Prévention des feux de forêt : le texte s’enrichit en commission à l’Assemblée

La proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie entame son parcours à l’Assemblée nationale ce 15 mai. Son passage en commission a d’ores et déjà permis de conforter les mesures de ce texte qui ambitionne de mieux réguler les interfaces forêt-zones urbaines, et mobilise plusieurs leviers pour mieux appliquer les obligations de débroussaillement.

La proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, traduction dun rapport dinformation sénatorial, a fait son entrée dans lhémicycle de l'Assemblée nationale, ce 15 mai, après son adoption à lunanimité par le Sénat début avril (voir notre article du 5 avril 2023). Dans lintervalle, le gouvernement a de son côté détaillé dans une instruction sa stratégie nationale de lutte contre les feux de forêt pour l'été 2023.

Le travail en commission a validé lessentiel du texte, tout en y apportant des compléments notamment à travers une batterie darticles additionnels sur les obligations légales de débroussaillement (OLD) pour améliorer les possibilités den mutualiser la prise en charge ou régler les superpositions. "Les engagements de l’État ne suffiront pas pour répondre à cette grande cause de la protection de la forêt et de sa biodiversité", a relevé la rapporteure de la commission des affaires économiques (saisie au fond), Sophie Panonacle, insistant sur la nécessité de contribuer "chacun, à son niveau, notamment les particuliers riverains des forêts, les propriétaires forestiers et les communes forestières". Trois autres commissions étaient saisies pour avis : développement durable et aménagement du territoire (titres Ier, IV et VI), lois (titre VII) et finances (titre VIII et articles 20 et 20 bis).

  • Une stratégie nationale de défense contre les incendies

Tel est lobjet du titre Ier (articles 1er à 7 ter). Elle sera élaborée après "avis", et non après simple concertation, des personnes qui y contribuent (dont des représentants des collectivités)a tenu à préciser la commission, qui y inclut le ministère chargé de lurbanisme, "dans la mesure où de nombreux feux de forêt naissent à proximité dhabitations ou les menacent lorsquils se développent".

Un amendement de la députée Chantal Jourdan (SOC) ajoute que cette stratégie "dresse un état des lieux des moyens humains et financiers disponibles et mobilisables sur lensemble du territoire pour prévenir et lutter contre lintensification et lextension du risque incendie".

À larticle 2, un autre amendement défendu par le député Dino Cinieri (LR) permet à tout département qui le souhaiterait de figurer sur la liste des territoires particulièrement exposés au risque dincendie, sil lestime pertinent. Un nouvel article 2 bis étend en outre aux départements particulièrement exposés au risque dincendie la possibilité de constituer des associations syndicales libres de propriétaires. Lautorité administrative disposera de la faculté de faire procéder par cette association aux travaux quelle arrête.

À l'article 3, le texte précise que le plan de protection des forêts contre les incendies dans un département dont les bois et forêts sont classés à risque est élaboré "dans les deux ans qui suivent son classement". Lobligation, introduite par le Sénat, de prendre en compte le SDACR (schéma départemental danalyse et de couverture des risques) dans le rapport de présentation du plan local durbanisme (PLU) a quant à elle été retranchée du texte (art. 5). Tout comme larticle 7 bis visant à prendre en compte les besoins de la sécurité civile dans la politique de gestion de leau, jugé "redondant".

On relève lajout dun article 5 bis permettant le transfert par les maires de la compétence de règlement en manière de défense extérieure contre lincendie à des groupements de collectivités. Lunanimité des maires n’étant pas requise dans cette procédure.

Un nouvel article 6 bis prévoit un rapport du gouvernement sur lextension à lensemble du territoire des compétences de l’établissement public situé sur le domaine de Valabre à Gardanne (Bouches-du-Rhône). Un pôle dexcellence qui concerne actuellement quinze départements, quinze Sdis et la collectivité territoriale de Corse.

À larticle 7 ter sur la prise en compte du risque incendie par la stratégie nationale des aires protégées, lidée portée par le Sénat est globalement reprise, mais en énumérant précisément les aires protégées entrant dans le champ de larticle et les documents établis pour ces aires qui doivent tenir compte du risque dincendie.

