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Projet de loi Elan - Patrimoine / Urbanisme : le Sénat rétablit la plénitude du rôle de l'ABF

À l'occasion de l'examen du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) - qu'elle a adopté le 4 juillet -, la commission des affaires économiques du Sénat s'est penchée notamment sur l'article 15 du texte, consacré aux architectes des bâtiments de France (ABF). Les sénateurs sont revenus sur des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale et se sont posés en défenseurs sourcilleux de l'avis obligatoire de l'ABF, au nom de la préservation du patrimoine contre de possibles tentations locales. Dans un passé récent et sur la question voisine des chantiers d'archéologie préventive, on se souvient que le Sénat s'était montré un ferme partisan de l'allègement des contraintes liées au patrimoine...

Un risque d'impact sur le patrimoine ?

Dans sa rédaction initiale, l'article 15 du projet de loi Elan rendait, dans les secteurs protégés au titre du patrimoine, l'avis de l'ABF simplement consultatif dans le cadre de la délivrance des autorisations d'urbanisme portant sur le traitement de l'habitat indigne en secteur patrimonial protégé et sur les installations d'antennes de téléphonie mobile.
Afin de renforcer le dialogue entre les élus et les ABF, l'Assemblée est allée plus loin en adoptant un amendement permettant aux collectivités territoriales d'être à l'initiative, au même titre que l'ABF, du tracé portant délimitation des abords de monuments historiques. Dans ce cas, la collectivité serait tenue de recueillir uniquement l'avis de l'ABF et non pas son accord.
En commission des affaires économiques du Sénat, plusieurs amendements proposaient de modifier ou supprimer cette disposition. Le motif avancé par l'un des exposés des motifs est "la crainte que certains élus utilisent cette nouvelle faculté pour faciliter des projets en opportunité, au risque que le découpage des abords ne relève plus d'une logique documentaire et soit peu cohérent avec la géographie".
Lors d'une table ronde, organisée le 18 avril - donc avant même le début de l'examen du texte à l'Assemblée -, la commission des affaires culturelles du Sénat s'était d'ailleurs déjà inquiétée du possible impact du projet de loi Elan sur la protection du patrimoine, et notamment de la possible remise en cause du rôle des ABF (voir notre article ci-dessous du 23 avril 2018).

Oui au dialogue, non à la co-décision

Le Sénat a donc finalement rétabli le pouvoir final de décision de l'ABF sur la délimitation des périmètres de protection, rendant ainsi obligatoire son avis conforme.
Par ailleurs, un amendement déposé par Dominique Estrosi-Sassone, sénatrice (LR) des Alpes-Maritimes et rapporteur pour la commission des affaires économiques, a clarifié la procédure de dialogue en amont, entre l'autorité de délivrance de l'autorisation - en l'occurrence le maire ou le président de l'intercommunalité - et l'ABF. La rédaction initiale prévoyait que "l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation peut proposer un projet de décision à l'ABF. Celui-ci donne son accord ou demande la modification de ce projet de décision, le cas échéant après examen conjoint du dossier". L'amendement adopté par la commission prévoit au contraire que l'ABF "émet un avis consultatif sur le projet de décision et peut proposer des modifications, le cas échéant après étude conjointe du dossier". Il n'est donc plus question d'un accord de l'ABF dans cette phase de dialogue avec l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation, cette phase de dialogue n'ayant en effet pas de portée contraignante. En revanche, une fois le projet d'autorisation finalisé, l'ABF retrouve la plénitude de ses pouvoirs et son accord est donc nécessaire pour que le projet se concrétise.
En cas d'accord en CMP (commission mixte paritaire) sur le projet de loi Elan entre les versions de l'Assemblée et du Sénat, ces modifications sur le rôle de l'ABF pourraient bien trouver leur place dans le texte final, au titre des concessions réciproques.