Pourquoi choisir l'attribution de compensation d'investissement ?

Constat

Le mécanisme de neutralité financière en cas de transfert de compétences entre un EPCI à fiscalité propre et ses communes membres a désormais 25 ans. Il s'incarne dans le calcul des attributions de compensation mis en place par le législateur. Outil à double face, l’attribution de compensation est égale à la différence entre la fiscalité professionnelle transférée à l'EPCI et le montant des charges liées aux compétences reprises. Au cours des années, le calcul du montant des charges transférées s’est affiné. Si aujourd’hui la neutralité financière est garantie, l’équilibre des sections fonctionnement et investissement est cependant déformé.
La loi de finances rectificative pour 2016 permet, au sein du bloc communal, de créer une sous-catégorie d’attribution de compensation : l’attribution de compensation "d’investissement". Que change-t-elle ? Comment la met-on en place ? Et pour quel objectif ?

Réponse

L’article 81 de la loi n° 2016-1918 de la loi de finances rectificative pour 2016 a modifié les modalités de versement de l’attribution de compensation aux communes, en rendant possible la création, sous certaines conditions, d’une "attribution de compensation d’investissement" : c’est le moyen d’inscrire en section d’investissement une partie de l’attribution de compensation versée par l’EPCI à ses communes membres.
Cette nouvelle disposition a été intégrée au 1 bis du V de l’article 1609 noniès C du code général des impôts (CGI) : il s’agit donc d’un dispositif relevant de l’évaluation libre des attributions de compensation ouvert aux communes et à la communauté, si elles en font le choix.

Principes de calcul des attributions de compensation
Pour les EPCI à fiscalité professionnelle unique (FPU), le calcul de l’attribution de compensation permet d’obtenir une neutralité financière entre le transfert de fiscalité des communes vers l’EPCI et le coût des charges reprises. La méthodologie d’évaluation du coût des charges transférées est décrite par la loi (CGI point IV de l’article 1609 nonies C). Les travaux d’évaluation sont effectués par la cfommission locale d’évaluation des charges transférées (Clect) qui se réunit à la suite de chaque nouvelle prise de compétence par l’EPCI. Ces travaux portent sur :
• "les dépenses de fonctionnement, non liées à un équipement, […]".
• [et sur] "le coût des dépenses liées à des équipements concernant les compétences transférées, calculé sur la base d'un coût moyen annualisé. Ce coût intègre le coût de réalisation ou d'acquisition de l'équipement ou, en tant que de besoin, son coût de renouvellement. Il intègre également les charges financières et les dépenses d'entretien. […]" .
Si cette méthodologie d’évaluation garantit la neutralité financière de chaque transfert, l’intégration croissante du bloc communal amène à constater que l’équilibre des sections de fonctionnement et d’investissement n'est pas garanti et que, dans certains cas, cela peut être dommageable pour des communes.

Un risque de déséquilibre budgétaire des communes
Au départ, l’évaluation des charges transférées était limitée aux seules charges de fonctionnement. En conséquence, les communautés relevant initialement de la taxe professionnelle unique (TPU devenue FPU depuis 2010) se voyaient bien transférer les moyens nécessaires à la prise en charge des dépenses de fonctionnement correspondant à la compétence transférée mais pas ceux nécessaires à la prise en charge des dépenses d’investissement liées aux biens mis à disposition par les communes membres (non prévues à l’article 1609 nonies C de l’époque).
Cet "oubli" a été corrigé par la loi du 13 août 2004. Depuis lors, la Clect a pour mission d’évaluer également les charges liées à chaque équipement transféré sur la base d’un coût moyen annualisé de l’ensemble des dépenses afférentes à ce bien. Le coût arrêté par la Clect devient alors une charge qui viendra réduire l’attribution de compensation de la commune d’origine pour toute la durée du transfert de la compétence, et ce sans aucun lien avec la durée de vie de l’équipement.
Cet aménagement qui, sans conteste, a amélioré la neutralité financière des opérations de transfert entre l’EPCI et ses membres, est néanmoins la source d’un nouveau déséquilibre. Les attributions de compensation sont imputées  comptablement dans la section de fonctionnement : les dispositions de introduites en 2004, en incluant dans le montant des charges transférées des charges provenant aussi de la section investissement, ont contribué à dégrader la capacité d’autofinancement des communes concernées. Cette situation s'aggrave d'autant plus aujourd'hui avec les incidences de la loi NOTRe qui organise le transfert obligatoire de compétences importantes des communes vers les EPCI à fiscalité propre.

