Jeunesse / Citoyens - Oui, les jeunes s'intéressent à la politique et oui, ils veulent qu'on les entende

Les jeunes ont une conscience politique même si elle ne s'exprime pas dans les lieux traditionnels, à savoir les urnes. Ils s'investissent - et souhaitent le faire davantage - dans la vie locale, et surtout veulent qu'on entende leur voix. C'est en résumé ce que nous apprend la sixième enquête de l'Observatoire de la jeunesse solidaire de l'Afev.

Loin des poncifs entendus, et attendus, la politique est une chose importante dans la vie des jeunes (48% des 15-17ans s'y intéressent, 46% des 18-21 ans et 53% des 25-30 ans), révèle un sondage effectué auprès d'un échantillon de 500 jeunes de 15 à 30 ans représentatif de la population, dans le cadre de la sixième enquête de l'Observatoire de la jeunesse solidaire de l'Afev (1) consacrée cette année au thème de la place des jeunes dans la société. S'ils ne votent pas systématiquement aux élections municipales et présidentielles quand ils en ont l'âge (19% des moins de 25 ans n'ont pas voté aux élections de 2012), la participation électorale est importante puisque 75% des jeunes ont déjà voté, toutes formes de participation confondues telles que les élections de délégués de classes, précise l'enquête.

Une conscience politique au quotidien

"On est bien loin d'une génération abstentionniste" en déduit le délégué interministériel à la jeunesse, Mikaël Garnier Lavalley, un des experts qui a réagi aux résultats de l'étude. En effet leur participation à la politique ne se joue pas seulement dans les urnes : 28% des interrogés ont déjà participé à une manifestation (37% des 15-17 ans), 49% ont déjà signé une pétition, 20% ont utilisé les réseaux sociaux pour relayer des campagnes militantes et 20% ont déjà fait grève.
La conscience politique ne se joue plus uniquement selon des règles précises (seulement 7% des jeunes sont engagés dans un parti politique et 5%, dans un syndicat), mais dans des actes au quotidien comme "consommer local" ou "éthique" (7 jeunes sur 10 disent s'engager dans des modes de consommation responsable), s'investir dans l'associatif (6 sur 10 apportent une aide concrète ou un don à une association), aller chercher de l'information (la télévision demeure pour les jeunes le média d'influence). "Tout ça c'est un acte politique !" témoigne l'un des jeunes de 24 ans interrogés.
Les jeunes sont donc engagés avant tout dans des actions de proximité et à une échelle locale. Alors, comment les motiver à s'investir davantage... notamment dans les urnes ? Qu'attendent-ils en fait des politiques pour renouveler le fonctionnement de la démocratie, comment pensent-ils être davantage impliqués puisque 1 jeune sur 3 (près de 40% des 25-30 ans) ne se retrouve dans aucune offre politique ?

Les conseils de jeunes plébiscités

Engagés en politique ? Non pas vraiment. Mais au quotidien et localement, oui. Alors puisque "les jeunes veulent être utiles", la première proposition des 15-30 ans pour renouveler la démocratie porte sur la création de lieux de participation et de dialogue dans leur collectivité (villes, communautés de communes, départements, régions). 84% des jeunes plébiscitent les conseils de jeunes pour améliorer la démocratie, 78% d'entre eux en appellent à des espaces d'explications sur la vie politique à l'école. "Les intérêts des jeunes ne sont pas du tout défendus, il n'y a pas de lieux d'expression et de débats pour les jeunes", témoigne une jeune femme de 21 ans. "Nous n'avons jamais vraiment eu le temps à l'école de faire de l'éducation civique", renchérit une autre.
"Cet appel à une forme de socialisation politique à l'école doit être entendu", recommande Céline Braconnier, professeur de sciences politiques à l'université de Cergy-Pontoise qui a également réagi à l'enquête. "A ce titre, l'acte II de la vie lycéenne sur lequel travaille le ministère de l'Education nationale peut jouer un rôle décisif : plus de possibilités d'engagement, plus d'espaces d'explication, une inscription de l'apprentissage dans les programmes mais aussi le développement du service civique. Les jeunes doivent s'exprimer et être écoutés", commente de son côté Mikaël Garnier-Lavalley devant ce désir d'espaces d'explication de la vie politique à l'école.

