Commande publique - PME, achats innovants : l'Ugap donne son point de vue aux sénateurs
Dans le cadre de la mission d'information commune sur la commande publique mise en place par le Sénat au mois de mai, Alain Borowski, le président de l'Ugap (Union des groupements d'achat public), et Sébastien Taupiac, directeur chargé de l'innovation, étaient entendus le 4 juin par les sénateurs.
L'un des principaux sujets de réflexion de cette mission sénatoriale est l'accès à la commande publique des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME). Il apparaissait donc naturel d'auditionner l'Ugap qui a développé depuis de nombreuses années une stratégie visant à faciliter l'accès de ces entreprises à la commande publique.
Sébastien Taupiac a salué le sérieux et la pertinence des travaux de cette mission. Celle-ci poursuit actuellement ses auditions et compte présenter ses premières observations au gouvernement courant juin. Le rapport final de la commission sénatoriale est attendu pour le 24 septembre 2015.
Nous nous sommes entretenus avec Sébastien Taupiac à l'issue de son audition afin de préciser avec lui le point de vue porté par l'Ugap.
Localtis - Quelle est la place de l'Ugap dans l'efficience de l'achat public en France, et plus précisément en ce qui concerne les TPE/PME ?
Sébastien Taupiac - Je peux vous révéler quelques statistiques illustrant la part que représentent ces structures dans nos commandes. Aujourd'hui, l'Ugap travaille avec 535 fournisseurs et 63% d'entre eux sont des TPE/PME. En termes de volume, les activités des TPE/PME représentent 20% de celles de l'ensemble des fournisseurs (2,1 milliards d'euros), soit près de 400 millions d'euros. Ces données s'inscrivent dans la tendance générale des grands donneurs d'ordre. Cependant, l'accès des TPE/PME à la commande publique a toujours été un sujet fort pour nous, que nous nous efforçons d'encourager.
L'un des avantages clés de l'Ugap, notamment face à des groupements de commandes ou autres structures de mutualisation, est qu'elle paie directement ses fournisseurs. Grâce à l'affacturage collaboratif mis en place tout récemment avec La Banque postale, l'Ugap est désormais en mesure de payer ses fournisseurs sous quelques jours ouvrés moyennant une commission bancaire diminuée de moitié. Ce type de solution unique est un réel encouragement pour les TPE/PME ainsi que pour les start-up qui ont le plus besoin de trésorerie. Aujourd'hui, nous considérons être arrivés probablement au terme de ce qu'il est possible de faire en matière de produits standards ou services : allotissement technique, géographique, utilisation de tous les critères de choix, pondération pertinente du critère prix et, enfin, développement d'une approche en coût complet.
L'Ugap a donc fait son maximum pour faciliter l'accès des TPE/PME dans le secteur des offres standards - informatiques, véhicules, mobiliers, etc. - mais quid des achats innovants ?
L'Ugap considère avoir une nouvelle carte à jouer dans ce domaine, c'est pourquoi nous avons mis en place un pôle dédié à l'innovation depuis septembre 2014. Rappelons qu'en 2012, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait fixé un objectif pour 2020 : que 2% du volume de la commande publique de l'Etat, de ses opérateurs et des hôpitaux soit consacré aux achats innovants. L'Ugap aura atteint cet objectif dès cette année. Concrètement, aujourd'hui, un euro sur cinq revient aux petites structures pour les achats standardisés alors qu'en termes d'achats d'innovants, c'est plus d'un euro sur deux. Pour favoriser l'accès des TPE/PME à la commande publique, il ne faut pas mettre en avant leur statut (d'ailleurs interdit par le droit) mais bien leur activité, leur valeur ajoutée, et notamment l'innovation. La seule difficulté réside dans l'absence de label dans ce secteur, il nous faut donc entreprendre un large travail de qualification de ces offres.
En termes d'efficience économique, pensez-vous que l'insertion de critères environnementaux va favoriser l'accès des TPE/PME à la commande publique ?
Cette question a fait l'objet d'un débat avec les sénateurs. Selon moi, il y a beaucoup de "fausses bonnes idées" autour de l'accès des petites structures à la commande publique. Pour exemple, concernant le critère du bilan carbone, on se rend finalement compte que les grandes entreprises sont les seules à pouvoir fournir ce type d'informations qui reposent sur des audits complexes et très coûteux. Les objectifs doivent rester clairs : soit on fait de la commande publique un unique instrument de rationalisation de la dépense publique, soit on en fait un véritable outil au service des politiques publiques - insertion sociale, environnement, innovation, etc. Si l'on choisit la seconde option, une difficulté apparaît : celle de faire porter cette orientation par les 120.000 pouvoirs adjudicateurs français. Pour pallier ce problème, il faut nécessairement recourir à la mutualisation, que ce soit au niveau national ou régional. On ne peut pas demander à ces 120.000 pouvoirs adjudicateurs d'avoir une réelle expertise d'achats, c'est pourquoi, dans un souci d'efficacité, il faut progressivement s'orienter vers des entités d'achats mutualisées qui développent une véritable professionnalisation du métier d'acheteur.
L'Ugap ne craint-elle pas le développement de structures de mutualisation concurrentes ?
Non, au contraire. De nombreux groupements de commandes sont apparus, de nombreuses centrales d'achats régionales se sont mises en places ces derniers mois, mais cela n'empêche pas la progression de l'Ugap. En effet, l'Ugap signe des accords de partenariat avec ces entités afin de les encourager à utiliser elles-mêmes nos services pour simplifier leurs commandes. C'est une reconnaissance de la mutualisation et l'accélération du processus souhaitable de professionnalisation, seule garante de performance.
L'Apasp
Référence : Compte rendu de l'audition du 4 juin 2015