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Education - Pour sauver ses "petits" collèges ruraux de la fermeture, la Charente a un plan

Le plan "ambition réussite collège Charente 2025" prévoit, pour la rentrée scolaire 2018, une série d'actions visant à renforcer l'attractivité des 38 collèges du département en enrichissant l'offre pédagogique.

Depuis fin janvier 2018, cinq collèges de Charente pratiquent un quart d’heure de lecture quotidien pour tous, élèves, enseignants et personnels. C’est une des premières déclinaisons du plan "ambition réussite collège Charente 2025" présenté le 23 novembre dernier par François Bonneau, président du conseil départemental, et Marie-Christine Hébrard, directrice académique des services de l’Education nationale (Dasen).
Dans un contexte démographique tendu (le nombre de collégiens a baissé de 4.700 élèves en 30 ans), et après avoir hésité à fermer 9 établissements considérés comme "petits" (ils comptent moins de 200 élèves*), l'objectif affiché de ce plan est de renforcer l'attractivité des 38 collèges du département en enrichissant l'offre pédagogique. Le 23 novembre, François Bonneau l'a assuré : il n'y aurait pas de fermeture de collèges jusqu’à la fin de la mandature, ce n'était pas "l'option retenue".

Des spécialisations et des partenariats avec les grandes écoles

Les lignes directrices du plan ne s'arrêtent pas aux collèges ruraux. Elles répondent à quatre grands objectifs plus larges : enrichir l’offre pédagogique, en proposant des spécialisations ou des partenariats avec les grandes écoles ; accroître l’attractivité des internats, en mutualisant les places vacantes entre collèges et lycées ou en ouvrant un internat de la réussite à Angoulême ; proposer des secteurs multicollèges pour les deux établissements en REP + ; investir dans un programme immobilier.
Pour "enrichir l'offre pédagogique" et mettre en œuvre le maximum d'actions dès la rentrée 2018, la formule de l'appel à projets a été choisie. Le plan prévoit ainsi toute une batterie de "spécialisations innovantes pour renforcer l'attractivité" : classe "orchestres", classe "image-bande dessinée", classe "littératie numérique et découverte du code", sections sportives, option "patrimoine vivant", option "jeunes sapeurs-pompiers", option "internationale"...
Des partenariats avec de grandes écoles sont également prévus "pour promouvoir l'ambition scolaire" : avec l'Institut d'études politiques de Lille (pour des classes de 3e) et avec l'Essec (ouverture d'un MOOC). D'autres mesures de soutien sont listées dans le plan, dont le programme "20 minutes de lecture pour tous" qui est déjà sur les rails.

Un temps de lecture quotidien, obligatoire et partagé pour toute la communauté éducative

Ce rituel d’un temps de lecture obligatoire tous les jours, pour toute la communauté éducative - élèves, enseignants et personnels - a été mis en place le 29 janvier dans cinq collèges pilotes, avec l’aide du service départemental de la lecture. L'expérience s'inspire d'une démarche identique initiée à la rentrée 2016 dans un collège des Alpes-de-Haute-Provence, à Banon.
Le panel de spécialisations proposées à la rentrée 2018 sera vraisemblablement bien moins étendu que ne le laissait présager la liste d’options qualifiée par certains acteurs éducatifs locaux, d'"inventaire à la Prévert". Et les neuf collèges de moins de 200 élèves ne s’inscriront pas tous dès septembre prochain dans cette démarche. Si DSDEN et collectivité tombent d’accord, ils seraient au mieux quatre à tester cette coloration de leur offre de formation pour attirer un nouveau public : les collèges ruraux de Ruffec, Confolens et Montmoreau, et le collège REP+ Michelle-Pallet d’Angoulême.

