Aménagement numérique - Observatoire des RIP : un modèle économique en voie de consolidation
L'activité des réseaux d'initiative publique (RIP) est créatrice d'activité, d'emplois et de croissance. La tonalité générale du mini colloque organisé par la Firip (Fédération des industriels des RIP) le 16 avril à Paris portait plutôt à l'optimisme avec la présentation des résultats du "troisième observatoire des entreprises intervenant dans les réseaux d'initiative publique", principal prétexte à cette rencontre. L'enquête réalisée début 2015 (1), en association avec la Caisse des Dépôts, confirme le dynamisme du secteur, en dépit de quelques nuages liés à la complexité du déploiement et aux réformes territoriales en cours.
"Un optimisme plus élevé qu'ailleurs." Telle fut la remarque récurrente des personnalités intervenues lors des tables rondes de cette rencontre, sans pour autant évacuer les obstacles qui ralentissent le parcours des acteurs publics et privés engagés sur le très haut débit. Sur le volet économique, le discours d'accueil prononcé par Karen Le Chenadec, directrice du département Développement numérique des territoires de la Caisse des Dépôts, allait dans le même sens : "Nous sommes au début d'une nouvelle dynamique que la Caisse des Dépôt continuera à accompagner en finançant des projets", a-t-elle confirmé.
De 5.100 emplois en 2014 à 12.000 attendus en 2017
La filière aura mobilisé 5.100 emplois directs en 2014, ce qui représente une croissance des effectifs de plus de 30% par rapport à 2013. Les opérateurs de gros et les intégrateurs se taillent la part principale, mais les fournisseurs d'infrastructures et les équipementiers télécom devraient connaître à terme une embellie avec la montée en puissance des RIP de nouvelle génération. D'une manière générale, les emplois correspondent à des qualifications élevées, nécessitant au demeurant une attention particulière sur les formations. L'indicateur du taux de croissance des entreprises, à deux chiffres (21%), enregistre sur quatre ans un taux de 170%, correspondant à un chiffre d'affaires de 1,265 milliard en 2014. On notera que ce montant porte uniquement sur l'activité des RIP et ne prend pas en compte le chiffre d'affaires des opérateurs nationaux. L'attractivité du marché se traduit par l'entrée de nouveaux acteurs, des entreprises de petite taille comme de taille nationale.
Obstacles pointés : procédures d'instruction FSN et réforme territoriale
Et l'avenir ? Là, la perception est plus nuancée. Certes, les entreprises s'attendent à la poursuite d'un rythme soutenu dans les trois prochaines années (+89% de prévision de croissance), mais "la lame de fond" attendue dans le déploiement des RIP ne semble pas encore avoir été anticipée par les industriels. La perspective est même jugée "moyenne" voire "insuffisante" en termes de marges financières à réaliser. Interrogé sur cette anomalie, un industriel a résumé les interrogations actuelles en ces termes : "Nous investissons lorsque nous recevons des commandes, or pour l'instant, les annonces sont certes nombreuses et enthousiasmantes, mais les achats ne suivent pas." Des propos complétés par Xavier Vignon, président de Sogetrel et vice-président de la Firip : "La croissance est certes bien là, mais elle ne doit pas faire oublier la petite année de retard du déploiement sur les prévisions de développement initiales." Les industriels attribuent ce décalage - et le risque que celui-ci s'amplifie - à trois facteurs principaux : la complexité des procédures d'instruction des dossiers FSN (fonds national pour la société numérique), qualifiées de "très intrusives", qui malmèneraient les feuilles de route initiales ; les incertitudes liées à la réforme territoriale avec la fusion des régions et avec la remise en question de la pérennité des départements malgré le sursis qui leur a été accordé ; la constitution du groupe Numéricable-SFR, qui affecte aussi les équilibres économiques.
Créations d'entreprises et taux de chômage plus faible dans les territoires dotés d'un RIP
Au-delà des chiffres bruts, l'observatoire s'intéresse aux externalités positives (2), autrement dit aux effets économiques induits par les RIP. Leur impact en tant qu'équipement prend alors une autre dimension. La visibilité augmente sur le volet télécom : les RIP représentent déjà 15% des prises Ftth déployées en France, avec un effet correcteur sur l'aménagement du territoire puisqu'ils se concentrent essentiellement sur les zones les moins denses démographiquement. Leur participation à la réduction de la fracture numérique se traduit par l'activation 938.000 prises DSL ; ils assurent la couverture de 9.000 communes en Wifi/Wimax et desservent en fibre optique plus de 5.500 communes, dont 3.500 ne bénéficiant pas d'une offre de gros d'Orange.