Que leur voix compte

Une autre proposition avancée par les jeunes interrogés concerne les démarches administratives pour voter, qu'ils espèrent voir simplifiées (2) (pour 75% d'entre eux, notamment car ils sont davantage mobiles et amenés à déménager). Ce droit de vote, ils ne jugent pas prioritaire de le voir ramené à 16 ans comme il en a été question encore ces dernières semaines : 22% seulement de l'ensemble des interrogés pensent en effet que le droit de vote à 16 ans est un moyen de renouveler la démocratie (33% des 15-17 ans). Une réaction en phase avec certains intervenants. "On peut faire le pari qu'une telle mesure n'aurait pour seule conséquence qu'un accroissement de l'abstention", affirme Marc-Olivier Padis, entre autres membre fondateur du think tank Terra Nova, qui réagit également au sondage.
Viennent ensuite, dans leurs préoccupations, le fait de pouvoir contacter facilement un homme  ou une femme politique (74% des jeunes), la limitation dans le temps du nombre de mandat (73% des jeunes) ou la réservation de sièges d'élus aux catégories issues des minorités et aux femmes (73%). Leur demande de reconnaissance du vote blanc (pour 72% des jeunes) vient d'être satisfaite puisque le Parlement a définitivement adopté mercredi 12 février la proposition de loi centriste visant à reconnaître le vote blanc (voir notre article ci-contre). Elle entrera en vigueur le 1er avril, au lendemain des élections municipales.

Devenir des acteurs conscients

Bien qu'intéressés par la politique, le sentiment de ne pas être entendus ou pris en compte engendre un taux d'abstention chez les jeunes aux élections qui inquiète l'Afev, et les politiques. D'autant, constate l'observatoire, qu'il est plus élevé dans les quartiers populaires où les structures associatives sont fragilisées. L'observatoire y voit "une forme d'enlisement démocratique", "le non-vote, c'est-à-dire non-inscription sur les listes et abstention, est en constante augmentation", s'alarme-t-il. 
L'Insee note comme d'autres que la catégorie sociale joue pour beaucoup dans le fait d'être inscrit ou non sur les listes électorales. Les ouvriers et les employés sont moins inscrits que les cadres, les chômeurs moins que les personnes qui ont un emploi. Les non-diplômés sont aussi moins souvent inscrits sur les listes électorales que les diplômés du supérieur (respectivement 85% et 96%), note l'Observatoire des inégalités. Sachant que le taux de chômage et de sans-diplômes est plus important dans les quartiers populaires, il est certain que les jeunes qui y vivent sont moins enclins à s'inscrire et à voter. L'école, à nouveau, est donc un moyen pour des jeunes moins sollicités, moins impliqués de par leur milieu familial, leur histoire et leur expérience, de favoriser leur intérêt et leur participation à la citoyenneté. "Il revient à la République d'engager la lutte contre les très fortes inégalités politiques qui se transmettent aujourd'hui en héritage via les familles sans pouvoir être neutralisées ou compensées", affirme Cécile Braconnier.
Pour la marraine de l'Observatoire, Cécile Van de Velve, "il faut voir dans ces résultats une génération qui défend plus fermement la démocratie, qui est plus impliquée localement".  Pour la sociologue, enseignant-chercheur à l'EHESS, ces jeunes veulent  "être des acteurs conscients". 

Sandrine Toussaint

(1) Une enquête menée par l'Afev (premier réseau étudiant d'actions solidaires, 8.000 étudiants solidaires en France, accompagne des enfants ou des jeunes des quartiers populaires en difficulté), avec la participation de l'Anacej, l'Injep, l'Observatoire des inégalités et du Forum français de la jeunesse.

(2) Le Forum français de la jeunesse a publié en janvier 2114, un avis intitulé "Le vote et la participation des jeunes" qui va dans le sens des résultats du sondage et formule plusieurs propositions pour inciter tous les citoyens à voter : développement des lieux de formation, d'information et d'expérimentation, simplification des démarches, mise en place d'un processus de renouvellement, démocratisation de notre fonctionnement.

 

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