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Pollution de l'air : en Ile-de-France, plus de la moitié des établissements scolaires dépassent les normes réglementaires

Sur les 12.520 établissements scolaires franciliens, 682 sont exposés à des niveaux de pollution de l'air dépassant les normes légales de dioxyde d'azote en moyenne annuelle, selon l'association Respire. Fruit d'un an de travail de compilation et datavisualisation de données, la carte interactive de la qualité de l’air aux abords des établissements recevant des enfants en Île-de-France, qu'elle a publiée le 28 mars, montre toutefois des niveaux d’exposition très différents, des progrès au fil des années aussi et s'accompagne de recommandations concrètes pour inciter les élus, tout particulièrement dans les villes de la proche couronne, à intensifier leur action. La principale fédération de parents d'élèves, la FCPE, s'empare de l'outil pour en faire un puissant outil d'interpellation de la communauté scolaire.

L'open data dans la qualité de l'air est un domaine en pleine mutation. Fini, le temps des données éparpillées et difficiles à dénicher et à s'approprier ? "Cette carte de la pollution de l'air à proximité des écoles est en tout cas l'outil qui nous manquait pour interpeller et sensibiliser. Prochaine étape après cet électrochoc : mesurer la qualité de l'air à l'intérieur des écoles, ce que la maire de Paris vient de s'engager à faire d'ici la rentrée à travers une campagne expérimentale", a félicité le 28 mars Isabelle Rocca, présidente de la FCPE Paris, lors de la présentation par Respire de ce premier état des lieux détaillé de la pollution de l'air à proximité de tous les établissements recevant des enfants en Ile-de-France (crèches, écoles, collèges et lycées). 

De la mesure au pas-de-porte

Cette carte va plus loin que la simple analyse cartographique, dévoilée le même jour par Greenpeace France à l’échelle de Marseille et de ses communes périphériques. L'outil s'appuie ici sur deux études, l'une sur la pollution de l'air extérieur (Airparif) et l'autre (IAU île-de-France) montrant des dépassements de normes dans les établissements recevant du public (ERP) proches des axes routiers. Elle croise les flux de données rendus disponibles en open data par Airparif - mais insuffisamment, si bien qu'il a fallu procéder par convention pour en recueillir plus - et de la data de géolocalisation, pas non plus simple à collecter ni à mettre en forme. "Certains établissements ne figuraient pas dans les bases de données officielles. Nous avons donc géolocalisé les crèches et écoles à partir de leurs adresses postales et fixé à ce point la zone de mesure de l'air ambiant extérieur. Le taux de concentration moyen annuel par an et par polluant (dioxyde d'azote NO? et particules fines PM2.5 et PM10) a ainsi pu être établi pour chaque établissement et le fichier résultant de ces opérations est mis à disposition sur notre site et sur data.gouv.fr", explique Olivier Blond, président de l'association Respire. 

Une évaluation prudente

Le traitement des 100 millions de points ou de valeurs a mobilisé une communauté de data-scientistes (Datactivist). Un système de seuil et de couleur à quatre valeurs a été trouvé pour faciliter la lecture et "attirer l'attention sur les établissements et zones où la concentration d'un ou plusieurs polluants aériens soulève des questions de santé publique". Bien sûr, une telle méthodologie présente des biais. L'association le confesse volontiers. Le premier : il s'agit de valeurs correspondant à la porte d'entrée de l'établissement. Dès qu'on s'en éloigne, la pollution (parfois) observée si l'école est située près d'un axe routier très emprunté peut chuter une fois qu'on est dans la cour, "le bâtiment créant une forme d'obstacle à la diffusion de la pollution", décrit l'association. A l'inverse pour un établissement proche du périphérique, si l'entrée est située à l'opposé dans une rue calme, il est probable que la pollution mesurée pour cette école soit sous-estimée. Second talon d'Achille : cette approche exclut d'autres sources de pollution (mais l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur s'en est déjà chargé, voir cet article). "Notre étude ne donne qu'une idée de la pollution de l'air dans les écoles. Elle est probablement une évaluation prudente et minimaliste de la pollution réelle dans les écoles. Et surtout une invitation à s'emparer du sujet en initiant une démarche collective", commente Olivier Blond.

682 établissements dépassent les normes légales

Sur les 12.520 établissements franciliens, 682 sont exposés à des niveaux de pollution de l'air dépassant les normes légales de dioxyde d'azote en moyenne annuelle. La plupart sont à Paris (548 d’entre eux) et en petite couronne (125). Trois départements (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne) sont concernés. Un seul établissement dépasse les seuils légaux de PM10 et aucun pour les PM2.5. Aucune zone ou poche de pollution n'est observée : "Des établissements distants de quelques dizaines de mètres peuvent avoir des niveaux d'exposition différents". Le facteur principal semble - l'association reste prudente - être la proximité aux axes routiers. La carte permet aussi de se concentrer sur une année en particulier ou un seuil de pollution et d'observer depuis 2012 si des progrès ont été réalisés sur les trois polluants, et ce dans chaque école. C'est là un atout majeur de l'outil : "Nous voulons montrer qu'à un niveau hyperlocal, quand des mesures sont prises, les retombées sont positives", éclaire Franck-Olivier Torro, délégué général de Respire. La proportion d’établissements dépassant les seuils légaux de pollution au NO2 a ainsi été divisée par plus de deux à Paris (de 66% à 26%). En petite couronne, ce chiffre est passé de 8,4% à 3,6%. L’amélioration la plus faible est observée en Seine-Saint-Denis. Cinq focus sur des écoles emblématiques sont aussi présentés. L'école parisienne la plus exposée du classement est située dans le 4e arrondissement. Une école située à l'angle du périphérique est aussi étudiée. Dans une école de Courbevoie, où les résultats sont inquiétants, c'est la proximité avec des activités industrielles (station-service) qui est détaillée. Les écoles proches d'un axe desservant Paris, à Boulogne, Montrouge, Bagnolet, atteignent aussi des niveaux critiques.

Une carte pour passer à l'action 

Carte à l'appui, Respire et ses partenaires (fédération des parents d'élèves de Paris, WWF France et Réseau Action Climat) invitent les familles, les collectivités et les enseignants à renforcer la connaissance de l'existant et à poursuivre et améliorer ces mesures. La loi Grenelle 2 fixe des obligations (voir notre article). Pour Respire, cette loi ne suffit pas mais peut être invoquée pour améliorer la situation. La mise en place de zones à faibles émissions (ZFE), de voies vertes et le changement de moyen de déplacement sont évoqués. "Des mesures adaptées et très locales de réduction de la pollution automobile autour des établissements peuvent avoir des conséquences importantes", poursuit l'association. Et de citer l'interdiction de stationner devant l'école, le développement de solutions alternatives (marche, pédibus/vélobus), le retrait des bus polluants qui circulent à proximité des écoles, l'étude et l'éventuelle modification des prises d'air des établissements qui font parfois face à des sources de pollution (en face d'une bouche d'aération de parking ou de métro). Voire le déplacement de l'établissement lors d'une opération de renouvellement urbain.

 

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