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Développement des territoires - Pactes métropolitains d'innovation : quels enjeux pour les territoires ?

Six pactes métropolitains d'innovation ont été signés sur les quinze prévus par le pacte Etat-métropoles du 6 juillet. Chacun d'eux comporte un contrat de coopération métropolitain entre la métropole et les territoires limitrophes, avec l'idée de favoriser une "alliance des territoires" urbain-rural, sur le principe des "contrats de réciprocité" en cours d'expérimentation. Les territoires intermédiaires sauront-ils tirer leur épingle du jeu ?

Et de six. Le ministre de l'Aménagement du territoire, Jean-Michel Baylet, s'est rendu à Nantes ce lundi 23 janvier pour la signature du sixième "pacte métropolitain d'innovation", après ceux de Rouen (25 novembre 2016), Nancy (2 décembre 2016), Montpellier ( 5 janvier), Toulouse (13 janvier) et celui de la métropole du Grand Paris (18 janvier). Le ministre a également signé un avenant au contrat de plan Etat-région et un contrat de ruralité avec le pôle d'équilibre territorial et rural (PETR) du Pays de Retz… N'en jetez plus. Voilà réunie la batterie de contrats anciens et nouveaux que l'Etat est susceptible de passer avec les territoires. "En diversifiant les formes de contractualisation, le gouvernement mène une politique d'aménagement du territoire novatrice qui poursuit un objectif : ne pas opposer les territoires les uns avec les autres", se félicite le ministère de l'Aménagement du territoire dans un communiqué.
Ne pas opposer l'urbain et le rural. L'expression usée jusqu'à la corde ces dernières années a perdu de son lustre et n'est plus utilisée que par les "urbains", comme le constatait récemment, avec une pointe d'ironie, le président de l'Association des maires ruraux de France. L'heure est plutôt à la consécration des métropoles dans la réforme territoriale. Ce qu'est venu confirmer le pacte Etat-métropoles signé le 6 juillet, doté d'une enveloppe de 150 millions d'euros via le fonds de soutien à l'investissement local (Fsil) et décliné depuis en "pactes métropolitains d'innovation". L'objectif : faire rayonner les quinze métropoles présentées comme les "locomotives des économies régionales", avec l'idée sous-jacente que celles-ci irriguent l'économie territoriale. "Les grandes villes françaises portent une part essentielle du dynamisme de la France, souligne ainsi le ministère de l'Aménagement du territoire dans un document consacré à ces pactes. Les quinze métropoles et leurs agglomérations réalisent en effet la moitié du PIB français (51%), rassemblent 43% de l'emploi et déposent 70% des demandes de brevets."
Pour éviter une concurrence stérile, les quinze métropoles sont amenées à se regrouper au sein d'une conférence : le "C15". "Le rôle de l'Etat, ce n'est pas avantager Lyon contre Lille ou Bordeaux contre Toulouse. C'est permettre à toutes ces villes de jouer dans la cour de Francfort, Genève, Milan, Barcelone ou Amsterdam", avait fait valoir l'ancien Premier ministre Manuel Valls, le 6 juillet.

Les métropoles ont des "responsabilités"

A travers ces pactes métropolitains d'innovation, le gouvernement entend aussi rappeler que les métropoles ont des "responsabilités" vis-à-vis de leurs marges. Chacun de ces pactes doit comporter un "contrat de coopération métropolitaine" passé entre la métropole "et les espaces périurbains de leurs couronnes périphériques, les villes petites et moyennes et les espaces ruraux proches", précise le ministère de l'Aménagement du territoire. Ces contrats de coopération s'intéressent au développement économique (tourisme, circuits courts…), transport (transports collectifs, circulations douces…), au déploiement du numérique, à la gestion en commun des ressources (eau, énergie, collecte des déchets) et au renforcement de l'ingénierie territoriale… On retrouve l'idée des "contrats de réciprocité" qui avaient été lancés à titre expérimental lors du premier comité interministériel aux ruralités du 13 mars 2015, à Laon (Aisne) sur une idée du député du Cantal Alain Calmette. Les contrats de coopération sont en effet l'approfondissement de cette expérimentation menée dans quatre territoires avec plus ou moins de succès. Pour le moment, seul le contrat de réciprocité de Brest Métropole–Pays Centre Ouest Bretagne a été officiellement signé, le 4 novembre 2016.