Les impacts sur l'activité économique sont également perceptibles : les estimations de l'impact de la baisse des prix de gros et de détail engendré par le regain de concurrence apporté par les RIP représente un gain de pouvoir d'achat annuel cumulé pour le grand public et les entreprises de 115,7 millions d'euros en 2014. Autre effet positif, les RIP accélèrent la création d'entreprises et des emplois. La performance des territoires qui en bénéficient semble désormais établie : les territoires dotés d'un RIP enregistrent un nombre de créations d'entreprises supérieur aux autres. Il varie de 4% (communes de 2.000 à 9.000 habitants) à 22% (communes de moins de 500). Le constat est similaire sur les taux de chômage, nettement inférieurs, obtenus sur le territoire des RIP
Les premiers décaissements au titre du FSN arrivent
La seconde partie de la rencontre a surtout été consacrée aux accélérateurs du plan actuel. Antoine Darodes, directeur de la mission Très Haut Débit, tout en reconnaissant certaines lourdeurs dans le processus d'instruction des dossiers de subvention, a redit sa confiance dans les perspective annoncées. "Les événements en Europe au cours des dernière semaines et la relance des investissements par Orange confortent même un peu plus nos chances de réussite", a-t-il relevé. En outre la chaîne de traitement des dossiers progresse : 40 ont déjà franchi la première phase d'instruction. A l'autre bout de la chaîne, les décaissements arrivent : ils représenteront 60 millions d'euros en 2015 et 200 millions en 2016. "Les effets de la lame de fond sont encore relativement lents, mais un nombre croissant de territoires, comme l'Isère, l'Alsace ou la Bretagne, sont partis ou sur le point de le faire." Quant au cahier des charges du FSN, Antoine Darodes s'est voulu rassurant : ce dernier sera soumis à une ultime consultation auprès des acteurs concernés, à partir du 17 avril, et sa publication devrait intervenir avant le prochain comité de concertation qui doit se tenir fin avril.
Le Sénat adopte un amendement "zone fibrée"
La matinée s'est achevée sur une note positive après l'annonce du vote au Sénat dans la nuit du 15 au 16 avril, de l'amendement déposé par le sénateur UMP Patrick Chaize dans le cadre du projet de loi Macron (voir ci-contre), instituant un statut de zone fibrée, conformément à ce que propose le rapport Champsaur sur l'extinction du cuivre. L'amendement avait reçu un avis défavorable en commission mais a finalement été voté après que le gouvernement en appelle à la sagesse du Parlement, autrement dit accepte celui-ci à demi-mot. L'application d'un tel label assorti de mesures d'accélération du déploiement, notamment l'augmentation des tarifs du dégroupage pour le cuivre, consoliderait un peu plus la position des RIP. D'autant que l'Arcep a récemment annoncé son intention de se saisir aussi des questions de tarification du dégroupage pour assurer une régulation favorable à l'accélération des transferts d'abonnés du cuivre vers la fibre. On le voit, tout n'est pas réglé, loin de là, mais le verre à moitié plein semble tout de même prendre petit à petit prendre de l'ascendant.
Philippe Parmantier / EVS
(1) Enquête 1er trimestre 2015. Lancé en 2013 après une première évaluation menée par la Caisse des Dépôts en 2009, l'observatoire apporte désormais un éclairage détaillé sur le poids économique et la croissance du secteur. Sur les 167 entreprises de l'échantillon, le taux de réponse au questionnaire avoisine les 50% (82 entreprises). Les entreprises interrogées représentent un total de 60.000 salariés et un chiffre d'affaires global supérieur à 7 milliards d'euros. Aujourd'hui, la part des RIP est encore marginale.
(2) Dans la continuité de la première enquête sur le sujet, réalisée par la Caisse des Dépôts en 2013 et intégrée depuis aux fonctions de l'observatoire.