Pesticides en viticulture : Générations futures réitère sa demande de zones de non-traitement d’au moins 100 mètres pour préserver les riverains

L’efficacité des zones de non-traitement (ZNT) - de 5 et 10 mètres - pour réduire l’exposition des riverains aux pesticides pulvérisés en agriculture est à nouveau remise en question dans un rapport de Générations futures, dévoilé ce 23 février, suite à des campagnes de prélèvements conduites cette fois dans deux zones viticoles en Gironde et dans le Rhône. La présence majoritaire, du folpel, fongicide suspecté d’être cancérogène, alimente également l’argumentaire de l’ONG pour son interdiction.

Quasiment un an jour pour jour après avoir publié un rapport d’analyse sur les pesticides dans l’air en zone agricole, en contexte de grandes cultures, dans le département du Nord (voir notre article du 22 février 2022), Générations futures - à l’origine, aux côtés d’autres ONG, de plusieurs recours victorieux contre les textes encadrant l’usage des produits chimiques de synthèse à proximité des habitations -, vient de présenter les résultats d’une nouvelle enquête focalisée sur la viticulture, à partir de prélèvements réalisés en 2021 et 2022 dans les départements de la Gironde et du Rhône, au moyen de capteurs passifs placés sur des distances variables, allant de 5 à 515 mètres. L’efficacité des zones de non-traitement (ZNT) - actuellement de 5 et 10 mètres - pour réduire l’exposition des riverains aux pesticides pulvérisés en agriculture y est donc à nouveau questionnée par Générations futures, comme c’était déjà le cas dans son rapport de 2022 et dans un précédent rapport publié en novembre 2021 (voir notre article du 26 novembre 2021), à partir toutefois pour ce dernier de méthodes beaucoup plus simples de prélèvement par lingettes sur les vitres d’une soixantaine de foyers.

Une sur-exposition des riverains même à 60 mètres des vignes 

La publication, qui rend compte de prélèvements qui se sont étalés au maximum sur 21 semaines en Gironde (en 2021 et 2022) et sur 12 semaines dans le Rhône (en 2022), souligne que les zones non traitées de 10 mètres s’appliquant à la vigne (possiblement réduites par dérogation à 5 mètres) "ne sont pas du tout suffisantes pour protéger les populations des pesticides puisque des préleveurs situés à 10, 25, 50 ou même 60 mètres des vignes capturent des quantités encore importantes de pesticides, supérieures aux quantités représentant le 'bruit de fond' mesuré à plus de 500 m des vignes". Sur le protocole "Gironde 2021" (réalisé sur 7 périodes de 3 semaines), les quantités de pesticides piégées ont été maximales pendant les trois premières périodes au printemps (avec un pic entre le 16 mai et le 6 juin), avant de décroître. Les capteurs respectivement situés à 60 et 50 mètres de vignes ont piégé plus de 2 fois de substances que le capteur "témoin" situé au centre d’un village à 550 mètres des vignes. Ces résultats montrent que la quantité de pesticide relevée tend certes à décroître avec la distance à la vigne la plus proche mais reste encore importante à plusieurs dizaines de mètres. Le capteur à proximité d'une vigne en agriculture biologique a aussi enregistré beaucoup moins de pesticides, là encore sans réelle surprise. Investie depuis longtemps sur ce sujet, Générations futures plaide donc pour "un changement radical des pratiques culturales en viticulture". Elle réitère sa demande d'une " augmentation forte des zones non traitées en bordure des vignes à hauteur de 100 mètres au minimum, afin de protéger les populations vivant à proximité immédiate d’une exposition à des pesticides". D’autant que les riverains de zones viticoles sont très nombreux. Selon l’étude pilote de l’étude PestiRiv de Santé Publique France encore en cours, c’est environ 4% de la population française qui vit à moins de 200 mètres des vignes. "Cela représente environ 2,6 millions de personnes potentiellement exposées à des doses de pesticides importantes", relève Générations futures. 

Le folpel : un pesticide préoccupant largement en tête 

Au total, 77 substances pesticides volatiles à semi-volatiles ont été recherchées dans l’étude (et jusqu’à 90 en 2022). Les molécules retrouvées sont soit des substances dont l’usage est autorisé en viticulture, soit des substances interdites connues pour leur rémanence dans l’air (comme le lindane) représentant "le bruit de fond". Mais un fongicide "très préoccupant" arrive loin devant les autres : le folpel, utilisé pour lutter contre le fameux mildiou, qui représente "jusqu’à plus de 93% des quantités de pesticides piégés par un capteur pendant une période". Cette substance, classée comme cancérogène suspecté par l’Union européenne (classement Carc. 2 - H351), est également soupçonnée de perturber le système endocrinien (glande thyroïde), souligne Générations futures, sans toutefois que cet aspect ait à ce jour été officiellement évalué par l’Union européenne. Autre constat : la présence importante de spiroxamine - plus de 10,5% des quantités de pesticides piégés par les deux capteurs durant les deux périodes de prélèvement dans le Rhône, 6,8% des quantités piégées dans le capteur de Gironde en 2022 -, quant à elle classée "reprotoxique possible" par l’Union européenne pour ses effets néfastes sur la fertilité et le développement de l’embryon. Générations futures demande au gouvernement "de peser de tout son poids" pour que le folpel, dont l’homologation court jusqu’à juillet 2023, soit interdit au niveau européen. Et de même pour la spiroxamine, dont l’autorisation reste valable jusqu’à fin 2023. 

Une exposition à un cocktail de 25 pesticides

Au-delà de ces deux substances particulièrement préoccupantes, l’ONG alerte sur "l’effet cocktail", c’est-à-dire l’exposition à de très nombreuses substances différentes : "jusqu’à 25 pesticides différents durant la même période !". Or l’évaluation réglementaire se fait actuellement substance par substance sans jamais tenir compte de ces cocktails. Avec ce "coup de sonde", François Veillerette, porte-parole de l’organisation, ne prétend pas à "une vision exhaustive ni de ce qui se passe dans les régions et encore moins de ce qui se passe dans la viticulture française en général". Les résultats trouvés semblent cependant "cohérents" avec d’autres travaux récents menés en Gironde notamment. Ainsi la présence dominante du folpel dans l’air de la zone investiguée a déjà été documentée par Atmo Nouvelle Aquitaine dans son bilan annuel 2020. 

Une limite émaille toutefois l’exercice. Les mousses en polyuréthane employées dans les capteurs passifs pour fixer les polluants volatils présents dans l'air ne permettent pas de piéger les substances polaires comme le glyphosate, "ce qui conduit là aussi à une sous-estimation potentielle de la présence des pesticides dans l’air", note le rapport. 

 

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