Archives

Politique de la ville - Politique de la ville : comment lutter contre la "relégation urbaine"

Le Conseil national des villes réaffirme que la politique de la ville est utile et nécessaire. Mais qu'elle doit pouvoir combiner une forte politique de droit commun, largement confiée aux collectivités, et une politique spécifique de "sauvetage" par l'Etat des espaces urbains les plus vulnérables.

"La politique de la ville ne doit pas être abandonnée. Elle doit être reformulée et renforcée." Le Conseil national des villes (CNV), qui est arrivé au terme de son cinquième mandat, résume ainsi sa posture, à un moment où la politique de la ville doit faire face à certaines vicissitudes. Création de l'Anru créant de facto une césure entre la thématique "renouvellement urbain" et les autres dimensions de ce champ de l'action publique, interrogations sur la prochaine génération des contrats de ville, portefeuille politique de la ville changeant régulièrement de mains au sein de l'organigramme gouvernemental, réforme de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSUCS), résurgence des débats sur le logement social et l'article 55 de la loi SRU... Autant d'éléments de contexte qui interpellent les membres du CNV, dont les représentants des élus locaux. Et qui ont été évoqués le 6 octobre dernier, tant à la tribune que de façon plus informelle, lorsque le CNV a présenté son rapport d'activité 2002-2005 et a remis à Catherine Vautrin, ministre déléguée à la Cohésion sociale, ses propositions "pour la refondation de la politique de la ville".
"On ne sait plus où on en est sur la politique de la ville ! Pour quoi, pour qui... Il faut renommer les choses", a ainsi lancé Véronique Fayet, vice-présidente du CNV et adjointe au maire de Bordeaux, en faisant notamment état du "désarroi" actuel de certaines communes et associations.


Quand seul l'Etat peut agir

"La politique de la ville a découvert les inégalités entre les territoires, la décentralisation ne saurait régler, à elle seule, cette question. La solution relève d'une volonté forte et d'une politique déterminée de solidarité entre les territoires, que seul l'Etat peut impulser, coordonner et unifier", affirme le CNV en conclusion de son rapport d'activité, sorte de bilan de mandature de cette instance de concertation et de propositions.
Plus précisément, selon le CNV, certaines situations particulièrement "détériorées" (celles d'espaces urbains qui cumulent les difficultés au point d'être aujourd'hui "en situation de relégation") ne peuvent pas "relever de la seule solidarité de proximité et rendent plus que jamais indispensables l'engagement de l'Etat et la mobilisation de moyens exceptionnels, sous sa responsabilité".
"La situation n'est pas la même entre une grande ville ayant beaucoup de moyens et 10% de population difficile et une ville moins importante, sans réels moyens et entièrement en politique de la ville. Dans ce dernier cas, la présence de l'Etat, garant des mécanismes de solidarité et de péréquation, doit toujours être forte", a de même insisté Claude Dilain, le second vice-président du CNV, maire de Clichy-sous-Bois.


"Un sous-ensemble de la politique de cohésion sociale"

L'enjeu est évidemment financier. "La DSU est mal répartie. Nantes et Toulouse la touchent, ce sont des villes qui ont zéro euro d'endettement. Il n'est pas normal que la solidarité nationale intervienne à Toulouse, même si cette ville a le quartier du Mirail", s'est par exemple exclamé François Pupponi, maire de Sarcelles.
Mais au-delà de cette question de la péréquation, l'enjeu est aussi de savoir s'il faut concevoir la politique de la ville avant tout comme une action ciblée dotée de moyens spécifiques ou bien s'il faut, a contrario, privilégier une politique de droit commun en faveur de la cohésion sociale (logement, emploi, social, sécurité?) suffisamment puissante pour que les territoires urbains en crise en bénéficient eux aussi.
"La politique de la ville est d'abord une bonne utilisation des politiques de droit commun. Les crédits de droit spécifique ne doivent pas servir de palliatif aux défaillances des crédits de droit commun", estime à ce titre Claude Dilain. De même, pour Véronique Fayet, "la politique de la ville est un sous-ensemble de la politique de cohésion sociale".
Mais parce que cela ne suffit pas toujours, le CNV considère en fait qu'il faut désormais "développer simultanément pour la ville deux stratégies différentes, selon la gravité des situations". A savoir, d'une part, une politique urbaine de développement et de rééquilibrage entre les quartiers pour traiter, sous la responsabilité des collectivités, les "poches de pauvreté" dans les espaces urbains par ailleurs normalement développés. Et, d'autre part, une politique de "sauvetage" de la ville, qui pourrait être rebaptisée "politique de lutte contre la relégation urbaine", animée directement par la DIV (Délégation interministérielle à la ville), réservée aux villes et territoires en situation de décrochage massif, justifiant l'intervention forte de l'Etat et des moyens exceptionnels mobilisés par le biais de contrats entre l'Etat et les collectivités.


Fusionner contrat de ville et contrat d'agglomération

En matière de contractualisation, sachant que les actuels contrats de ville doivent échoir fin 2006, le CNV rappelle son attachement au principe même du contrat, à condition bien sûr qu'il soit "respecté, y compris par l'Etat, et sans subir les contrecoups des changements intempestifs de dispositifs". Le Conseil propose que la prochaine génération de contrats soient rebaptisés "contrats de cohésion sociale et urbaine" et fusionnent les contrats de ville et les contrats d'agglomération. Ils seraient signés par un nombre restreint de partenaires obligatoires ? l'agglomération comme chef de file, le département, la région et l'Etat ? même si d'autres partenaires ou contributeurs resteraient associés.
Sur ce point, Catherine Vautrin a elle aussi évoqué l'importance de l'agglomération : "Il faut reprendre et redéfinir le contrat de ville, illisible. Il est en outre nécessaire de contractualiser entre Etat et agglo. La mixité sociale ne se fera qu'au niveau de l'agglomération." La ministre déléguée semble toutefois incertaine quant à l'hypothèse d'une fusion entre contrats. "Nous sommes face à une dualité : souveraineté de la commune et nécessité de réfléchir au niveau de l'agglomération. Jusqu'à quel stade devra jouer la mutualisation ?"
Plus globalement, Catherine Vautrin a estimé que la politique de la ville était "dans une phase charnière". Déplorant "la jungle d'intervenants divers et variés", elle a dit vouloir aller vers "une approche plus simple". Elle a tenu à conforter le CNV dans sa mission de conseil auprès du gouvernement et a confirmé qu'un nouveau CNV serait bien nommé tout prochainement. Enfin, elle a indiqué avoir demandé à Dominique de Villepin la tenue d'un comité interministériel à la ville (CIV) "avant la fin de l'année", "bilan d'étape" qui permettrait notamment d'aborder cette question de la contractualisation, de même que celle des divers zonages liés à la politique de la ville.


C.M. / C.F.

 

Pour aller plus loin

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis