Paca : un partenariat public-privé pour la microélectronique attend son pôle

Industriels et pouvoirs publics se mobilisent en Paca derrière le projet de Centre intégré de microélectronique. Objectif : créer un centre de R&D mutualisé liant recherche et industrie et décrocher un label Pôle de compétitivité dans le cadre du projet "solutions communicantes sécurisées".

"Si l'on veut pérenniser le tissu régional et éviter les délocalisations, il faut intégrer la recherche et l'industrie comme cela se pratique aux Etats-Unis depuis longtemps et en Asie depuis peu", explique Laurent Roux, président du Cremsi (Centre régional d'étude de microélectronique sur le silicium). Le Centre intégré de microélectronique (CIM) est né de la volonté des acteurs locaux. En effet, bien que première région microélectronique du pays, avec 35% de la production nationale de semi-conducteurs et la présence sur son sol d'un quart des sites français de fabrication (voir ci-contre), Paca reste le géant aux pieds d'argile. Dans une étude réalisée en 2003 pour la Mission de développement économique régionale (MDER), l'universitaire Sylvie Daviet pointait ainsi "la fragilité du tissu industriel des PME des Bouches-du-Rhône" et "la disjonction entre les pôles industriels, localisés dans le pays d'Aix, et les laboratoires concentrés sur Marseille". Plus grave, la chercheuse relevait que "malgré les efforts entrepris depuis dix ans, Paca n'était toujours pas identifiée parmi les grands pôles scientifiques français en microélectronique", seuls cinq sites et quatre régions étant recensés par Paris comme "grandes centrales technologiques en micro et nanosciences". Un retard que Sylvie Daviet imputait au déséquilibre entre le nombre d'emplois industriels et scientifiques, Paca ayant un nombre de chercheurs nettement moins élevé que le pôle Grenoblois, leader en matière de R&D.

Un PPP élargi à l'Europe et aux collectivités territoriales

Pour combler ce retard, les acteurs ont donc décidé de faire leur révolution culturelle en amorçant un regroupement des énergies. Passant outre leurs rivalités régionales, les deux associations d'entreprises de Rousset et Sophia - le Cremsi et le groupe Same (Sophia Antipolis Micro Electronics Forum) - sont allées défendre auprès des pouvoirs publics un projet de centre de recherche mutualisé sur les zones d'Aix-Marseille et Nice-Sophia. Lors du Ciadt de décembre 2003, le gouvernement a entériné le projet en annonçant la création d'un Centre intégré de microélectronique en Paca. "A la base, le concept du CIM est assez classique puisqu'il s'agit d'ancrer l'activité industrielle sur l'innovation", indique Marc Tassel, directeur de la MDER. "En jetant des passerelles entre les laboratoires publics et les entreprises, mais aussi entre les entreprises elles-mêmes, on souhaite créer un véritable maillage régional de la matière grise. Un maillage si dense qu'in fine, tout le monde serait dépendant de tout le monde", poursuit Laurent Roux.
Pour donner corps à ce projet de partenariat public-privé, l'Etat, l'Europe, les collectivités et les industriels investiront quelque 103 millions d'euros en trois ans pour le CIM. Cette somme servira à financer la mise en place de trois plates-formes technologiques dotées d'équipements spécifiques.

En quête du label Pôle de compétitivité

La première, implantée à Rousset, sera dédiée à la caractérisation (le manufacturing), une autre à Gardanne sera centrée sur le design (le micropackaging) et la sécurité. La troisième plate-forme, spécialisée dans la conception de composants, aura son siège à Sophia Antipolis. Chaque plate-forme sera gérée par une association regroupant les membres fondateurs, mettant à disposition les moyens matériels et humains. Un comité stratégique associant l'ensemble des partenaires publics et privés assurera la cohérence globale de l'ensemble du projet. Une cinquantaine de personnes constitueront le noyau dur du CIM et 150 personnes pourraient travailler chaque année sur les 20 thèmes et 600 projets retenus. L'ensemble des partenaires clés (ST Microelectronics, Atmel, Gemplus, Texas Instruments, le Cremsi, les universités, l'école d'ingénieurs) s'associeront dans un GIE qui ne possédera pas d'actifs ni de propriété intellectuelle puisque les équipements et le personnel seront mis à disposition par les partenaires du projet. De même, le centre ne disposera pas de la propriété industrielle sur les recherches qui y seront menées : chaque partenaire sollicitant le centre sera propriétaire de ses résultats.
Une organisation intégrée qui témoigne d'une solidarité assumée et volontaire... qui a notamment débouché sur la participation des acteurs du CIM Paca au projet de pôle de compétitivité sur les "solutions communicantes sécurisées", porté par

