PLF : après le 49.3, des avancées pour les collectivités ?

Après le recours de l'exécutif au 49.3 pour interrompre l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2023 par l'Assemblée nationale au terme d'une cinquantaine d'heures de débats, le texte qui arrivera au Sénat ne sera pas la version initiale. Une centaine d'amendements ont été conservés. Dont un nouveau "dispositif de soutien des collectivités territoriales confrontées à une situation de forte inflation de leurs dépenses d’énergie".

La Première ministre a sifflé ce mercredi 19 octobre la fin des débats sur la première partie du projet de loi de finances pour 2023 à l'Assemblée en dégainant l'arme décriée du 49.3. "J'engage la responsabilité de mon gouvernement pour la première partie du projet de loi de finances pour 2023", a déclaré Élisabeth Borne devant un hémicycle bouillonnant, sous les applaudissements des macronistes et la réprobation bruyante des oppositions.

Les députés de la Nupes ont immédiatement quitté la séance sans attendre la fin du discours. La députée insoumise Mathilde Panot a aussitôt annoncé que la coalition de gauche (LFI, PS, PCF, EELV) avait déposé une motion de censure. Les RN en feront de même ce jeudi 20 octobre. "Nous pensons inutile d'ajouter du chaos au chaos", a pour sa part expliqué le patron des députés LR, Olivier Marleix, excluant de se coaliser avec le reste des oppositions pour faire tomber le gouvernement.

Ces motions de censure, qui ne pourront être examinées que samedi au plus tôt ou en début de semaine prochaine, n'ont quasi aucune chance d'être adoptées, les élus RN ayant exclu "a priori" de voter pour un texte de la Nupes, et vice versa.

Après une cinquantaine d'heures d'échanges parfois houleux, il n'y avait plus guère de doutes sur l'utilisation de l'article 49.3 de la Constitution qui permet à l'exécutif de faire passer un texte sans vote. Élisabeth Borne s'est défendue de tout passage en force, invoquant la nécessité de tenir "les délais prévus" et soulignant surtout que "les oppositions ont toutes réaffirmé leur volonté de rejeter le texte". "Le débat s'est tenu et nous avons examiné, loyalement, toutes les propositions", a-t-elle fait valoir.

Le 49.3 "était la seule solution possible pour avoir un budget pour le pays", a réagi le rapporteur du budget, Jean-René Cazeneuve (Renaissance), face à des oppositions "enfermées dans une posture politicienne". La gauche estime, elle, que le camp présidentiel aurait pu accepter de prolonger ces débats, alors qu'il restait plus de 2.000 amendements à examiner, et que certains sujets sensibles n'avaient pas encore été abordés.

Une centaine d'amendements retenus

Les oppositions reprochent aussi au gouvernement de ne pas retenir dans le texte soumis au 49.3 un certain nombre d'amendements pourtant votés par les députés. "Le texte que je présente aujourd'hui n'est pas le décalque du projet qui vous avait été initialement soumis", a pourtant plaidé la chef du gouvernement, défendant un projet de loi de finances "nourri, complété, amendé, corrigé même" pour tenir compte des débats.

L'exécutif a en effet ajouté une centaine d'amendements, émanant de la majorité pour la plupart et des oppositions pour certains. Il s'agit par exemple des amendements tendant à renforcer le crédit d'impôt pour garde d'enfants ou de réduire l'impôt pour les plus petites entreprises. Le gouvernement a aussi inclus dans son texte le fruit d'un accord conclu entre pays de l'UE fin septembre qui se traduit par une "une contribution temporaire de solidarité" des producteurs et distributeurs de gaz, charbon et pétrole. Et par un plafonnement des revenus des producteurs d'électricité.

Côté finances locales, la version sur laquelle le gouvernement a décidé d'engager sa responsabilité n'étant pas encore publié par l'Assemblée ce mercredi soir, on saura pour l'heure simplement que la suppression en deux ans de la CVAE reste actée et que la dotation globale de fonctionnement (DGF) affichera une hausse de 320 millions d'euros (soit 110 millions de plus qu'initialement prévu). Mais aussi que suite à un amendement de la députée Horizons Lise Magnier, doublé par un amendement du gouvernement, un nouveau "filet de sécurité" bénéficiera "aux collectivités qui auront subi en 2023 une perte d'épargne brute supérieure ou égale à 25% et dont la hausse des dépenses d'énergie sera supérieure à 60% de la progression des recettes réelles de fonctionnement".

L'exécutif conserve aussi un amendement du groupe Liot contre la surspéculation immobilière en Corse et prévoit pour l'ensemble du pays d'élargir les "zonages" où les communes sont autorisées à majorer la taxe d'habitation des résidences secondaires. Il est en revanche dit non à une proposition PS, adoptée en séance, pour l'instauration d'un crédit d'impôt pour le reste à charge de tous les résidents en Ehpad, jugé trop coûteux.

Soutien aux collectivités : un dispositif à réajuster

Dans leur motion de censure, les députés Nupes évoquent une "impasse face aux difficultés des collectivités locales" qui "se débattent pour continuer à garantir à leurs habitants et habitantes des services publics de proximité" et considèrent que "la suppression injustifiée de la CVAE fragilise leur autonomie financière pour profiter principalement aux grandes entreprises".

S'agissant du nouveau "dispositif de soutien des collectivités territoriales confrontées à une situation de forte inflation de leurs dépenses d’énergie", France urbaine considère, dans un communiqué diffusé ce mercredi soir, que l’amendement du gouvernement, daté de ce 19 octobre, "s’inspire du dispositif voté rapidement lors de la loi de finances rectificative de cet été pour les collectivités fragilisées par la hausse cumulée des salaires, de l’énergie et de l’alimentation et n’est pas adapté à l’objectif poursuivi aujourd’hui". Certes, "le périmètre des dépenses d’approvisionnement en énergie prévu prend en compte non seulement le budget principal mais aussi les budgets annexes des collectivités ainsi que les charges supplémentaires correspondant aux délégations de service public". Mais l'association des élus de grandes villes, agglomérations et métropoles juge notamment que la condition de l'épargne bute de plus de 25% "n'est pas pertinente". Et appelle donc le gouvernement à modifier cette mesure de soutien. Il faudra pour cela attendre l'arrivée du texte au Sénat.

Le recours au 49.3 a été autorisé mercredi en conseil des ministres sur un autre texte, le projet de de financement de la sécurité sociale (PLFSS), dont l'examen à l'Assemblée doit commencer ce jeudi. En sachant qu'en parallèle, l'examen de la deuxième partie du PLF a pour sa part démarré en commission ce mercredi.

 

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