Plan Eau : réactions mitigées des différents acteurs

Les acteurs de l’eau ont diversement accueilli les mesures du plan "pour une gestion résiliente, sobre et concertée de la ressource" présenté par Emmanuel Macron ce 30 mars. Si les associations d’élus sont globalement satisfaites, de même que les entreprises de l’eau, les associations environnementales restent sur leur soif.

Le plan "pour une gestion résiliente, sobre et concertée de la ressource en eau" présenté par Emmanuel Macron ce 30 mars à Savines-le-Lac a été dans l'ensemble bien accueilli par les associations d’élus.

Départements de France a été la plus prompte à réagir. "Les Départements pourront, comme ils le demandaient, exercer la maîtrise d’ouvrage déléguée des travaux nécessaires à la mise en œuvre d’un schéma départemental de l’eau dans les domaines de la production d’eau potable, de la création ou de l’aménagement de réserves d’eau ou d’interconnexion de réseaux, dès lors que ces travaux excèdent le périmètre d’un syndicat ou d’une intercommunalité à fiscalité propre compétents en matière d’eau", se sont-ils félicités dans un communiqué. Les départements "entretiennent déjà 380.000 km de routes. Ils gèrent le déploiement de la fibre. Pourtant, jusqu’à présent, ils n’avaient que le droit de produire de l’eau brute, pas de l’eau potable. Cela n’avait aucun sens. Je le répète : les Départements peuvent et doivent être la collectivité des réseaux !", a déclaré François Sauvadet, président de l'association, qui revendiquait de longue date cette possibilité.

Intercommunalités de France a pour sa part salué le fait que le président de la République ait plaidé "pour la mutualisation des politiques de l’eau pour faire face à l’urgence climatique". "En déclarant que 'notre vrai problème, ce sont les communes isolées', Emmanuel Macron reconnaît l’impératif de gérer les politiques de l’eau en commun", souligne l’association qui défend depuis plusieurs années une gestion mutualisée de l’eau et rappelle que la France compte aujourd’hui près de 11.000 services d’eau potable dont la majorité ne dessert que quelques centaines d’abonnés. Selon elle, cette mutualisation n’est "pertinente" que si elle défend trois objectifs : "la solidarité" - "les intercommunalités compétentes disposent de davantage de moyens pour faire face aux sécheresses" -, "des investissements à la hauteur des enjeux", "la cohérence", les intercommunalités portant "les compétences structurantes pour définir et mettre en œuvre une politique globale de l’eau qui réponde aux enjeux environnementaux, de l’aménagement du territoire et du développement économique." Pour Sébastien Martin, président d’Intercommunalités de France, "l’intercommunalité est l’échelle la plus adaptée pour répondre à ces trois objectifs. Face à l’urgence climatique, il serait totalement irresponsable de continuer la gestion de l’eau à l’échelle communale."

"Les élus des grandes villes, agglomérations et métropoles saluent la prise de conscience gouvernementale et la nécessité d’un tel plan, tant les enjeux liés à la gestion de l’eau et son impact sur la santé font peser un risque majeur et imminent à l’échelle mondiale, du fait du dérèglement climatique", a réagi de son côté France urbaine. La mise en place d’un "Ecowatt de l’eau" visant à responsabiliser l’usage de l’eau est considérée comme "une mesure pertinente". L’association salue également l’annonce du chef de l’État visant à faciliter la réutilisation des eaux usées, en passant de moins de 1% des eaux réutilisées en France à 10% d'ici à 2030. Mais l’association estime que la question des eaux usées "ne se limite pas à la réutilisation", et dit s’étonner de "la faible place laissée aux systèmes d’assainissement, alors même qu’ils vont nécessiter de nombreuses adaptations face aux enjeux de protection des milieux et aux évolutions règlementaires européennes". "France urbaine prend note de l’annonce d’une 'tarification progressive de l'eau'. Pour autant, les expériences menées en la matière conduisent à avoir des réserves sur le rapport efficacité-justice sociale, avec une attention particulière vis-à-vis des familles nombreuses et des logements sociaux collectifs", relève-t-elle également. Tout en saluant la fin du plafond mordant pour les agences de l’eau, elle estime que le financement de la politique de l’eau doit respecter le principe "pollueur-payeur". Elle rappelle enfin sa "ferme opposition à la définition des schémas en eau potable à l’échelle départementale" et pointe "les nombreuses limites et imprécisions du projet de refonte des redevances des agences de l’eau tel qu’il est proposé à l’heure actuelle".

Amorce, qui constitue aujourd’hui le premier réseau national de collectivités territoriales et d’acteurs locaux engagés dans la transition écologique, a salué dans un communiqué l’"ambition du plan", en se félicitant "d’avoir été entendue par l’État en matière d’économie d’eau et de partage de l’effort entre tous les préleveurs, en termes de consolidation de la gouvernance territoriale et de renforcement des moyens sur le plan financier". Des "premiers pas" qui permettront à ses yeux de "réduire significativement les prélèvements d’eau et amorcer une lutte contre les pollutions dans chaque territoire". "Si les grandes lignes du plan Eau, présenté par le président de la République, sont cohérentes et ambitieuses, il reste désormais à les mettre rapidement en œuvre sur le terrain, à préciser certaines d’entre elles, voire à les compléter", souligne Amorce qui appelle à "inscrire cette planification au sein d’un véritable projet politique en soumettant au débat parlementaire une grande loi de transition écologique de la gestion de l’eau".