ST Microelectronics (voir ci-contre).

"Se distinguer par une capacité à optimiser l'ensemble du système"

Daniel Bois, directeur scientifique du Centre de microélectronique de Provence, est président du comité de pilotage du projet CIM Paca.

La recherche et l'innovation sont au coeur du projet de CIM Paca. Comment fédérer des industriels concurrents sur des projets communs de R&D ?

La R&D est un enjeu vital pour la microélectronique européenne. Si elle veut résister à la concurrence de la matière grise bon marché de Taiwan, de Malaisie, de Singapour ou de Chine, notre industrie doit se distinguer par sa capacité à optimiser l'ensemble du système, à optimiser également l'ensemble du processus qui va de la genèse à la réalisation au travers d'un système ou d'un service.

Un exemple ?

Souvent, on cherche à réduire les coûts de fabrication d'un produit en augmentant au maximum le nombre d'unités produites par telle ou telle machine, en réduisant le temps de fabrication, le coût de la main d'oeuvre, voire, quand on a épuisé toutes les solutions, en délocalisant... Or la bataille du coût se gagne ou se perd souvent très en amont, au moment de la conception du produit. Le défi consiste à être cohérent d'un bout à l'autre de cette chaîne, d'où l'intérêt de former des ingénieurs capables d'écouter, de comprendre le langage de disciplines variées. C'est tout l'enjeu de l'innovation en réseau. On est loin du mythe du chercheur enfermé dans son laboratoire. Si vous voulez réussir aujourd'hui, il faut être capable de coopérer dans un monde foisonnant, y compris avec des concurrents, tout en veillant à préserver son propre savoir.

Comment s'organisera le travail des trois plates-formes du CIM ?

Le thème central du projet concerne l'industrialisation des solutions microélectroniques sécurisées pour réseaux de télécommunications et systèmes nomades comme les cartes à puce. Il fédère les activités des concepteurs, des fabricants de composants et des professionnels des systèmes intégrés en s'appuyant sur les spécificités régionales. Les trois plates-formes seront complémentaires. Le pôle de Sophia, centré sur la conception, fonctionnera comme un banc de validation des produits les plus performants du moment. La plate-forme de Rousset sera dédiée à la caractérisation, la mise au point d'outils d'analyse physico-chimique permettant de visualiser ce qui se passe sur les plaques de silicium. Le pôle de Gardanne travaillera sur la sécurité et le micropackaging, la technologie d'assemblage de circuits intégrés. L'enjeu est énorme puisqu'il s'agira de chercher des solutions permettant de renforcer la fiabilité et la sécurité de ces outils high-tech qui font partie de notre quotidien.

Quelques données sur le Centre intégré de microélectronique

Paca, première région microélectronique du pays

Sur les vingt dernières années, quelques poids lourds de l'industrie microélectronique ont implanté leurs usines high-tech en Paca. Gemplus, leader mondial de la carte à puces, s'est installé à Gémenos, dans les environs de Marseille ; ST Microelectronics et Atmel, manufacturiers de microcomposants, à Rousset ; Texas Instruments et Philips Semiconductors à Sophia Antipolis. Au total, une centaine d'établissements ont germé dans leur sillage, générant près de 10.000 emplois.