Coopération territoriale

Dans le détail, que prévoient ces pactes métropolitains d'innovation ? Doté de 9,5 millions d'euros, celui de Nantes Métropole qui vient d'être signé est résolument tourné vers l'alimentation, avec le déménagement du marché d'intérêt national (MIN) de Nantes, deuxième MIN de France après celui de Rungis. Le contrat de coopération repose sur le projet alimentaire territorial de la métropole, avec l'objectif de "soutenir l'agriculture urbaine et périurbaine et faire vivre l'alliance des territoires".
Le pacte de Montpellier doté de 7,1 millions d'euros repose, lui, essentiellement sur la filière santé. Son volet coopération signé avec les quatre intercommunalités voisines est capital au vu des enjeux démographiques : "Avec 4.500 habitants supplémentaires par an, l'aire urbaine de Montpellier, qui dépasse largement les limites administratives de la métropole, lance aux intercommunalités concernées des défis d'ampleur", souligne le ministère. Il mise beaucoup sur la santé et l'innovation. Il soutient un projet de pépinière baptisé Incubasciences, le bio-incubateur Cyborg (une start-up spécialisée dans les biotechnologies), des plateformes technologiques portées par l'université ou la métropole, la création d'une salle d'angiographie cérébrale hybride "unique en Europe", l'achat d'un IRM innovant, ou la création d'un pôle d'excellence sur l'autonomie des personnes, à Lattes. Il comporte aussi des actions dans la prévention de la crue du Lez entre autres, la protection des étangs, le développement des circuits courts et le tourisme.
Le pacte de Toulouse métropole est pour sa part fortement orienté vers les transports : plus de 7,2 millions d'euros sur les 8,7 (avec, notamment, la création d'un téléphérique urbain). Alors que Toulouse est désormais la capitale de la grande région Occitanie, le volet de coopération territoriale du pacte a une particularité : il repose sur une alliance avec la métropole de Montpellier. "Le fait métropolitain est là : il est limpide, inéluctable. Il est impressionnant. Il nous lance des défis majeurs", s'était enthousiasmé le président de Toulouse Métropole, Jean-Luc Moudenc, lors de la signature. Le contrat repose aussi sur un partenariat avec le pays gersois des Portes de Gascogne avec 500.000 euros à la clé. Il sera prolongé par le contrat de réciprocité signé au cours du premier trimestre 2017 après deux ans de préparation. Au menu de cette coopération territoriale : la réalisation d'un incubateur d'innovation à Fleurance, l'aménagement d'un centre de télétravail à Gimont ou encore l'implantation de l'office de tourisme intercommunal de Gascogne-Lomagne à Lectoure.
Dans le Grand Nancy, la coopération territoriale passe par le syndicat mixte de Scot du Sud Meurthe-et-Moselle. Elle consistera à aménager des pôles d'échanges multimodaux autour des gares, à mieux coordonner les offres de transport, à mieux faire converger l'offre et la demande de produits agricoles...
Le pacte du Grand Paris est le mieux doté avec 16 millions d'euros. Il cherche à "construire une métropole résiliente qui sache s'adapter au changement". Trois des vingt-huit projets du pacte ont trait à la coopération territoriale. L'objet : réduire "l'effet frontière" entre la métropole et la Grande Couronne.
Avec 7,4 millions d'euros, le pacte de la métropole Rouen Normandie est axé autour de la Seine. Il vise reconvertir des friches industrielles (comme le site de l'ancienne raffinerie Petroplus) en projets économiques ; il mise aussi sur l'économie circulaire, le cadre de vie, la "ville de demain". Au titre de la coopération, la métropole partagera son ingénierie avec les autres territoires. La métropole devrait présenter un projet de véhicule autonome via un partenariat avec Transdev et le pôle de compétitivité Moveo dans le cadre du programme d'investissements d'avenir.

Les PETR se rapprochent de France urbaine

Que ce soit à Toulouse ou à Brest, la démarche a redonné de l'élan aux pays ou pôles d'équilibre territoriaux et ruraux (PETR), en particuliers les pays Centre Ouest Bretagne et des Portes de Gascogne. France urbaine, qui est à l'initiative du pacte Etat-métropoles du 6 juillet, a d'ailleurs passé un partenariat, le 11 janvier, avec l'Association nationale des pôles territoriaux et des pays (ANPP) pour conforter ces évolutions. "Ce rapprochement donne un contenu opérationnel et stratégique au concept d'alliance des territoires développé depuis 2016" se félicitent les deux associations dans un communiqué du 16 janvier. Elles disent vouloir amplifier leurs coopérations à travers les 15 pactes métropolitains.
Pour les PETR, la signature en cours des tout nouveaux "contrats de ruralité" est une autre occasion de s'affirmer. Pourtant, tout le monde ne se retrouve pas dans la nouvelle organisation territoriale qui suit, peu ou prou, les recommandations de France Stratégie qui, dans une analyse publiée le 7 juillet (soit un jour seulement après la signature du pacte Etat-métropoles), invitait à accentuer les investissements dans les métropoles et les territoires les plus isolés, "tout en investissant moins dans les territoires intermédiaires"... "Nous vivons entre les métropoles de Bordeaux et de Toulouse et avons du mal à maintenir un bon niveau de compétitivité sur nos territoires", alertait le président du Pays de l'Agenais, Henri Tandonnet, lors d'une audition de la délégation aux collectivités du Sénat, le 1er décembre. Et de poursuivre : "La péréquation entre les territoires ruraux et les métropoles devient problématique. Je ne veux pas du tout opposer ces territoires, mais les métropoles auront intérêt à avoir des territoires ruraux vivants pour abonder leurs richesses."
Reste à savoir si le pacte Etat-métropoles sera étendu aux sept nouvelles métropoles prévues par le projet de loi "Statut de Paris et aménagement métropolitain". Auquel cas il permettra de combler un peu le vide laissé au centre de l'Hexagone.

 

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