Olivia Grégoire retrouve les acteurs de l'économie sociale et solidaire

Faciliter la vie des acteurs de l'ESS dans les territoires, promouvoir l'innovation sociale, multiplier les "passerelles" avec l'économie traditionnelle : Olivia Grégoire a esquissé sa feuille de route pour l'ESS, qu'elle détaillera en octobre. Cela à l'occasion de l'événement de rentrée d'ESS France, qui plaide à la fois pour le rassemblement et pour une clarification des objectifs et de la "cohérence" de l'écosystème de l'ESS.

"C’est à peu près la même." C'est par ces mots qu'Olivia Grégoire s'est adressée aux acteurs de l'économie sociale et solidaire (ESS) le 11 septembre 2023, lors de l'événement de rentrée organisé par ESS France à Paris dans les locaux d'Aéma Groupe. Après une pause d'un peu plus d'un an, l'ancienne secrétaire d'État à l'Économie sociale, solidaire et responsable, devenue ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme, a retrouvé le portefeuille de l'ESS à la faveur du remaniement "technique" de juillet dernier (voir notre article du 20 juillet 2023).

Certes, l'ESS n'a pas été accolée à son titre déjà long, mais "ce qui compte ce n’est pas tant le titre que la réalité du décret d’attribution qui me donne toute la latitude pour faire bouger les lignes, vous soutenir, vous accompagner", a-t-elle tenu à clarifier d'emblée. Le nouveau décret en question a été publié au Journal officiel du 11 août 2023.

"Démultiplier les passerelles" entre l'ESS et le reste de l'économie

Si sa "bande passante" est "un peu réduite mais réelle", Olivia Grégoire considère que le retour de l'ESS à Bercy est "une très bonne nouvelle", permettant de "démultiplier les passerelles avec les autres secteurs pour mieux vous faire rayonner, mieux vous faire connaître". Un exemple : après avoir présenté le même jour le plan gouvernemental de transformation des zones commerciales (voir notre article du 11 septembre 2023), elle l'assure : les grandes foncières vont se voir demander de réserver de l'espace pour des ressourceries, des recycleries, "pour aussi accompagner des structures de l’ESS". "C’est un formidable défi qui m’est confié, qui est celui de continuer à pousser l’ESS partout pour inspirer le reste de l’économie", s'enthousiasme-t-elle.

Olivia Grégoire indique qu'elle présentera courant octobre une feuille de route pour l'ESS. "J’ai à cœur que l’on reste assez concentré sur ce que vous faites dans les territoires, voir où ça bloque, comment déployer l'accompagnement financier sur l'innovation sociale", esquisse-t-elle. Sur cet "ancrage de l'ESS dans les territoires" et la promotion de l’innovation sociale et environnementale, plusieurs outils sont évoqués : les contrats à impact – après un point d'étape, il s'agira de "voir si on a vocation à les massifier" –, les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), la désignation d'un référent ESS dans chaque préfecture (qui ne s'occupe, si possible, que d'ESS).

Autre "intuition" de la ministre : "continuer à travailler sur ce qui nous rassemble plutôt que sur ce qui nous sépare". Déclarant ne pas "croire" aux logiques d'opposition entre les uns et les autres, elle a pris position dans les échanges qui ont lieu depuis plusieurs mois entre le collectif d'entrepreneurs sociaux devenu cet été Mouvement des entreprises écologiques, sociales et solidaires (Mouvess, voir notre article du 7 septembre 2023), le Mouvement impact France (MIF) et ESS France, vantant le "travail de passerelle" réalisé par ces deux derniers.

Santé, Ehpad, crèches : "reprendre le terrain perdu"

Dans son discours introductif, Jérôme Saddier, président d'ESS France, avait dénoncé "l’obsession de quelques esprits isolés qui s’acharnent à vouloir saboter le travail de définition et de rassemblement permis par l’article 1 de la loi de 2014". "On peut toujours s’épuiser dans des débats stériles à n’en plus finir sur ce qu’est l’ESS, ça nous a occupés parfois pendant quelques années voire pendant quelques dizaines d’années, mais ce n’est pas notre vision à ESS France où nous préférons l’action", poursuit-il, avant de citer les différents dossiers sur lesquels travaille l'organisation représentative des acteurs de l'ESS. "À ESS France, nous voulons rassembler, fédérer, accueillir de nouveaux réseaux pour faire grandir l’ESS", ajoute-t-il.

Au terme d'échanges ce 11 septembre entre différents acteurs sur les effets de cette loi de 2014 et "le pouvoir transformateur de l'ESS", Jérôme Saddier invite l'ESS à se doter "d'objectifs clairs", qui feraient selon lui "un peu défaut" actuellement, et à "constituer un écosystème plus cohérent qu’il ne l’est aujourd’hui". "Nous devons aussi assumer le choc des modèles et non pas laisser diluer le nôtre", a-t-il poursuivi, citant "la marchandisation de la santé", "l’abandon et la maltraitance des personnes âgées et maintenant le scandale des crèches privées". "L’impasse que représente le modèle lucratif dans les activités sociales est maintenant documentée, établie, expérimentée", tranche-t-il, appelant les acteurs de l'ESS à "reprendre le terrain perdu et s’engager" (voir notre article du 16 mai 2023).

L'alimentation, la cohésion sociale et le changement climatique sont les trois sujets sur lesquels ESS France souhaite à présent concentrer ses efforts. Deux autres thématiques sont citées : la gestion des données personnelles et l'évolution du monde travail – l'ESS devant incarner le "bon emploi" sur la qualité de vie au travail et l'accompagnement des carrières, mais également concernant la répartition de la valeur et les écarts de salaires. "J’y suis parfaitement favorable à condition de documenter l’affaire", précise-t-il sur ce dernier point, en réponse à l'interpellation du Mouvess. La chambre française de l'ESS demande aussi des moyens supplémentaires, notamment pour renforcer les chambres régionales de l'ESS (Cress), et une loi de programmation de ces moyens.