Commande publique - Passation d'avenants à des marchés publics : quelles compétences pour le maire ?
Répondant le 25 septembre à une question parlementaire, le ministère de l'Intérieur rappelle quelles dispositions encadrent les pouvoirs du maire en matière d'avenants à des marchés publics. Bien que la jurisprudence nationale soit abondante en matière d'avenants, elle est à peu près inexistante en ce qui concerne la compétence d'un maire pour la passation d'avenants à des marchés publics initialement passés par le conseil municipal, souligne le sénateur Jean-Noël Cardoux, auteur de la question, se référant à deux cas de figure : lorsque le maire n'avait pas encore reçu de délégation lui permettant de conclure le marché pour lequel il doit ensuite signer un avenant, ou lorsque le marché avait tout simplement été conclu sous la mandature précédente.
Le ministère rappelle tout d'abord l'énoncé de l'article L.2122-21-6° du Code Général des collectivités territoriales (CGCT), selon lequel le maire est chargé, sous le contrôle du conseil municipal, d'exécuter les décisions dudit conseil et notamment de souscrire les marchés, ainsi que les avenants. Le maire doit donc, de toute évidence, recevoir la délégation de compétence pour signer les actes considérés, sous peine de nullité. De ce fait, la signature d'un maire pour un avenant à un marché conclu sous une mandature précédente est "sans incidence sur la validité [dudit] avenant", précise le ministère. En effet, la légalité de la signature du maire et donc de l'avenant dépend uniquement de l'existence de cette délégation par le conseil municipal, peu importe la mandature ayant passé le marché.
Cette autorisation peut-être accordée au titre d'une délégation spécifique sur le fondement de l'article L.2122-21 précité ou au titre d'une délégation générale sur le fondement de l'article L.2122-22-4° CGCT. Selon cet article, "le maire peut […] être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat" de prendre des décisions concernant la passation des marchés publics. Ainsi, le conseil municipal peut décider d'exclure telle ou telle compétence de cette délégation, comme par exemple, les avenants. Toute délégation doit être clairement délimitée et prévoir précisément l'étendue des compétences concernées, sous peine d'inapplicabilité, avait d'ailleurs déjà précisé le ministère par deux réponses ministérielles en date du 5 août 2010 et du 31 mars 2011.
Une dernière précision est par ailleurs apportée quant aux compétences de passation de l'assemblée délibérante suite à son renouvellement. Selon une jurisprudence du Conseil d'Etat en date du 23 décembre 2011, lorsqu'une assemblée délibérante est intégralement renouvelée, "un marché ne peut être ni attribué, ni approuvé par [ladite] assemblée, ni a fortiori signé, pendant le renouvellement de [celle-ci] jusqu'à l'installation de la nouvelle équipe municipale". Toutefois, durant cette période et lorsqu'une situation d'urgence se présente, une signature irrégulière d'un marché peut intervenir, mais elle devra alors "être régularisée par des instances nouvellement constituées et rendues dûment compétentes", selon un arrêt du Conseil d'Etat en date du 28 janvier 2013. Le ministère admet donc que de telles solutions sont nécessairement applicables à l'égard des compétences du maire en matière d'avenants.
On notera également que le cadre juridique des avenants va être prochainement modifié lors de la transposition de la nouvelle directive marchés publics, qui devrait les encadrer de manière plus précise, en instaurant par exemple des seuils autorisant les modifications de marchés en cours sans nouvelle procédure de passation et en créant une clause de réexamen (voir encadré ci-dessous).
Références : question de M. Jean-Noël Cardoux, n°12527, JO du Senat du 25 septembre 2014 ; question de M. Bernard Piras, n°10016, JO du Senat du 31 mars 2011 ; question de M. Bernard Piras, n°10018, JO du Senat du 5 août 2010.
LES AVENANTS, DAVANTAGE ENCADRES PAR LA NOUVELLE DIRECTIVE MARCHES PUBLICS
La nouvelle directive 2014/24/CE applicable en matière de marchés publics encadre plus précisément les avenants. En effet, jusqu'à présent, le cadre juridique des avenants reposait essentiellement sur la jurisprudence européenne. Dorénavant, l'article 72 pose un cadre juridique précis en la matière, grâce notamment à la codification de cette jurisprudence. Il est ainsi énoncé qu'"il est nécessaire de préciser les conditions dans lesquelles des modifications apportées à un marché en cours d'exécution imposent une nouvelle procédure de passation de marché, en tenant compte de la jurisprudence de la CJUE en la matière".
Le paragraphe 1 de l'article 72 prévoit les cas pour lesquels "les marchés et les accords-cadres peuvent être modifiés sans nouvelle procédure de passation de marché". Ils le pourront par exemple "lorsque ces modifications, […], ont été prévues dans les documents de marchés initiaux sous la forme de clauses de réexamen" rédigées de manière suffisamment claire par les pouvoirs adjudicateurs. Ou bien encore "pour les travaux, services ou fournitures supplémentaires" lorsque "les modifications, quelle qu'en soit la valeur, ne sont pas substantielles au sens du paragraphe 4". Selon ce paragraphe, les modifications apportées au marché ne doivent pas, entre autres, perturber l'équilibre économique du marché, ni étendre son champ d'application.
Le paragraphe 1 n'apporte pas de modifications fondamentales par rapport aux principes et aux pratiques existantes en France (excepté l'utilisation des nouvelles clauses de réexamen). Les précisions apportées par le paragraphe 2 de l'article 72 représentent en revanche une réelle avancée en matière d'avenants. Selon cette disposition, et dans l'hypothèse d'une inapplication du paragraphe 1, les marchés pourront être modifiés sans nouvelle procédure de passation "lorsque la valeur de la modification est inférieure" à 10% de la valeur du marché initial pour les marchés de services et de fournitures, et à 15% de la valeur du marché initial pour les marchés de travaux.