PLF 2024 : "le compte n'y est pas", dénoncent les élus locaux

Les édiles critiquent vertement le volet du projet de loi de finances pour 2024 concernant les collectivités que le gouvernement a présenté, ce mardi 26 septembre, au comité des finances locales. La hausse de 220 millions d'euros, l'an prochain, de la dotation globale de fonctionnement (DGF) inscrite dans le projet de budget permet selon eux de couvrir moins de 1% de l'inflation. La minoration des variables d'ajustement inquiète également.

Lors de la séance que le comité des finances locales (CFL) a tenue ce 26 septembre, les élus locaux ont éprouvé une déception "unanime" sur le volet du projet de loi de finances (PLF) pour 2024 concernant les finances locales, a déclaré le président de l'instance, André Laignel, à l'issue de la réunion.

De 26,9 milliards d'euros en 2023, la dotation globale de fonctionnement (DGF) augmentera de 220 millions d'euros en 2024, ont confirmé, devant les membres du CFL, le ministre délégué aux Comptes publics, Thomas Cazenave, et la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure.

Le montant ne permet de couvrir que "0,8% de l'inflation", a souligné André Laignel. L'indexation sur l'inflation (entre 4% et 5% sur un an) conduirait à une augmentation de la DGF comprise entre 1,040 milliard et 1,3 milliard d'euros, calcule le président du CFL. "Nous sommes très loin du compte pour que le pouvoir d'action des collectivités territoriales soit préservé", s'est-il enflammé.

"La DGF est un dû"

L'évolution de la principale dotation de l'Etat aux collectivités devrait suivre la hausse des prix, selon André Laignel. "La DGF n'est pas une libéralité, c'est de l'argent qui est dû aux collectivités. C'est la compensation d'un certain nombre d'impôts locaux qui ont été supprimés. Un dû, il est dû en euros constants", a-t-il expliqué devant la presse.

"Si les dotations et compensations fiscales sont gelées, cela signifie que 60% de nos recettes ne s'actualisent pas. C'est une attaque contre les collectivités territoriales", tempêtait, à la sortie de la séance du CFL, Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse. Les 220 millions d'euros consentis en faveur des communes et de leurs groupements pour 2023 sont "une sorte d'aumône" et "une forme de mépris", a-t-il déclaré auprès de Localtis. En faisant remarquer que la DGF n'est "pas une prime qu'on donne aux communes si elles sont sages". "On nous fait payer une dégradation de la situation budgétaire de l'Etat, à laquelle nous n'avons pas contribué ces dernières années", a protesté le président délégué de Villes de France. "On nous fait payer la suppression de la taxe d'habitation et de la suppression de la CVAE que nous n'avons pas demandés", a-t-il précisé. Des mesures à "34 milliards d'euros", qui "sont maintenant compensées par du déficit".

"Une perte de plus de 2,2 milliards d'euros"

En élargissant le bilan à l'ensemble des concours financiers alloués aux collectivités en 2024, André Laignel conclut à une perte de ressources de "plus de 2,2 milliards" en euros constants (c'est-à-dire inflation comprise) pour les collectivités territoriales. En sachant que, dans ce résultat, la fin des dispositifs de protection des collectivités contre la hausse des prix de l'énergie pèse lourd (1,1 milliard d'euros).

L'argument de la baisse globale des prix de l'énergie sur lequel s'appuie le gouvernement pour justifier la fin des soutiens de l'Etat est "fallacieux", a estimé le président du CFL. "Beaucoup de collectivités ont été obligées de signer des contrats de trois ans à des prix hauts, pointe-t-il. Ainsi, quand les tarifs baissent, cela n'est pas répercuté pour ces collectivités. Le gouvernement n'exclut pas de mettre en place de nouveaux dispositifs de soutien aux collectivités impactées par la hausse des prix de l'énergie. Mais, "ce serait au cas par cas et non une mesure générale", selon les informations du président du CFL.

Ponction de 70 millions d'euros

Autre point noir du projet de budget, pour les élus locaux : les variables d'ajustement c'est-à-dire un ensemble de dotations et de compensations d'exonérations doivent être réduites de 70 millions d'euros en 2024. Pour 2023, la minoration n'était que de 15 millions d'euros et ne pesait que sur les départements. Il en sera tout autrement en 2024, selon le PLF. La participation des départements doit passer à 10 millions d'euros (sans doute pour tenir compte de la forte baisse des droits de mutation à titre onéreux), tandis que les régions et le bloc communal doivent débourser des montants équivalents (30 millions d'euros). Du côté de France urbaine (l'association qui fédère les grandes villes et leurs agglomérations), on se dit inquiet : le coup de rabot frappera-t-il les intercommunalités à fiscalité propre en fonction des montants des recettes réelles de fonctionnement ? Dans une telle hypothèse, l'intercommunalité serait pénalisée. Ce serait "contradictoire avec les politiques qui encouragent l'intercommunalité", souligne France urbaine.

