêté le communiste Jean-Paul Dufrègne, élu de l'Allier.

"Problème de sécurité routière"

La ministre Jacqueline Gourault a estimé que les députés opposés au passage à 80 km/h avaient "tort d'en faire un problème ville-campagne". "C'est un problème de sécurité routière", a-t-elle martelé, soulignant "qu'on a 2,7 fois plus de risques d'être tué" dans ces territoires ruraux. "Le danger commence là où on croit qu'il n'y en a pas. Quand il fait beau, que la route est sèche et droite, on accélère et on meurt plus", a-t-elle souligné, en revendiquant le plein soutien des forces de l'ordre et des secouristes sur ce texte.
Le MoDem Philippe Latombe, élu de Vendée, s'est étonné "des discours électoralistes et populistes" dans l'hémicycle, estimant que "si la baisse de la vitesse permet de sauver des vies, c'est le seul argument qui tienne". Il s'est attiré les protestations des autres bancs. "40 millions de Français se sentent méprisés par cette mesure, alors oui je suis populiste", lui a répondu Hervé Saulignac, applaudi par LR. Le chef de file des communistes André Chassaigne a dénoncé pour sa part un "mépris moralisateur" éloigné de "la réalité du terrain".
Une quinzaine de députés UDI-Agir et LR ont par ailleurs déposé le 19 juin au Conseil d'Etat un recours en annulation contre le décret d'application de cette mesure publié dimanche. La veille, deux associations d'automobilistes avaient déposé un recours similaire devant la Haute Juridiction administrative.

"Grève des panneaux" dans la Creuse

Sur le terrain, la grogne continue. Le conseil départemental de la Creuse, qui s'était opposé en février au changement de limitation de vitesse sur les routes secondaires a fait savoir ce 20 juin qu'il ne ferait rien pour changer les panneaux de signalisation et laisserait l'opération entièrement à la charge de l'Etat. La présidente du département, Valérie Simonet (Les Républicains), considère en effet que la réforme "va contribuer à l'enclavement du département". "En l'absence de concertation, que l'Etat se débrouille", a-t-elle ainsi lancé au micro de France Bleu Creuse. Interrogé par l'AFP, le service de communication a confirmé mercredi que le conseil départemental "ne s'opposera pas à la mise en oeuvre (de la limitation) par les services de l'Etat" mais "ne mettra aucun moyen en oeuvre, ni financier, ni technique, ni humain" pour le passage à 80km/h.

Un nouveau clip de la Sécurité routière

Malgré les nombreuses critiques à l'encontre de la mesure, la Sécurité routière s'active pour en assurer la promotion. Un nouveau clip sera diffusé dès dimanche, avec comme message "Treize mètres, c'est ce qui vient de lui sauver la vie en roulant à 80 km/h". Selon une étude présentée mercredi, un automobiliste gagne en effet 13 mètres en distance de freinage lorsqu'il roule à 80 km/h, contre 90 en vigueur actuellement sur des routes bidirectionnelles sans séparateur central. "C'est parce que la vitesse moyenne aura diminué qu'on va éviter tout une série d'accidents, parce qu'on va pouvoir freiner beaucoup plus vite", a défendu, lors d'une conférence de presse, le Délégué interministériel à la sécurité routière, Emmanuel Barbe. En outre, la même étude relève que le temps perdu sur un même trajet de 39 km entre un véhicule roulant à 90 km/h et un autre à 80 km/h, ne représente qu'une minute et 32 secondes.