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Gens du voyage - Plus d'aires d'accueil mais aussi plus d'expulsions

Deux semaines après les violents incidents de Saint-Aignan dans le Loir-et-Cher, une réunion s'est tenue à l'Elysée le 28 juillet avec plusieurs membres du gouvernement. L'objectif : s'attaquer aux "problèmes que posent certains parmi les Roms et les gens du voyage", comme l'avait souligné le chef de l'Etat la semaine dernière. La réunion visait essentiellement à résoudre la question des occupations illégales : stationnements ou campements. Sur les 400.000 gens du voyage recensés en France dont un tiers de nomades, les Roms comptent pour une petite minorité (entre 8.000 et 10.000 selon la Halde) mais pour les deux tiers des 300 campements illicites auxquels l'Elysée a annoncé vouloir s'attaquer. Les services fiscaux seront par ailleurs associés à la vérification de la situation de leurs occupants, a précisé le chef de l'Etat. En contrepartie, le gouvernement devra "veiller, en liaison avec les collectivités territoriales, à l'application effective de la législation en matière d'aires d'accueil, quitte à simplifier, s'il le faut, les textes en vigueur". Car toutes les communes ne remplissent pas encore leurs obligations. Celles-ci découlent de la loi Besson du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage venue renforcer une loi de 1990. Elle prévoit dans chaque département l'élaboration par la préfecture et le conseil général d'un schéma départemental et la création d'aires permanentes d'accueil dans les communes de plus de 5.000 habitants. Or, sur les 42.000 emplacements jugés nécessaires, la moitié seulement seraient opérationnels.
Pour remédier aux occupations illégales, la loi de 2000 a prévu que le maire, le propriétaire du terrain occupé ou le titulaire du droit d'usage de ce terrain puissent demander au préfet la mise en demeure des occupants de quitter les lieux. A l'expiration du délai, le préfet peut ordonner l'évacuation forcée. Cette procédure ne s'applique pour le moment qu'aux "stationnements illégaux" et non aux "campements illicites". La Loppsi 2 déjà votée par les députés et qui doit à présent passer devant le Sénat en septembre a prévu de combler ce vide avec quelques différences par rapport à la précédente procédure : initiative réservée au préfet, évacuation intervenant en cas de "graves risques" (et non de simples atteintes) à la salubrité, la sécurité et la tranquillité publiques, délai d'exécution de mise en demeure de 48 heures au lieu de 24 heures. Le préfet pourra enfin être autorisé par le TGI saisi en référé à ordonner les destructions des installations illicites. Sans attendre cette nouvelle procédure, Brice Hortefeux a annoncé, à l'issue de la réunion, que la moitié des 300 campements illicites seraient démantelés dans les trois mois.

 

Reconduite à la frontière

Le communiqué de l'Elysée s'en prend explicitement à la "situation de non-droit qui caractérise les populations Roms". Originaires de plusieurs pays de l'Europe de l'Est, notamment de Bulgarie et de Roumanie, membres de l'Union européenne depuis 2007, ils bénéficient à ce titre de la liberté de circulation et du droit de séjour, sous réserve de posséder des ressources suffisantes et une couverture sociale. Ils peuvent ainsi effectuer en France des séjours d'une durée inférieure à trois mois, à moins de bénéficier d'un titre de séjour, et n'ont pas vocation à bénéficier des aides sociales, comme le prévoit la directive 2004/38/CE qui définit les conditions d'exercice du droit de circulation et de séjour des ressortissants communautaires sur le territoire des Etats membres. Quant à la liberté d'installation en qualité de salarié, elle ne leur sera accordée qu'au terme d'une période transitoire, en 2013. Selon l'Elysée, les 200 campements illégaux recensés sont "sources de trafics illicites, de conditions de vie profondément indignes, d'exploitation des enfants à des fins de mendicité, de prostitution ou de délinquance". Le chef de l'Etat a demandé au gouvernement de "procéder à la reconduite à la frontière des ressortissants d'Europe orientale en situation irrégulière en France", annonçant "avant la fin de l'année", une réforme de la loi sur l'immigration pour "faciliter la mise en œuvre de mesures d'éloignement de ces personnes pour des raisons d'ordre public". Brice Hortefeux a pour sa part annoncé trois mesures : la reconduction quasi-immédiate des Roms vers la Roumanie ou la Bulgarie en cas d'atteintes aux biens ou de fraudes, l'échange de policiers entre la France et la Roumanie et l'envoi de dix inspecteurs du fisc pour contrôler la situation des habitants de certains camps. Par ailleurs, afin d'empêcher les personnes ayant bénéficié de l'aide au retour (billet d'avion et 300 euros d'aide à l'insertion) de revenir en France, ces derniers devront laisser leur empreinte digitale en partant. Le ministère de l'Intérieur a précisé que le ficher déjà validé par la Cnil pourrait entrer en service en septembre.
La réunion de l'Elysée à connotation essentiellement répressive a suscité de vives réactions d'associations et de l'opposition. "C'est d'un travail de fond associant l'Etat, les collectivités territoriales (notamment les mairies), les associations, les services sociaux et les professionnels éducatifs dont les gens du voyage ont besoin", a notamment réagi le PS dans un communiqué.

Une nouvelle réunion aura lieu dans trois mois pour évaluer la mise en œuvre des dispositions annoncées.
 

Michel Tendil