La solution trouvée
La loi de finances rectificative pour 2016 a ajouté au 1 bis du V de l’article 1609 nonies C du CGI un aliéna 2. Il permet aux EPCI de trouver une réponse au déséquilibre entre section d’investissement et section de fonctionnement, en créant, sous certaines conditions, une "attribution de compensation d’investissement".
Le dispositif retenu est constitutif d’une évaluation libre des attributions de compensation de l’EPCI. Il doit donc être mis en place dans les mêmes conditions de forme (délibérations concordantes du conseil communautaire, statuant à la majorité des deux tiers, et des conseils municipaux des communes membres intéressées, en tenant compte du rapport de la Clect).
Seul le coût des dépenses d'investissement liées au renouvellement des équipements transférés peut être imputé à cette "attribution de compensation d’investissement". Les dépenses d'entretien et les frais financiers liés aux équipements ne peuvent donc pas y être inclus.
Ces nouvelles dispositions ne sont applicables que pour les transferts de charges effectifs à compter du 1er janvier 2017, un rapport émanant de la Clect étant nécessaire pour que l’organe délibérant de l’EPCI puisse mettre en œuvre ces nouvelles dispositions.

Quelques remarques
• L’épargne brute dégagée par la section de fonctionnement est utilisée en priorité à rembourser le capital emprunté par la commune. Le surplus (l’épargne nette) a vocation à financer les investissements prévus par la collectivité. Le nouveau dispositif n’est utile à une commune que si celle-ci a des emprunts à rembourser ou si elle souhaite favoriser l’autofinancement d’un projet liée aux compétences conservées. Ainsi, à l'occasion d'un nouveau transfert de compétences, au lieu de voir baisser son attribution de compensation en fonctionnement, la commune pourrait plutôt choisir de verser une "attribution de compensation d'investissement" à l'EPCI qui correspondrait au cout des dépenses d'investissement transférées.
• Le choix d’une attribution de compensation d’investissement sera d’autant plus pertinent que le transfert de compétences comporte un coût de dépenses d'investissement liées au renouvellement des équipements importants (exemple : transfert de la compétence voirie ou eau et assainissement…).
• Bien que ce dispositif ne soit en général envisagé qu’en cas d’attribution de compensation positive, il peut tout à fait être utilisé pour des attributions de compensation négatives.
• Enfin, avant de recourir à ce dispositif, les collectivités auront intérêt à bien prendre en compte les transferts de compétences qu’ils envisagent dans un avenir proche car le dispositif étant dérogatoire le mécanisme du 1 bis du V de l’article 1609 nonies C du CGI devra être mis en œuvre à chaque transfert.
 

Références juridiques :
Alinéas 4 et 5 du IV de l’article 1609 noniès C du CGI (ce IV concerne la CLECT6 et ses travaux).
Art 183 de la LOI n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
Article 81 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.
"Ces délibérations peuvent prévoir d'imputer une partie du montant de l'attribution de compensation en section d'investissement en tenant compte du coût des dépenses d'investissement liées au renouvellement des équipements transférés, calculé par la commission locale d'évaluation des transferts de charges conformément au cinquième alinéa du IV"
Rapport n° 214 (2016-2017) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances, déposé le 13 décembre 2016, article 26 quinquies. 

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