Pour les collectivités, "le supplice du garrot continue", a décrié André Laignel. En avertissant : "Le garrot, c'est une forme d'étouffement qui peut aller jusqu'à une phase fatale, malheureusement". Le président du CFL a toutefois salué la "bonne nouvelle" de la prise en compte, à partir de 2024, des aménagements de terrain pour le calcul du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) (voir notre article du 18 septembre). Mais le montant de 250 millions d'euros avancé par le gouvernement est "fantaisiste", a-t-il dit. Seule une minorité de collectivités perçoivent l'attribution de FCTVA l'année même de la dépense. Aussi, les collectivités ne bénéficieront en 2024 que d'une petite partie de la somme promise.

Péréquation : progression un peu supérieure pour la ruralité

La hausse de la DGF devrait permettre à l'Etat d'annoncer une stabilité de la DGF (en euros courants), en 2024, pour une large majorité de communes. On se souvient que c'est dans cette optique que le gouvernement avait décidé, il y a un an, d'augmenter la DGF de 320 millions d'euros pour 2023. Dans le détail, les 220 millions d'euros engagés en 2024 doivent alimenter une progression de 100 millions d'euros de la dotation de solidarité rurale (DSR). La dotation de solidarité urbaine (DSU) augmentera quant à elle de 90 millions d'euros. Le différentiel est "incompréhensible politiquement", critique-t-on à France urbaine. Et on souligne qu'entre 2017 et 2023, "la DSR a augmenté de 46% et la DSU de seulement 27%". Villes de France montre aussi son agacement, évoquant "un mauvais signal envoyé aux villes dont les charges de centralité sont particulièrement prégnantes, et qui doivent faire face aux troubles sociaux et à la pauvreté des ménages dans les quartiers politique de la ville".

Quant à la dotation d'intercommunalité, elle serait en nette progression en 2024. Elle serait abondée par une ponction de 60 millions d'euros sur la dotation de compensation, d'une part, et un apport d'"argent frais" réalisé par l'Etat (30 millions d'euros), d'autre part. Toutefois, les grandes intercommunalités ne vont pas voir la couleur de la hausse de la dotation, déplore France urbaine. Elles vont subir la ponction sur la dotation de compensation, mais elles n'auront aucun gain de dotation d'intercommunalité, car celle-ci "est plafonnée depuis la réforme de 2019".

Verdissement des dotations d'investissement

Selon le président du CFL, les dotations d'investissement sont annoncées stables l'an prochain, "en euros courants" (ce qui signifie qu'elles baisseront si on tient compte de l'inflation). Nouveauté : une part minimale de 20% de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) sera affectée aux projets locaux favorisant la transition écologique. L'Association des petites villes de France (APVF) a fait part de son inquiétude sur ce point. "Les dotations fléchées remettent non seulement en cause le libre emploi par les maires de leurs ressources, mais ignorent le fait que les dépenses de transition s’ajoutent aux dépenses courantes", a-t-elle fait remarquer dans un communiqué.

Le gouvernement doit présenter ce 27 septembre le PLF2024 dans son intégralité.

  • Taxe foncière : des propos jugés injustes

Un invité surprise lors de ce Comité des finances locales consacré au PLF : les propos du chef de l'Etat, lors de son interview télévisée de dimanche soir, sur la taxe foncière. Ces propos avaient tout de suite suscité une levée de boucliers de la part des élus sur la twittosphère (voir l'encadré au bas de notre article d'hier). "Les propos du président de la République ont rallumé le feu. C'est une provocation inutile. Mais qui a été commentée fortement, avec des ministres un peu embêtés, parce que très franchement, dans le contexte actuel où on nous refuse une évolution des dotations qui est pourtant juste; venir nous reprocher et nous mettre sur le dos les évolutions de taxe foncière qui ont été enregistrées, c'est une marque de mépris", a jugé ce 26 septembre Jean-François Debat au sortir de la réunion du CFL.
Les associations d'élus ont jugé la chose suffisamment sérieuse pour réagir officiellement par voie de communiqué. L'Association des maires de France parle d'une "
polémique créée de toutes pièces" qui a "surpris et choqué les maires par son caractère injuste". Car "aucun élu local ne pense, ni ne dit, que la taxe foncière est un impôt d’Etat". En revanche, poursuit l'AMF, "tous les élus constatent que la suppression de la taxe d’habitation a profondément déstabilisé la fiscalité locale en la concentrant sur la seule taxe foncière".
L'association Villes de France (villes moyennes) évoque de même une "déclaration infondée". Et rappelle que "le
niveau de la taxe foncière est déterminé chaque année, non seulement en fonction des taux décidés par les communes (qui ont été modifiés seulement par 13% des collectivités en 2023), mais également selon un mécanisme de revalorisation des bases fiscales aujourd’hui fixé par la loi, qui prend en compte, chaque année, l’inflation prévisionnelle anticipée en novembre dans le projet de loi de finances". "La première cause d’évolution de la taxe foncière est donc l’inflation", en conclut Villes de France.
L'Association des petites villes (APVF) est sur la même ligne, rappelant que "
85% des maires n’a procédé à aucune augmentation de la taxe foncière et que pour ceux qui y ont été contraints, cela n’a pas été pour le simple plaisir d’être impopulaires".

     C.M.

 

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