Pour Gérard Larcher, Emmanuel Macron doit se reconnecter avec les "corps intermédiaires"
À l’approche du mouvement des "gilets jaunes", samedi 17 novembre, et du congrès des maires la semaine prochaine, le président du Sénat, Gérard Larcher, analyse la grogne des uns et le désarroi des autres.
Les maires doivent être à "portée d’engueulade" de leurs administrés a coutume de dire le président du Sénat, Gérard Larcher. Une formule qui, à l’approche du congrès des maires, pourrait bien s’adresser au locataire de l’Élysée. "Il faut toujours affronter la lame", a déclaré le président du Sénat, jeudi 15 novembre, alors que le président de la République a décidé de ne pas se rendre au rendez-vous annuel des maires. Conviant les quotidiens et les chaînes régionales sous les ors du palais du Luxembourg, Gérard Larcher est longuement revenu sur le désarroi des maires qui, avec la campagne #balancetonmaire, ont connu "la totale". "L’accroissement des démissions de maires et des conseillers municipaux est significative", c’est "un signal d’alarme", a-t-il averti, alors qu’une enquête du Centre de recherches de Sciences Po (Cevipof) publiée le jour même montre que 51% des maires ne souhaitent pas se représenter à l’issue de leur mandat. Selon lui, les élus ont "le sentiment de ne plus prendre part aux décisions dans le cadre intercommunalités". Un "sentiment d’inutilité" encore plus fort chez les "milliers de conseillers municipaux" non conseillers communautaires qui ont décidé de quitter leur mandat en cours de route. Pour y remédier, Gérard Larcher s’est fait le chantre du principe de "subsidiarité". Il s’est également montré véhément contre le manque de dialogue entourant la réforme de la fiscalité locale. "Nous en sommes au sixième scénario de remplacement de la taxe d’habitation. Nous n’avons aucune certitude. Est-ce qu’on joue au bonneteau ?", a-t-il ironisé, en référence à la proposition du gouvernement de transférer le foncier bâti des départements vers les communes. Cette grande réforme doit reposer sur un vrai dialogue avec les représentants des trois grandes associations d’élus (AMF, ADF et Régions de France), le gouvernement et les commissions des finances des deux assemblées : "Voilà comment nous voyons ce qui peut être un vrai test de la volonté de dialogue du gouvernement", a-t-il dit, après que l’exécutif avait annoncé avoir entendu "l’appel de Marseille" lancé le 26 septembre. Gérard Larcher compte aussi faire inscrire dans la Constitution la proposition 12 du groupe de travail sénatorial sur la révision constitutionnelle qui vise à garantir une autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales. "Il faut garder le lien entre les collectivités et les services", estime-t-il.
Des bonnets rouges aux gilets jaunes
Avec le mouvement des gilets jaunes, qui ont prévu de se mobiliser le 17 novembre pour protester contre la hausse des taxes sur le carburant, "le président de la République récolte ce qu’il a semé", a aussi asséné Gérard Larcher. Parce qu’il s’est coupé des "corps intermédiaires". Emmanuel Macron "a voulu être dans une espèce de relation directe, sans ces corps intermédiaires, ça le conduit à se confronter à des gilets jaunes en direct". Gérard Larcher a ainsi commenté le mea culpa du président qui, depuis le porte-avion Charles-De-Gaulle a déclaré, mercredi : "Je n’ai pas réussi à réconcilier le peuple français avec ses dirigeants." "Cela peut être constructif si on essaye de comprendre pourquoi on en est arrivé là… Mais la repentance, cela ne m’intéresse pas", a-t-il déclaré. Le deuxième personnage de l’État a dénoncé la "brutalité" de la hausse des taxes sur les carburants, "qui ne servent qu’à alimenter les caisses de l’État", sous prétexte de transition écologique : "On a habillé en vert une taxe sans lui donner une utilité concrète." Le Sénat s’opposera dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2019 à cette hausse, a-t-il affirmé.
Gérard Larcher a aussi vu "un peu de schizophrénie" dans cette décision. "On est en train d’augmenter les taxes pour essayer de changer les pratiques du quotidien et en même temps on ferme une ligne du quotidien", a-t-il déclaré, en référence au projet de fermeture du tronçon Épinal/Saint-Dié-des-Vosges. "Nous serons extrêmement attentifs (au sort des lignes du quotidien) lors de l’examen du projet de loi Mobilités, qui arrivera "en première lecture au Sénat dès le mois de janvier."
"On pensait que les bonnets seraient encore rouges, on n’avait pas imaginé que les gilets seraient jaunes", a-t-il ajouté, très en verve, rappelant les mises en garde du Sénat. "Il faut se méfier des jacqueries quand on a une cassette qui ne prend pas en compte la réalité des territoires." "Au-delà de l'affaire des carburants, les classes moyennes ont le sentiment que, vraiment, ça pèse sur eux", a-t-il dit, mettant en garde contre une scission de la France en deux.
Gérard Larcher a cependant pris ses distances avec le mouvement : "Je n’en serai pas." "Méfions-nous de la démocratie de la brutalité. Elle pourrait nous conduire à nous réveiller un matin plus proche de la botte italienne que de la démocratie dont je rêve."