Commande publique - Prestations supplémentaires du maître d'oeuvre : rémunération possible même sans avenant
Dans un arrêt du 10 février 2014, le Conseil d'Etat rappelle et précise les conditions permettant au maître d'oeuvre d'obtenir le paiement de missions ou de prestations supplémentaires... même sans avenant.
Dans les faits, l'office public de l'habitat du Pas-de-Calais avait confié la maîtrise d'oeuvre d'une opération de construction à un groupement d'entreprises dont une société d'architecture était le mandataire. Celle-ci a saisi le tribunal administratif de Lille pour être rémunérée, en complément du solde déjà accepté dans le projet de décompte final par l'office public, des travaux de maîtrise d'oeuvre effectués en plus des prestations prévues au marché. Sa requête a été rejetée par le tribunal administratif et par la Cour d'appel, qui ont considéré que les travaux supplémentaires ne pouvaient faire l'objet d'une rémunération par le maître d'ouvrage en l'absence d'avenant ou de décision à portée contractuelle.
Le maître d'oeuvre peut-il obtenir une rémunération pour des prestations supplémentaires alors même qu'aucun avenant n'a été conclu entre lui et la personne publique ?
Sur le pourvoi formé par la société d'architecture, le Conseil d'Etat casse l'arrêt de la Cour d'appel en rappelant les modalités de rémunération du maître d'oeuvre en cas de prestations supplémentaires décidés par le maître d'ouvrage. Celles-ci sont prévues à l'article 9 de la loi du 12 juillet 1985 et prévoient notamment qu'"en cas de modification de programme ou de prestations décidées par le maître d'ouvrage, le contrat de maîtrise d'oeuvre fait l'objet d'un avenant qui [...] arrête le coût prévisionnel des travaux concernés par cette modification [...] et adapte en conséquence la rémunération du maître d'oeuvre et les modalités de son engagement sur le coût prévisionnel". Toutefois, l'adaptation de la rémunération du maître d'oeuvre peut se faire sans avenant. En effet, pour les missions et prestations décidées par le maître d'ouvrage, "le droit du maître d'oeuvre à l'augmentation de sa rémunération est uniquement subordonné à l'existence de prestations supplémentaires de maîtrise d'oeuvre utiles à l'exécution des modifications décidées par le maître de l'ouvrage". La Haute Juridiction précise ensuite que dans ce cas, "ce droit n'est subordonné ni à l'intervention de l'avenant qui doit normalement être signé [...], ni même, à défaut d'avenant, à celle par laquelle le maître d'ouvrage donnerait son accord sur un nouveau montant de rémunération".
En l'espèce, les juges de cassation ont remarqué que les prestations supplémentaires étaient bien la conséquence d'une modification du programme de travaux décidée par le maître d'ouvrage. La cour d'appel qui avait constaté que la modification du programme était intervenue sur décision du maître d'ouvrage a donc commis une erreur de droit en exigeant de la part de ce dernier son accord sur le montant de la nouvelle rémunération par voie d'avenant. Ainsi, lorsque le maître de l'ouvrage décide de procéder à des modifications de programme ou de prestations, l'augmentation de la rémunération du maître d'oeuvre ne nécessite pas la signature d'un avenant.
L'Apasp
Référence : Conseil d'Etat, 10 février 2014, n°365828