Finances locales - Pour les départements comme pour le bloc local, le Sénat imprime sa marque sur le PLF
Départements
Les sénateurs ont envoyé un signal en faveur de la fusion des départements, en votant à l'unanimité des incitations financières en ce sens. Les départements contigus et membres d'une même région qui fusionneraient avant le 1er janvier 2016 conserveraient pendant trois ans le montant de leurs dotations, alors que ces dernières sont amenées à chuter avec les économies de 11 milliards d'euros prévues d'ici fin 2017.
Proposé par le rapporteur de la loi de nouvelle organisation territoriale de la République (Notr), René Vandierendonck, et ses collègues socialistes du Sénat, le dispositif serait une sorte de "Pélissard départemental", a expliqué Charles Guené, l'un des deux rapporteurs de la mission "relations avec les collectivités territoriales". Il s'inspire en effet largement des incitations financières défendues par l'ancien président de l'Association des maires de France (AMF) pour favoriser les communes nouvelles. "L'exonération ne profiterait qu'à des départements qui préparent déjà leur regroupement", a déclaré Jean Germain, l'autre rapporteur de la mission. "Ce n'est pas en quelques mois que des regroupements seront décidés", a corroboré Eric Doligé. Sur les bancs de la Haute Assemblée, on estimait que les départements alsaciens, de même que la Savoie et la Haute-Savoie, auraient des chances de bénéficier de la mesure. "Il n'y aura pas d'effets d'aubaine", a conclu Michèle André, présidente de la commission des finances. "Si deux ou trois regroupements venaient à se produire parmi la centaine de départements que compte notre pays, les conséquences [financières] seraient considérables pour les autres", a rétorqué le secrétaire d'Etat chargé du budget, défavorable à l'amendement. Pour Eric Doligé, il faudrait au contraire aller plus loin, puisqu'il ne serait pas "saugrenu" de constituer "une cinquantaine de départements de 1 ou 1,5 million d'habitants".
A côté de cette incitation à approfondir la réforme territoriale, on notera que les sénateurs ont traité les effets de la révision de la carte cantonale initiée par la loi du 17 mai 2013. Un amendement du gouvernement accueilli favorablement par les sénateurs doit permettre à 2.260 communes de conserver au-delà de 2016 la part bourg-centre de la dotation de solidarité rurale (DSR). L'entrée en vigueur de la nouvelle carte cantonale devait entraîner pour elles la perte de cette dotation. Les anciens chefs-lieux de cantons conserveront en plus la possibilité de majorer de 15% les indemnités de leurs élus. Quant aux nouveaux "bureaux centralisateurs", ils percevront la part "bourg-centre" à partir de 2017 et bénéficieront eux aussi de la faculté de majoration des indemnités des élus municipaux. L'amendement met en œuvre des engagements pris en novembre 2013 par l'ancien Premier ministre, Jean-Marc Ayrault devant le congrès des maires (voir notre article du 19 novembre 2013).
S'agissant des départements, les sénateurs ont modifié leur potentiel fiscal, c'est-à-dire l'indicateur de leur richesse. L'objectif est de mettre un terme à l'inadaptation dont ce potentiel fiscal est frappé depuis la suppression de la taxe professionnelle. Ils ont procédé à cette adaptation contre la volonté du secrétaire d'Etat au Budget, qui aurait préféré aborder la question dans le cadre de la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) prévue dans le projet de loi de finances pour 2016. Il y a un mois pourtant, Manuel Valls avait indiqué lors du congrès de l'Assemblée des départements de France qu'il acceptait la demande des élus départementaux d'"introduire le critère du potentiel fiscal corrigé, dit Ackermann". Claudy Lebreton, le président de l'ADF, avait alors souligné qu'il s'agissait d'un changement "énorme", d'un "bouleversement" grâce auquel "pour la première fois, on aura un potentiel calculé sur les recettes fiscales", ce qui mettra enfin un terme aux injustices en termes de classement de richesses qui pénalisaient nombre de départements depuis plusieurs années.
Les sénateurs ont par ailleurs adopté un amendement du gouvernement qui prévoit en 2015 une compensation au profit des départements qui subiront une baisse de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) de plus de 5 % - ils seraient au nombre de deux à être dans ce cas, d'après le gouvernement. Cette compensation pourrait couvrir jusqu'à 90 % de la perte de CVAE subie par rapport à l'année précédente.
Communes et EPCI
D'autres évolutions importantes décidées par les sénateurs concernent le fonds de péréquation intercommunal et communal (Fpic). La Haute Assemblée a réduit de moitié la progression du fonds prévue par la loi pour l'année prochaine. Il s'agit d'un "compromis" entre le gel du Fpic, option que certains ont défendue, et la hausse fixée par la loi (+210 millions d'euros). Le fonds s'élèverait ainsi en 2015 à 675 millions d'euros, au lieu de 780 millions d'euros. Forcés par la gauche de reconnaître qu'ils ont eux-mêmes voté la création du fonds fin 2011 et établi son rythme de progression sur cinq ans, les sénateurs de droite ont estimé que la baisse des dotations de 11 milliards d'euros au cours des trois prochaines années a changé la donne et rendu "insoutenable" pour les communes contributrices la montée en charge prévue. Très critiques, plusieurs sénateurs ont appelé à une remise à plat de la péréquation.
S'agissant encore du Fpic, les sénateurs sont revenus sur le relèvement à 1 en 2016, voulu par les députés, de l'effort fiscal exigé pour bénéficier des versements du fonds. Pour les sénateurs, cette condition d'éligibilité au fonds doit être fixée à 0,9 en 2015 et les années suivantes. Sinon, les versements au titre du Fpic seraient "excessivement concentrés sur un nombre restreint d’établissements public de coopération intercommunale", selon Charles Guené.
Contre l'avis du rapporteur et du gouvernement, le Sénat a introduit la dotation d'intercommunalité (2,54 milliards d’euros en 2014) dans les ressources prises en compte pour le calcul du potentiel financier agrégé intercommunal, qui permet d'évaluer la richesse d'une intercommunalité et, de ce fait, son éligibilité au Fpic.
La Haute Assemblée a encore adopté un nouveau barème de cotisation minimale de cotisation foncière des entreprises (CFE), facultatif, censé être plus souple. Mais il aurait l'inconvénient d'entraîner des hausses de fiscalité, selon le gouvernement.
Les sénateurs ont aussi adopté un amendement visant à rendre efficace l'engagement du gouvernement d'arriver fin 2015 à la neutralité financière des normes nouvelles (à l'exception des normes concernant la fonction publique territoriale). Si en dépit de la circulaire du Premier ministre du 9 octobre 2014, les nouvelles normes devaient entraîner un coût pour les collectivités, le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) serait abondé (à hauteur du montant de ce coût).
Les sénateurs ont poursuivi le 8 décembre l'examen des articles de la seconde partie du projet de loi de finances non rattachés aux crédits. Au terme de la discussion, ils devraient voter ce 9 décembre l'ensemble du projet de loi.