Les entreprises de l’eau (FP2E) ont également salué dans un communiqué "les mesures concrètes du plan Eau" et "appellent à leur mise en œuvre complète et sans délai". L’annonce de moyens supplémentaires alloués aux Agences de l’eau va selon elles "dans le bon sens". "Ces moyens doivent être dimensionnés aux besoins d’investissement élevés, et déployés dans un calendrier resserré, avec une attention particulière portée aux 2.000 communes les plus en difficulté l’été dernier", soulignent-elles. La sobriété dans la durée est aussi vue comme "un objectif prioritaire partagé et porté par les entreprises de l’eau". Le recours à la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) à hauteur de 10% d’ici 2030 est aussi à leurs yeux "une solution qui manquait à la France". "Nous attendions que la protection de la ressource en eau soit mise à l’agenda politique au plus haut niveau. C’est chose faite, avec des engagements forts en faveur de solutions innovantes et maîtrisées, combinées à des usages plus vertueux, a déclaré Aurélie Colas, déléguée générale de la FP2E. Les solutions sont à portée de main, notamment grâce à l’expertise des acteurs industriels français, saluée par le président de la République. A présent, il faut que ces annonces se traduisent en actes."

Les associations environnementales ont, elles, reçu de manière contrastée les annonces d’Emmanuel Macron. "On s'attendait à un certain nombre de ces annonces dans le sens où c'est finalement la réactualisation et la mise en oeuvre de certains éléments de planification qui étaient déjà existants", a souligné auprès de l'AFP Alexis Guilpart, animateur du réseau Eau et Milieux aquatiques de France nature environnement (FNE). Le spécialiste se réfère notamment aux Assises de l'eau en 2019, lorsque le gouvernement s'était fixé un objectif de -10% en 2025 pour les prélèvements de l'eau et -30% en 2035. Jeudi, l'exécutif a repris cet objectif de -10%... mais pour 2030, par rapport aux niveaux de 2019 selon le ministère de la Transition écologique. "C'est bien que la sobriété ait été rappelée comme un impératif et comme un cap mais c'est un peu dommage qu'on n'ait pas tenu ce socle qu'on s'était fixé en 2019", regrette Alexis Guilpart. "On repousse à la fois l'échéance et l'objectif", note-t-il. "On se réjouit plutôt que le chef de l'État ait parlé de la nécessité de réinventer un modèle agricole", ajoute toutefois l'expert.

 Sur ce point, l'accueil est plus froid du côté du WWF. "Le président de la République parle d'une transformation du modèle agricole sans en donner le contenu ni tout le financement", déplore Pierre Cannet, directeur du plaidoyer du WWF France. "Il manque une vision systémique de la transformation agricole : l'ensemble des efforts ne doit pas reposer que sur les agriculteurs mais aussi sur les industriels amont et aval", souligne-t-il aussi.

L'ONG Générations futures a regretté de son côté l'absence de mesure forte sur les pollutions agricoles et industrielles. "Ce sujet de la protection de la ressource des pollutions chimiques induites par l'activité humaine est majeur et il y a beaucoup à faire en la matière ! Et ce n'est pas en n'annonçant rien et en ne faisant rien que la situation risque de s'arranger...", ironise-t-elle.

"Sur les pollutions diffuses c'est le point faible du document de planification", abonde Alexis Guilpart. "On ne parle pas encore de trop remettre en cause la forte consommation d'intrants, de pesticides et d'engrais azotés" dans l'agriculture. C'est "une petite timidité qu'on regrette très clairement mais qui ne nous surprend pas non plus au vu du verrouillage qu'il y a eu lors de la phase de concertation", juge l'expert de la FNE.

Au lendemain de la présentation du plan eau, la CLCV a en réponse publié son "plaidoyer pour l’eau". L’association de consommateurs y réaffirme son attachement aux principes de "pollueur-payeur" et de "l’eau paye l’eau". Selon elle, "la facture d’eau ne doit pas financer des mesures autres que sa production et sa distribution". "Les retards pris en matière de qualité des réseaux et d’assainissement ne pourront pas être rattrapés sans autres financements", souligne-t-elle. Concernant les ménages, elle estime que les normes de construction et de rénovation de l’habitat devraient "intégrer les aménagements permettant les économies d’eau, l’utilisation des eaux grises pour les sanitaires et l’utilisation des eaux pluviales". Le douzième programme des agences de l’eau devrait quant à lui "prévoir le financement de ces travaux de rénovation et de l’installation de compteurs pour les immeubles qui en sont dépourvus".

Pour la CLCV, "les usages de l’eau soutenables dans les prochaines années, seront ceux qui auront permis de réduire et supprimer chaque fois que cela est possible : l’artificialisation des sols, les ruissellements et l’érosion des sols ; les surconsommations d’eau par une adaptation des activités aux ressources disponibles, l’utilisation raisonnée des eaux usées traitées et des eaux pluviales ; les déchets plastiques y compris d’origine agricole et déchets de méthanisation ; les rejets d’eaux usées non traitées au milieu naturel ; les intrants les plus dangereux en soutenant les reconversions d’activités et de pratiques, les mesures agro-environnementales, l’agriculture biologique ; les inégalités entre les zones rurales et urbaines en matière d’adduction d’eau et d’assainissement des eaux usées domestiques et assimilées, et celles provenant d’activités ; les inégalités économiques et sociales pour un égal accès à l’eau et à l’assainissement pour tous".

 

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