Projet de loi Energie - Pascal Sokoloff : "Les missions de service public de Gaz de France doivent être garanties"
Localtis : La privatisation de Gaz de France est-elle un motif d'inquiétude pour la Fédération ?
Pascal Sokoloff : La FNCCR n'a pas à se prononcer sur des choix de politique industrielle qui ne relèvent pas du champ des compétences des collectivités locales. Cependant, ce projet de loi nous concerne. Nous serons attentifs à ce que l'ensemble des engagements pris par Gaz de France et la Lyonnaise des eaux, dans le cadre de leurs missions de service public, soient garantis pour l'avenir. Le nouveau groupe devra en particulier conserver les moyens humains et financiers nécessaires à la poursuite de cette mission essentielle. Avec la privatisation de Gaz de France et sa fusion avec Suez, le groupe public va devenir une entreprise privée, comme les autres. Or, l'évolution rapide des marchés énergétiques fait qu'il est impossible aujourd'hui d'établir un pronostic sur ce que deviendra le nouveau groupe dans 10 ans. C'est pourquoi nous demandons que le projet de loi reconnaisse formellement la propriété des réseaux de distribution de gaz aux collectivités locales. La loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz a déjà reconnu la propriété des réseaux de distribution d'électricité par les collectivités territoriales. Nous souhaitons que le présent projet de loi procède à la même reconnaissance pour les réseaux de gaz. Il est souhaitable que la permanence dont nous avons bénéficié jusqu'à présent avec Gaz de France soit conservée.
Quel sera l'impact du projet de loi sur les régies et les Sem du secteur de l'énergie ?
Celles qui ont plus de 100.000 clients devront séparer leurs activités entre d'une part, celles qui sont liées au réseau et, d'autre part, celles qui sont liées à la fourniture. A long terme, elles seront confrontées à la question des économies d'échelle, très sensible dans leur secteur. Par conséquent, elles devront mettre à l'étude les différentes formules de groupement.
En matière d'électricité, vous agitez le risque d'une "fracture". Quel est le danger ?
Pour le secteur de l'électricité, nous sommes attachés à l'universalité de la desserte du territoire. La Fédération a d'ailleurs été créée il y a 70 ans pour défendre ce principe. Cette idée veut que tous les Français bénéficient d'une desserte de qualité comparable au même prix. Le bilan du système français est positif à cet égard. Quand on a un opérateur historique porteur de cette solidarité, le problème ne se pose pas. Mais aujourd'hui, nous avons des raisons d'être inquiets : demain, les opérateurs s'attaqueront au très rentable marché parisien, mais iront-ils jusqu'en Lozère ? Rien n'est moins sûr. Donc, ne cassons pas la solidarité territoriale.
Quelle solution proposez-vous ?
Nous appelons au renforcement de l'intercommunalité en matière de distribution d'électricité. A l'heure actuelle, sur les 80 syndicats intercommunaux constitués à l'échelle départementale, 30 regroupent la totalité des communes du département ; une quarantaine réunit la majorité de la population sans toutefois parvenir à la totalité. Dans les autres départements, ou le syndicat ne regroupe pas la majorité des communes, ou il n'existe tout simplement pas. Par exemple, dans un département comme l'Aude qui est dépourvu de syndicat, il y a autant de concessions que de communes. Nous ne voulons pas contraindre les collectivités locales de ces départements à constituer un syndicat ou à adhérer plus massivement à celui qui existe : nous voulons seulement les convaincre de venir à l'intercommunalité, par réalisme.
Propos recueillis par Thomas Beurey / EVS
Les tarifs réglementés sont maintenus
Depuis la libéralisation du marché de l'électricité pour les entreprises en 2004, celles qui ont quitté EDF pour la concurrence ont dû faire face, ces dernières années, à des augmentations des prix allant de 60 à 80%. Le projet de loi prévoit, pour celles qui le souhaitent, la possibilité de bénéficier d'un tarif plafonné qui ne pourra être supérieur de 30% au tarif réglementé.
Quant aux collectivités locales, la très grande majorité d'entre elles ont préféré garder des tarifs réglementés. "Quelques-unes cependant ont passé précocement des marchés, dès 2004, à l'image de la ville de Lorient ou du Syndicat d'énergie de la Loire, obtenant des résultats significatifs en termes de prix et services, déclare Pascal Sokoloff. Plus récemment, d'autres collectivités, optant pour le groupement de commandes (tels le Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité et les réseaux de communication et le Syndicat intercommunal pour le gaz et l'électricité en Ile-de-France), ont constaté que la mise en concurrence, même avec des volumes de consommation très importants, ne permettait plus d'obtenir des prix intéressants, tant pour l'électricité que pour le gaz." La FNCCR souhaite le maintien des tarifs régulés, à la fois pour les consommateurs particuliers et les collectivités locales. "Nous ne pouvons qu'être favorables à un 'droit de retour' pour les collectivités qui le souhaiteraient", indique Pascal Sokoloff. "Il ne faut cependant pas oublier que l'énergie aura toujours un coût, et qu'il convient d'abord d'oeuvrer à bien maîtriser ses consommations", précise-t-il.