Attention aux projets "hors sol"

"Plutôt que de multiplier les projets, il faut voir ce que les équipes sur place sont capables de porter pour enrichir l’offre pédagogique", estime Marie-Christine Hébrard. La Dasen de Charente met en garde contre les "projets hors sol".
L'ouverture d'une classe "BD" au collège Michelle-Pallet d’Angoulême, la ville-hôte du festival international de bande dessinée, avait de ce point de vue tout son sens. Ce projet, en gestation dans l'établissement, s'était retrouvé propulsé au rang d’options d’attractivité possibles, avec un petit changement au passage. Le collège n’ayant pas de partenariat établi avec le festival, la Dasen avait invité l’équipe à élargir le projet, en exploitant les liens déjà existants entre l'établissement et les écoles d’art, en cherchant à y inclure le maximum d’élèves. Aujourd’hui, le collège s’oriente davantage vers une classe à horaires aménagés en arts plastiques, déclinée de la 6e à la 3e, avec un éventuel prolongement par une cordée de la réussite entre le Lisa (le lycée de l’image et du son d’Angoulême) et l’Ecole européenne supérieure de l'image (EESI) également située à Angoulême.
La Dasen incite en effet les équipes à travailler en local pour valoriser ce qui se fait déjà – comme les langues pour le collège rural de Montmoreau, en prolongement de son projet e-twinning — et non en réponse à des sollicitations extérieures. Marie-Christine Hébrard aimerait aussi convaincre le conseil départemental d’aller vers des contrats tripartites avec les collèges, ce qui permettrait de mettre à plat les sources de financement.
Le plan prévoyait également d'accroître l'attractivité des internats dès la rentrée 2018, avec notamment la mutualisation des places vacantes d'internat entre lycées et collèges, et la mise en place de missions de tutorat. Ces mutualisations seraient en fait réalisables essentiellement en ville à Angoulême, mais peu en milieu rural, compte tenu des distances entre les établissements.

L’espoir que la LGV inverse la courbe démographique

"A quoi servira cette politique si la baisse démographique se poursuit ?" Sur le terrain, beaucoup – enseignants, parents ou chefs d’établissement – se posent cette question. Marie-Christine Hébrard répond qu’il s’agit d'abord de "ne pas subir la carte scolaire". "A mon arrivée", raconte-t-elle, "l’ambiance était très décliniste dans le département. Avec un tel état d’esprit, on pouvait difficilement être dans la mobilité et la réussite pour les enfants". Depuis, les annonces du chef de l’État sur l’école rurale auraient un peu changé la donne. De même que l’espoir que le département et Angoulême, ville étape de la LGV Paris-Bordeaux boostée cet été, connaissent un afflux de population, permettant d’inverser la tendance et retrouver une partie des 4.700 collégiens perdus en trente ans.
"C’est un pari sur l’avenir", concède la Dasen. "Si la courbe démographique ne s’inverse pas, viendra le moment où les classes auront de moins en moins d’élèves et où le département se reposera la question du réseau des collèges". Certains petits établissements sont parfois à 10 kilomètres l’un de l’autre. Une proximité qui se traduit pour le département par des coûts "en double" pour l’entretien du bâti, les fluides ou le service de cantine.
Pour l’instant, la collectivité semble encore prête à investir. Le plan prévoit un programme pluriannuel d’investissement de 25 millions d’euros sur 2018-2021, avec priorité aux collèges les plus vétustes. Un engagement confirmé par le conseil départemental en fin d'année.

* A noter que, pour la Deep, les collèges considérés comme "petits" sont ceux accueillant moins de 250 élèves.
 

ECOLE PRIMAIRE : LA CONVENTION RURALITE DE CHARENTE PREVOIT UN MAINTIEN DU NOMBRE D'ENSEIGNANTS SUR 3 ANS

Le rectorat de l'académie de Poitiers a signé en août 2016 son premier "protocole rural" (dit aussi "protocole ruralité") avec les communes et le conseil départemental de Charente. "L'académie s'engage à maintenir, pendant trois ans, le nombre de postes d'enseignants (...) sous réserve que des regroupements d'écoles s'opèrent au sein des communes ou en intercommunalités", avait-elle alors expliqué, précisant que "l'objectif est d'éviter les classes multiniveaux et les très petits effectifs qui ne permettent ni émulation, ni le fonctionnement efficace des équipes pédagogiques".
Dans ce cadre, la Charente avait bénéficié à la rentrée 2017 d'un renforcement de ses effectifs avec 10,5 postes d'enseignants supplémentaires dans le premier degré, alors que le département devait perdre environ 220 élèves en maternelle et élémentaire. Le président de l'Association des maires de Charente, Jean-Michel Bolvin, s'était alors déclaré satisfait de ce protocole pluriannuel qui évitera notamment aux communes "d'investir dans des structures qui seront fermées quelques années plus tard".
 

 

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