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PFUE et ruralité : "On est loin de ce qu’on pouvait attendre"

Après la grande conférence sur le Pacte rural, à Bruxelles, la semaine dernière, le projet de la Commission reste dans les limbes et la présidence française du Conseil de l'UE n'aura pas apporté grand-chose.

Force est de constater que la présidence française du Conseil de l’Union européenne ne s'est guère terminée en beauté sur le front de la ruralité. La grande conférence sur le Pacte rural organisée à Bruxelles les 15 et 16 juin, à laquelle 450 personnes ont pris part, n’aura donné lieu à aucune annonce forte. Et malgré la présence de la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, le gouvernement français n’aura dépêché aucun de ses représentants sur place. Certes le calendrier électoral y est sans doute pour quelque chose. Mais les autres États membres n’ont pas fait mieux. Seule la Croatie était représentée par son ministre de l’Agriculture.

Après avoir bataillé pour imposer l’idée d’un Agenda rural européen, le sénateur de la Nièvre Patrice Joly, président du Parlement rural, ne cache pas sa déception au terme de cette présidence française qui passera le relais à la République tchèque dans quelques jours. "Certes il y a eu le contexte géopolitique et sanitaire. Mais on est loin de ce qu’on pouvait attendre", confie-t-il à Localtis. Si le Pacte rural présenté par la Commission européenne en juin 2021 marque un changement dans sa prise en considération de la ruralité (voir notre article du 12 juillet 2021), il se limite pour le moment à un catalogue de bonnes intentions à horizon 2040 : rendre les territoires plus connectés, plus résilients, plus prospères, mieux pourvus en services publics... "On est quand même principalement sur l’animation de réseaux d’acteurs de la société civile (acteurs privés, entreprises, associations, etc.), de co-construction d’orientations et de perspectives partagées. Ce qui manque clairement, une fois les orientations données, c’est une action opérationnelle avec des financements dédiés qui n’existent pas à ce jour", souligne Patrice Joly. D’où l’idée de cet Agenda rural qui se voulait plus concret et surtout plus pressé.

Il n’est pas le seul à penser de la sorte. Le Comité des régions, co-organisateur de l’événement de la semaine dernière avec la Commission, appelle même à redescendre sur terre… "Nous avons besoin de ramener la vision à long terme pour les zones rurales et le pacte rural du ciel vers la terre. Nous devons transformer les discours en acte", a réagi le maire tchèque de Dolní Studénky, vice-président de la commission Ressources naturelles (NAT) du comité, dans un communiqué.

Rural proofing

On retiendra, parmi les quelques avancées, l’idée du "rural proofing", c’est-à-dire "le fait d’apprécier les conséquences des différentes propositions législatives sur le milieu rural et d’évaluer les effets de leurs déclinaisons locales", explique Patrice Joly, même s’il reconnaît "ne pas trop savoir comment cela va se traduire".

La programmation qui s’ouvre donne aussi quelques motifs de satisfaction. Quelque 60 milliards d’euros seront dédiés au développement rural à travers la politique agricole commune 2023-2027, souligne le Comité des régions. Et 35% de ces crédits devront financer des mesures en faveur du développement local, du climat, de l’environnement, de la biodiversité ou du bien-être animal. La possibilité de faire converger des crédits des fonds Feder et FSE sur un même projet rural est accueillie avec satisfaction. "Ce sont peut-être des aspects qui seront favorables au milieu rural", note Patrice Joly, même s’il met en garde contre "la difficulté de s’orienter dans ces fonds", avec toute l’ingénierie que cela suppose et dont sont dépourvues les petites collectivités.

Pourtant, dans son huitième rapport sur la politique de cohésion présenté le 9 février 2022, la Commission avait bien souligné le risque d’une stagnation de certaines régions en transition ou à revenus intermédiaires (voir notre article). "Dans ces temps difficiles, il est plus important que jamais de veiller à ne laisser aucune région derrière. Le monde rural nous regarde et nous ne pouvons pas laisser passer cette chance. Nous avons besoin d’un Agenda rural européen pour améliorer l’intégration rural-urbain et pour revitaliser les communes rurales", a ainsi souligné la présidente de la commission NAT, Ulrika Landergren, conseillère municipale de Kungsbacka (Suède).

En France, au lendemain des élections législatives, le Parlement rural entend à présent mettre la pression sur l'exécutif pour qu’un véritable ministère de la ruralité voie le jour dans le cadre du remaniement à venir, après la disparition de l'ancien secrétariat à la ruralité.