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Aménagement du territoire - Pour l'Observatoire des territoires, disparité n'est pas inégalité

Dans un rapport remis à Sylvia Pinel le 11 mai, l'Observatoire des territoires invite à distinguer disparités et inégalités pour prendre en compte la qualité de vie dans les territoires. A la clé, de nouveaux indicateurs doivent permettre aux élus de faire le bon diagnostic.

A une jeune fille qui l'interrogeait la semaine dernière, lors d'une rencontre au Cese, sur la place des services publics en milieu rural, François Hollande a eu cette réponse : "Nous sommes dans une société où on pense que c'est toujours mieux à côté (…) Le numérique change beaucoup. Aujourd'hui vous êtes dans le monde, avant il était très difficile d'accéder à la culture, à l'éducation, au savoir…" Cette vision est à peu de choses près celle qui sous-tend le rapport de l'Observatoire des territoires remis à la ministre du Logement, de l'Egalité des territoires et de la Ruralité, Sylvia Pinel, le 11 mai.
Dans ce volumineux rapport (le quatrième du genre), l'observatoire, qui s'est récemment vu rattaché au Commissariat général à l'égalité des territoires, dresse le portrait de la France des régions et de ses transformations au fil des dernières années, sur le plan démographique, du logement, de l'emploi, de l'innovation ou du développement durable… A ce titre, il montre que le phénomène de convergence économique des différentes régions qui avait cours depuis le début des années 1990 s'est interrompu avec la crise. Depuis 2008, les disparités entre les territoires et les personnes se sont accrues. Entre 2008 et 2011, la Champagne-Ardenne et la Bourgogne ont ainsi subi une "dégradation marquée" de leur PIB. D'autres régions, comme Paca, la Franche-Comté, la Picardie et la Haute-Normandie s'en sont mieux sorties : après une baisse de régime en 2008/2009, elles sont reparties à la hausse.
Les disparités se sont accrues au sein même des régions, avec le phénomène de métropolisation. Le revenu fiscal médian est ainsi de 19.500 euros par an dans les pôles urbains, près de 2.000 euros supérieurs aux autres territoires. Ces inégalités sont particulièrement sensibles en Midi-Pyrénées, dans le Nord-Est, par augmentation du nombre de bas revenus, et aussi dans les zones frontalières de la Suisse, cette fois-ci au contraire par augmentation des hauts revenus.

Une réflexion sur le périurbain

Mais pour l'observatoire, disparité n'est pas inégalité. "Ces disparités ne constituent pas nécessairement des inégalités des territoires", souligne-t-il. "Elles reflètent aussi la diversité des populations qui les habitent et dont les aspirations en matière de qualité de vie sont en effet variées." En clair, il est d'autres richesses que le PIB. Il y a aussi ces fameuses "aménités" que les urbains envieraient aux ruraux. Vous pensez services publics ? Là encore, il faut distinguer entre "accessibilité des équipements" et "accessibilité des services", explique le rapport. "Les magasins traditionnels - et plus généralement les lieux d'accueil - n'ont plus le monopole qu'ils offraient autrefois." L'arrivée du numérique "a ouvert de nombreuses possibilités de dématérialiser la distribution de services". Pour l'observatoire, l'enjeu n'est donc plus de mesurer la proximité d'un service (le temps de parcours pour se rendre à un lieu d'accueil), mais "l'accessibilité d'autres canaux" comme internet.
A l'heure de la "capacité des territoires", intitulé qui fait l'objet d'une direction au sein du CGET, le rapport fournit aux acteurs locaux de nouveaux indicateurs permettant de mesurer la qualité de vie en dehors du PIB, afin de "mettre en place des politiques adaptées aux besoins des citoyens et de leurs territoires", se félicite la ministre, dans un communiqué. "C'est à partir de la connaissance opérationnelle qu'ils ont de leur territoire que les acteurs locaux pourront qualifier certaines disparités et identifier d'éventuelles inégalités", souligne-t-elle en introduction de ce rapport qui s'accompagne d'un guide méthodologique pour aider les élus dans leur travail de diagnostic.
Sylvia Pinel souhaite aussi "dans les semaines à venir", ouvrir "un champ de réflexion et d'action politique sur la question du périurbain" en s'appuyant sur l'Observatoire des territoires.
Alors que les annonces du comité interministériel aux ruralités du 13 mars ont été accueillies amèrement par les intéressés, les suites données à ce rapport seront capitales dans le contexte de la réforme territoriale, qui fait la part belle aux métropoles, et de la baisse des dotations. Comme le met en garde Laurent Davezies dans son ouvrage "Le nouvel égoïsme territorial", "d'une façon ou d'une autre, il est fort possible que nous soyons entrés dans l'automne de la solidarité et de la cohésion entre les territoires". "C'est au moment où l'égalité territoriale dispose d'un nouveau ministère, éponyme, qu'elle va connaître un recul."

 

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