Un investissement public-privé de 103 millions d'euros

L'investissement sera réalisé en deux parts presque égales entre secteurs privé et public. L'investissement en terme d'équipement sera de 52 millions d'euros, de 51 millions pour le fonctionnement du centre sur les trois ans de durée initiale du projet. Pour le secteur public, ce sont notamment la région Paca, l'Union européenne, la Capa, les trois départements des Bouches-du-Rhône, des Alpes-Maritimes et du Var et l'Etat qui participeront.

Former les futurs ingénieurs

En 2000, l'Etat a décidé de créer une école d'ingénieurs en microélectronique à Gardanne. Placée sous la tutelle de l'Ecole nationale supérieure des mines de Saint-Etienne, ce "Centre de microélectronique de Provence Georges-Charpak" (CMP) a démarré ses premières formations en 2003. Depuis plus d'un an, le CMP assure la formation de 260 élèves-chercheurs. Ses effectifs devraient tripler d'ici 2006. Le CMP devrait accueillir une des trois plates-formes de ressources R&D du projet de CIM Paca.

La microélectronique provençale unie autour d'un projet de pôle de compétitivité

Les acteurs du projet CIM Paca sont les chevilles ouvrières d'un dossier de candidature à un pôle de compétitivité dans le domaine des "solutions communicantes sécurisées, du silicium aux usages".

Les solutions communicantes sécurisées ont pour vocation à répondre aux besoins de sûreté et de confidentialité dans l'échange et la transmission de données numériques. Ce marché est notamment constitué des applications telles que la téléphonie mobile (680 millions de portables vendus en 2004), la carte à puce (plus de deux milliards de cartes à puces vendues par an), les composants radio fréquents dans les applications de connectivité sans fil (le marché des composants dans ce secteur doit représenter plus d'un milliard d'euros par an), la sécurité des réseaux et de l'identité, le développement du web... Ce créneau de la sécurité permet aux acteurs microélectroniques provençaux et azuréens de se distinguer de leurs homologues de Crolles, en Isère, engagés eux aussi dans l'appel à projet de la Datar.
En Paca, les filières de la microélectronique, du logiciel et des télécommunications sur lesquelles s'appuie ce pôle de compétitivité, porté par ST Microelectronics, représentent plus de 35.000 emplois directs. La vingtaine de grands industriels concernés (Atmel, Gemplus, HP, IBM, Philips, SAP, Texas Instruments...) ayant un établissement dans la région affichent à eux seuls un effectif de R&D de 6.500 personnes. Le pôle peut également s'appuyer sur un réseau d'environ 1.200 chercheurs du secteur public, associant dix écoles d'ingénieurs et six universités. Depuis 2000, le montant des investissements dans la microélectronique régionale est estimé à plus de 3 milliards d'euros.

Douze projets de pôle de compétitivité en Paca

Au terme de l'appel à candidatures lancé par le gouvernement, douze projets (*), dont quatre interrégionaux, ont été déposé à la préfecture de la région Paca le 28 février dernier.

En nombre de projets de pôles, Paca se situe, au quatrième rang des régions française après Rhône-Alpes (dix-neuf projets), Poitou-Charentes (quinze projets) et l'Ile-de-France (quinze projets :

- "Parfums, arômes, senteurs, saveurs" (pays de Haute-Provence)
- "Arles numériques" dédié aux industries culturelles numériques (mairie d'Arles)
- "Innovation thérapeutique" (Association Bioméditerranée)
- "Energies non génératrice de gaz à effet de serre" (CEA)
- "Pôle horticole Var méditerranée" (Hyère Horticole)
- "Systèmes complexe d'optique et d'imagerie" (POPsud)
- "Simulation Essais Mesures" (IUMM Provence)
- "Mer, sécurité, et sûreté, développement durable (comité de pilotage région Paca)
- Solutions communicantes sécurisées (ST Microélectronics)
- "Fruits et légumes (Pôle européen d'innovation fruits et légumes)
- "Gestion des risques et vulnérabilité des territoires" (Europôle méditerranéen de l'Arbois)
- "Trimatec" (Areva)
(*) Source Datar

Aller plus loin sur le web :
 
Site d'Initiative Riviera technologies (CCI Nice Côte d'Azur)
http://www.initiative-riviera-technologies.com/CIM_Paca.htm

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