OpenDataFrance veut faire de la donnée un sujet politique

Le 17 avril, l'association OpenDataFrance organisait à Paris ses assises, conviant son écosystème à plancher sur son avenir, ses missions et son modèle économique. Si un élargissement à d'autres thématiques comme l'intelligence artificielle est probable, l'association est surtout attendue par les élus sur son offre d'accompagnement.

Depuis quatre mois, l’association qui fédère les collectivités engagées dans l’ouverture des données publiques cherche à se réinventer. Pour la présidente de l'association, Constance Nebbula, à l'origine de cette démarche, il s’agit de "faire différemment alors que 'seulement' 16% des collectivités soumises à obligation ouvrent leurs données, sans toujours savoir pourquoi". L’élue de la métropole angevine s'est fixé pour ambition de "faire de la data un sujet politique", ce qui suppose que toutes les collectivités se saisissent de cet enjeu. 

L'open data mais… pas que

Ce projet de refondation, l'association a souhaité le construire avec l'ensemble de l'écosystème de la donnée d’intérêt général. 79 entités, dont une trentaine de représentants de collectivités territoriales, ont ainsi répondu au questionnaire envoyé par l’association en début d'année. Plusieurs tendances ressortent de cette consultation. Tout d'abord, un intérêt pour l'association qui dépasse les collectivités membres, une majorité souhaitant qu'elle s'ouvre à l'État. Émerge ensuite le souhait d'ouvrir l'association à d'autres thématiques telles que la donnée d’intérêt général (produite par des acteurs privés) ou l'intelligence artificielle. Selon les répondants, cette ouverture ne doit pas se faire pour autant au détriment de ce qui a fait la marque de l'association, à savoir l'ouverture des données des collectivités territoriales. Enfin, une majorité souhaite que l'association joue un rôle d'animateur de l'écosystème de la donnée.

Trois scénarios sur la table

C'est à partir de ces lignes de force que trois scénarios d'évolution de l'association ont été soumis aux quelque 80 participants réunis par l'association au ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Des scénarios volontairement caricaturaux qu'il leur a été demandé d'amender et de compléter, notamment sur les missions, le modèle économique et les moyens humains. Premier scénario : un recentrage de l'association sur la formation des acteurs publics à l’open data, notamment pour embarquer les communes qui ne s'y sont pas mises. Seconde hypothèse, sa transformation en une société coopérative, autonome financièrement, dédiée au montage et à l’accompagnement de projets tels que la mise en œuvre d'espaces sectoriels de partage des données prévu par le Data Governance Act européen. Troisième scénario, la mutation de l'association en think tank dédié à l'intelligence artificielle et ouvert aux entreprises.

Débat sur le lobbying

Sans grande surprise, aucun des scénarios n’a vraiment convaincu les élus présents. Constance Nebbula a été la première à reconnaître que l'avenir de l'association se situait plutôt "à la croisée des trois scénarios". L'essentiel des points ayant fait débat a porté sur la place du secteur privé et le curseur à placer en matière de lobbying, qui pourraient se faire au détriment de l'accompagnement. Valérie Nouvel, vice-présidente du département de la Manche et rapporteure du rapport sur les territoires intelligents (voir notre article d'octobre 2023), a insisté sur la nécessité pour les collectivités de s'exprimer aux côtés de l'État sur certains sujets, citant l'exemple du projet de jumeau numérique européen sur lequel planche actuellement la Commission européenne. La représentante des archivistes de France a abondé dans le sens du lobbying, une mission devenue "centrale" pour l'association vieille de 120 ans et dont la renommée s'est bâtie autour de la formation. Les représentants de Départements de France et d'Intercommunalités de France ont pour leur part fait valoir la nécessité pour les élus de parler d'une même voix, citant l'exemple de la "Belle Alliance". Une structure informelle qui fédère aujourd'hui 13 associations nationales et exprime des positions communes sur des sujets comme l'inclusion numérique ou, bientôt, la transposition de la directive sur la cybersécurité.

Des besoins très concrets

Mais les élus locaux ont surtout insisté sur leurs besoins et sur l'offre de services attendue de la part de la future structure. Vincent Alleno, vice-président de Saint-Brieuc agglomération et du conseil départemental des Côtes-d'Armor, a ainsi exprimé un besoin de "monter en compétence alors que la data devient un outil de pilotage des politiques publiques indispensable aux collectivités". Marlène Le Dieu de Ville, vice-présidente de la communauté de communes Lacq-Orthez, a abondé dans le sens "d'intéresser les élus à la problématique de la donnée". Elle a aussi souligné la difficulté des petites collectivités à s'y retrouver face au maquis des offres data existantes dont "on ne sait pas ce qui est valable ou pas", insistant sur la nécessité de proposer une veille.

Courroie entre l'État et les collectivités

Du côté des représentants de la direction interministérielle du numérique (Dinum) et de l'Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT), on évoque surtout la nécessité d'un "relais entre l'État et les territoires". Parmi les sujets qui pourraient être mis sur la table dans les prochains mois, l'adaptation d'Albert – le chatbot souverain de l'État aujourd'hui testé dans les maisons France services – aux besoins des territoires ou encore la mise en œuvre du rapport données et territoires (voir notre article de novembre 2023 sur ce rapport). Un rapport auquel OpenDataFrance a largement contribué en étant à l'origine de "8 propositions sur 10", selon la présidente de l'association. Victor Delavaud, chargé d’animation data à la Dinum, lui a assuré qu'il était en haut de la pile des dossiers qu'il avait à traiter. Il a aussi souhaité que "la courroie marche dans les deux sens", soulignant avec son confrère de l'ANCT la nécessité de mieux valoriser auprès des collectivités l'offre data de Beta.gouv et de l'incubateur des territoires.

 

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