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Investissement - Plan Juncker : le Sénat demande d'impliquer davantage les collectivités

Les instances de pilotage du plan Juncker n'associent pas assez les collectivités qui sont pourtant une condition de sa réussite, déplore le Sénat. De leur côté, les collectivités, notamment les régions, peuvent manquer "d'audace". Au moment où l'investissement local est en berne, ce manque d'intérêt ou d'implication est dommageable alors même que le plan est à présent sur sa lancée. Douze projets français ont été pré-sélectionnés, avant l'installation du comité d'investissement d'ici fin 2015.

"La réussite du plan d'investissement en Europe, et particulièrement en France, passe par les collectivités territoriales", soulignent les sénateurs Jean Paul Emorine (Les Républicains – Saône-et-Loire) et Didier Marie (Socialiste et Républicain – Seine-Maritime), dans un rapport sur la mise en œuvre du plan Juncker qui vient d'être publié. Mais à ce jour, les collectivités ne sont pas assez impliquées, s'inquiètent-ils. Ce rapport sert de base à la résolution adoptée à l'unanimité par la commission des affaires économiques sur Sénat, le 5 novembre, qui invite le gouvernement et la Commission à corriger le tir dans les négociations en cours. 
Au plan européen tout d'abord : la Commission n'a pas prévu de stratégie spécifique pour associer les collectivités, même si le Comité des régions avait plaidé dans ce sens dans un avis du 16 avril 2015. L'association des collectivités aux plateformes d'investissement thématiques et géographiques a pris du retard. Or elle constitue "un dispositif pertinent pour mettre en commun des projets d'investissement de petite taille", souligne la résolution sénatoriale. Les collectivités ne sont pas davantage associées à la plateforme de conseil en investissement mise en place le 1er septembre 2015 ou au futur portail européen des projets d'investissement qui doit entrer en service début 2016.

Le plan "pas au centre des préoccupations" des régions

En France, le plan ne figure pas "au centre des préoccupations des collectivités territoriales", regrettent les deux sénateurs. Les régions sont depuis longtemps au contact de la BEI (Banque européenne d'investissement), clé de voûte du dispositif puisque c'est elle qui gère le fonds européen d'investissement stratégique (nom officiel du plan Juncker). Mais elles "ne perçoivent pas nécessairement la valeur ajoutée" du plan.
Les sénateurs rappellent que l'Etat doit assurer une mission d'information et d'accompagnement des acteurs locaux, publics et privés, pour faire émerger des projets de qualité. Il peut ainsi "aider à agréger des projets pour constituer des programmes dotés d'une taille critique", sachant que le ticket d'entrée est de 25 millions d'euros. Cette tâche incombe plus particulièrement au Commissariat général à l'investissement qui est chargé de cartographier et recenser les projets sur le territoire, en lien avec le bureau français de la BEI. Il n'est cependant pas "un point de passage obligé" et les porteurs de projets peuvent toujours s'adresser directement à la BEI.
Enfin, la Caisse des Dépôts, à travers ses directions régionales, joue aussi un rôle de premier plan, mais uniquement sur les projets pour lesquels elle apporte un "co-investissement avisé" (dettes, fonds propres, garantie) ou une expertise financière technique. Un comité interne d'orientation des projets créé en avril 2015 réunit l'ensemble des directions et filiales porteurs de projets éligibles. Selon les sénateurs, le récent accord de deux milliards d'euros passé avec la BEI "pourrait s'avérer déterminant pour une plus grande implication des collectivités territoriales, notamment les plus petites". Sur le volet financement des entreprises, c'est Bpifrance qui a la main. Elle dispose de ses propres canaux de sélection.

Le démarrage se fait avec "une rapidité indéniable"

Le manque d'implication des collectivités est d'autant plus dommageable que "le contexte est marqué par un recul sensible de l'investissement local en France", alors qu'elles représentent 58% de l'investissement public. Or le mécanisme du plan est à présent sur sa lancée. "Le démarrage du plan d'investissement se fait avec une rapidité indéniable", reconnaissent les sénateurs. Le plan a été annoncé par Jean-Claude Juncker le 15 juillet 2014. Moins d'un an après, son règlement était adopté ; il est entré en vigueur le 4 juillet. Ce plan définit notamment les sept secteurs stratégiques du plan (voir encadré ci-dessous). Les premières plateformes d'investissement sont entrée en vigueur au 1er octobre. Ces plateformes sont des entités regroupant plusieurs investisseurs autour d'un même projet. Elles peuvent être nationales, infranationales, multipays, régionales ou encore thématiques. Le but est de canaliser les investissements vers un ensemble de projets plutôt qu'un seul, afin de réduire les coûts et de répartir les risques.
Quant aux instances de gouvernance du plan, elles sont quasiment toutes fonctionnelles. La sélection des huit experts du comité d'investissement "devrait aboutir avant la fin de l'année". Mais avant même cette date, 21 projets ont été pré-sélectionnés depuis le printemps par la BEI pour 13,6 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent 28 opérations de soutien aux entreprises d'un montant de 1 milliard d'euros. A fin octobre, douze projets français avaient ainsi été retenus. Six au titre de la BEI : 400.000 euros pour l'efficacité énergétique de 40.000 logements individuels, 50 millions d'euros pour le fonds Capernergie 3, 150 millions d'euros pour des projets d'énergie renouvelable de petite dimension en France et en Allemagne, 15 millions d'euros de prêt intermédié pour la troisième révolution industrielle du Nord-Pas-de-Calais, et le financement du haut débit dans les zones rurales. A cela s'ajoutent six opérations du fonds européen d'investissement (FEI) au profit des entreprises.
Les sénateurs appellent les collectivités et en particulier les régions à "de l'audace" pour remplir leur "rôle d'initiateur, d'accompagnateur et de porteur de projets", en intégrant le plan Juncker à leur stratégie d'investissement. Lors des discussions, Jean-Paul Emorine a jugé "indispensable" une liaison entre les régions, la Caisse des Dépôts et la BEI.

Michel Tendil


Les sept secteurs éligibles au plan Juncker

L'article 9.2 du règlement 2015/1017 précise les sept secteurs dans lesquels des projets peuvent être financés au titre du FEIS.
Ces secteurs sont :
- la recherche, le développement et l'innovation ; 
- le développement du secteur de l'énergie conformément aux priorités de l'Union de l'énergie, y compris la sécurité de l'approvisionnement énergétique, ainsi que les cadres en matière de climat et d'énergie à l'horizon 2020, 2030 et 2050 ;
- le développement des infrastructures et des équipements de transport et des nouvelles technologies dans le domaine des transports ; 
- la fourniture, par le FEI et la BEI, d'un soutien financier aux entités comptant jusqu'à 3.000 salariés, en ciblant particulièrement les PME et les petites entreprises de taille intermédiaire ;
- le développement et le déploiement des technologies de l'information et de la communication ;
- la protection de l'environnement et l'utilisation efficace des ressources ;
- la promotion du capital humain, de la culture et de la santé.
Source : Sénat

 


 

 

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