Personnes âgées - Observatoire de la fin de vie : dix propositions pour éviter un "naufrage social"
L'Observatoire national de la fin de vie a remis son rapport 2013 à Marisol Touraine et Michèle Delaunay. L'an dernier, le rapport mettait l'accent sur la fin de vie à domicile (voir notre article ci-contre du 19 mars 2013). Cette année, l'Observatoire "a décidé de mettre un coup de projecteur sur la fin de vie des personnes âgées". Il le fait à travers la mise en exergue d'un certain nombre de "trajectoires de fin de vie", récits fictifs mais fondés sur le témoignage de personnes âgées et de leurs proches. Ces trajectoires servent à la fois de support et d'illustration à une approche plus générale, basée sur l'exploitation des réponses de 3.705 établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes qui ont accepté de participer à l'étude sur "La fin de vie en Ehpad" (voir notre article ci-contre du 12 septembre 2013).
Un décès aux urgences toutes les quarante minutes
Comme toujours, l'Observatoire illustre son propos avec un certain nombre de chiffres chocs. Ainsi, il rappelle qu'une personne âgée meurt aux urgences toutes les 40 minutes (environ 13.000 décès par an), que 90.000 personnes décèdent chaque année dans les Ehpad et qu'un suicide sur trois concerne une personne âgée (environ 3.000 par an). Autre chiffre significatif : les trois quarts des personnes qui finissent leur vie en Ehpad n'ont pas choisi d'y résider, mais y ont été contraints par une impossibilité de demeurer à leur domicile. Par ailleurs, moins de 15% des Ehpad disposent d'une infirmière durant la nuit. Si cette possibilité était étendue à tous les établissements, le rapport estime qu'environ 18.000 hospitalisations par an pourraient être évitées.
Côté domicile, les aides à domicile sont les plus exposées au décès des personnes âgées, mais ce sont aussi les personnels les moins formés. Enfin, le rapport explique que "contrairement à une idée reçue, le vieillissement a un impact limité sur les dépenses de santé : au cours de la dernière année de vie, le coût des soins est d'autant plus faible que les personnes sont âgées" (conséquence de la "démédicalisation" des personnes très âgées).
Cette situation soulève des questions éthiques. Ainsi, un quart des personnes âgées vivant en établissement sont sous tutelle et près de la moitié des résidents présentent une maladie de type Alzheimer. Pour l'Observatoire, "cela explique également pour partie le grand nombre de décisions de limitation ou d'arrêt de traitement qui sont finalement prises par des tiers pour ces personnes dont près de la moitié n'est pas en état d'exprimer un avis".
Une infirmière de nuit mutualisée pour 250 à 300 places en Ehpad
Ces différents constats conduisent l'Observatoire à conclure que "si nous n'y prenons garde, la fin de la vie des personnes âgées pourrait devenir un véritable naufrage social". Pour échapper à une telle perspective, le rapport formule "dix propositions concrètes et peu coûteuses pour améliorer la fin de vie des personnes âgées". En maison de retraite, il s'agirait ainsi de mettre en place une infirmière de nuit pour 250 à 350 places d'Ehpad en mutualisant entre établissements, de donner aux équipes mobiles de soins palliatifs les moyens d'intervenir véritablement en Ehpad et, enfin, de rendre obligatoire un module "Accompagnement de la fin de vie" dans le diplôme de médecin coordonnateur d'Ehpad.
Pour le domicile, deux mesures sont proposées : la mise en place d'une formation des professionnels de l'aide à domicile sur les situations de fin de vie et l'élaboration, sous l'autorité de la Haute autorité de santé (HAS), de recommandations de bonnes pratiques professionnelles (pour les médecins) en vue d'améliorer l'identification des situations de fin de vie à domicile et éviter ainsi des hospitalisations dans les derniers jours de vie.
A l'hôpital, les propositions de l'Observatoire consistent à élaborer un outil simple de repérage des situations de fin de vie dans les services d'urgence, à inclure dans les revues de morbi-mortalité (analyses de cas après un décès) un questionnement spécifique autour de la fin de vie et à faire évoluer les modalités de financement de la prise en charge des personnes âgées atteintes d'un cancer en phase avancée, afin de favoriser la réflexion des équipes d'oncologie sur la pertinence des traitements.
L'Observatoire formule aussi deux propositions relatives à la fin de vie des personnes handicapées - sujet d'un récent rapport (voir notre article ci-contre du 18 juin 2013) - : mettre en place des "stages croisés" entre les établissements médicosociaux et les structures de soins palliatifs et faire de l'accompagnement de la fin de vie une priorité nationale en matière de formation continue.