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Pour les sénateurs, la relance doit être l'occasion de "déjacobiniser" la France

Dès le début de la crise sanitaire, la commission des affaires économiques du Sénat a décidé de plancher sur son impact, les mesures prises par le gouvernement et leurs effets. En résulte plus de 170 mesures concrètes pour relancer l'économie du pays et faire de la sortie de crise une opportunité pour moderniser et verdir l'appareil productif et changer les méthodes d'intervention économique des pouvoirs publics. Les sénateurs accordent une large place aux collectivités et reprochent au gouvernement de les avoir trop laissées de côté devant l'urgence.

"La relance doit ainsi être l'occasion de 'déjacobiniser' la France pour que l'État devienne plus agile, notamment en période de crise." C'est le message de la commission des affaires économiques du Sénat dans un rapport présenté le 24 juin, alors que le ministre de l'Économie travaille à un plan de relance annoncé pour la rentrée. 
Dès le début de la crise, la commission, constituée en cellules sectorielles de veille, de contrôle et d'anticipation, sous la direction de la sénatrice Sophie Primas (LR, Yvelines), a cherché à mesurer son impact, évaluer les mesures prises par le gouvernement et en corriger les failles. En résulte un plan global de relance de l'activité riche de 170 propositions, déclinées secteur par secteur, sachant que certaines mesures sectorielles, comme le tourisme, ont déjà fait l'objet d'une communication (voir notre article du 19 juin 2020).

Être "plus collectif"

Comme en écho à la dernière intervention télévisée du président de la République, les sénateurs demandent d'accorder une large place aux collectivités. "Devant l'urgence, l'État a le plus souvent agi seul et sans concertation", déplorent-ils. Le temps de la relance devra donc être "plus collectif", et reposer sur un partenariat entre l'État, l'Europe et les collectivités territoriales. Ce qui va dans le sens du souhait des régions et des discussions actuellement menées avec la ministre de la Cohésion des territoires autour des contrats de plan (voir notre article du 23 juin 2020). Les sénateurs demandent de "cesser de compresser continuellement les concours financiers dont les collectivités territoriales bénéficient". La commission estime toutefois qu'il faut renforcer la compétitivité des entreprise à travers "une relance vigoureuse des chantiers de simplification, d'investissement, d'innovation et de fiscalité". Elle se montre ainsi favorable à un allègement de la fiscalité sur la production - pomme de discorde entre les collectivités et le patronat -, même si "cette réforme ne peut se faire au détriment des ressources" des municipalités, départements ou régions. Elle préconise aussi des dispositifs de suramortissement pour les investissements relatifs à la numérisation des PME et au verdissement de l'appareil productif.

Si les sénateurs optent davantage pour une relance par l'offre que par la demande, ils proposent toutefois des mesures de relance de la consommation ciblées sur les secteurs en difficulté que sont le tourisme, la restauration et le bâtiment : des chèques-vacances, des tickets-restaurants, et une réduction temporaire de la TVA dans certains secteurs particulièrement touchés (idée actuellement rejetée par le gouvernement).
Pour les jeunes, les sénateurs proposent d'exonérer les charges pour une embauche en premier CDI et un soutien élargi à l'apprentissage.

Chaînes d'approvisionnement et relocalisation

Autre volet important du rapport : la diversification des chaînes d'approvisionnement et la relocalisation de certains centres de décision et de production critiques. Dans ce cadre, la commission propose de mettre en place une "boîte à outils" à la main des collectivités territoriales et des préfets pour encourager les relocalisations. "Au plus proche des réalités du terrain, les élus et les représentants de l’État pourraient par exemple être autorisés à consentir des dérogations limitées au droit de l’urbanisme, aux délais applicables, à intégrer ces projets aux pôles de compétitivité existants, ou encore à mobiliser certains leviers d’incitation fiscale, tels qu’une modulation temporaire des impôts ou une bonification du crédit d’impôt recherche conditionnée au maintien de l’activité sur le territoire", indique le dossier de la commission. Des initiatives locales qui s'articuleraient avec le programme Territoires d'industrie lancé en 2018.

Les sénateurs estiment également qu'il faut soutenir les quatorze écosystèmes industriels identifiés comme prioritaires à l'échelle européenne* mais aussi "relancer les pôles de compétitivité", en lien avec les collectivités et les acteurs économiques.

Simplification, décarbonation

En matière de simplification pour les entreprises, les sénateurs préconisent de reconstituer un Conseil de la simplification et, dans les territoires, des "task forces", destinées notamment aux nouvelles implantations industrielles.

Dernier point : la décarbonation de l'économie. "La mise en place du plan de relance est une opportunité pour accélérer la décarbonation de l'économie française", estime ainsi la commission, citant notamment la rénovation énergétique des bâtiments, l'essor des énergies renouvelables, la consolidation de l'énergie nucléaire ou encore la diffusion de véhicules et de carburants propres. Elle demande "des engagements financiers" et un "soutien administratif" de l'État. Il s'agirait, selon la commission, de mettre en place des mesures de soutien à destination des particuliers comme des professionnels d'un côté, et de l'autre, de renforcer la compétitivité de notre électricité décarbonée et de la sécuriser, en portant une attention particulière sur les énergies renouvelables les moins valorisées que sont les biocarburants, le biogaz et l'hydrogène.

* Numérique, électronique, aérospatial et défense, textile, construction, mobilité automobile, industries culturelles et créatives, économie sociale de proximité, industries énergo-intensives, construction, agro-alimentaire, tourisme, commerce de détail, énergies renouvelables.