  • Des obligations légales de débroussaillement renforcées

Cest une des mesures phares du titre II (articles 8 à 14). La commission a donc dans lensemble conservé le dispositif sans le modifier. Cest le cas de larticle 8 qui prévoit une annexion plus systématique des OLD aux documents durbanisme, afin daméliorer leur articulation avec les autres obligations de construction. Cest aussi le cas des articles 9 (subordonne la mutation dun terrain concerné par une OLD au respect de cette obligation) et 9 bis A (intégration des OLD à linformation acquéreur locataire) ou sagissant dalourdir les sanctions en cas de non-respect des OLD (art. 9 bis).

Il existe néanmoins de véritables difficultés dapplication des OLD, qui ne fonctionnent pas comme les autres obligations durbanisme, en ce quelles exigent des propriétaires quils interviennent sur les parcelles voisines. Larticle 8 bis introduit au Sénat a été partiellement réécrit (cas de superposition dobligations résultant dune infrastructure routière ou ferrée et dune autre installation), principalement pour en prévoir une entrée en vigueur différée, à partir du 1er octobre 2023. Un nouvel article 8 ter a été introduit pour répartir la charge en cas de superposition des obligations de débroussaillement sur la parcelle dun tiers non soumis à lobligation. Chaque obligé débroussaillera les parties de la tierce parcelle les plus proches des limites de sa propre propriété.

Un nouvel article 8 quater A facilite également la mutualisation des obligations en créant une procédure daccord simplifié pour la réalisation des travaux sur la parcelle dun tiers, et en substituant, à la demande préalable des propriétaires, leur accord pour la réalisation des obligations par les communes, les EPCI et les syndicats mixtes.

L'article 8 quinquies A nouveau explicite quant à lui le statut dintérêt général des travaux de débroussaillement, dont un arrêté ministériel fixe larticulation avec les principes de la biodiversité. Des clarifications sont en outre apportées à larticulation juridique entre le débroussaillement, le défrichement et la coupe de bois (article 8 quinquies B nouveau).

Un nouvel article 8 sexies ajoute par ailleurs les groupements de communes et les syndicats mixtes à la liste des établissements qui ont la faculté de procéder aux travaux de débroussaillement doffice en cas de non-exécution par le propriétaire.

À larticle article 8 quinquies, la commission a intégré des règles de débroussaillement spécifiques pour les sites Seveso (amendement LFI-Nupes).

Par souci de simplification, un nouvel article 9 bis B supprime lobligation de notification préalable un mois avant le contrôle de la mise en oeuvre des OLD par le maire, "qui rend concrètement difficiles et chronophages les opérations de contrôle". Et un article additionnel 9 ter rend possible en la matière le recours à des drones par des agents assermentés des collectivités.

La commission a en revanche supprimé le crédit dimpôt à destination des personnes physiques pour les dépenses engagées pour des travaux de débroussaillement (art. 10). Elle a aussi retranché du texte larticle 11 sur la création dune surfranchise dassurance en cas de non-respect des OLD.

  • Création dune procédure didentification de zones de danger

La procédure de modification simplifiée des plans de prévention des risques naturels en matière dincendie de forêt (PPRif) a été complètement revue (art.12). En cause la lenteur d’élaboration de ces documents (seuls 206 PPRif ont été élaborés en vingt ans). La commission a entre autres estimé que l’établissement dune liste de communes dont lexposition au risque dincendie rend nécessaire ladoption dun PPRif "ne semblait pas réaliste".

Elle en a donc proposé sa suppression afin de privilégier une procédure intermédiaire "plus souple" à larticle 13. Cet article prévoit désormais une procédure simplifiée d’élaboration de zones de danger, à l’échelle des communes, afin dintégrer des servitudes durbanisme adaptées au risque dincendie de forêt sans passer par la création dun PPRif.

Également supprimée (à lart. 14) la faculté pour le règlement des PLU de définir des secteurs dans lequel il impose des prescriptions techniques relatives à la résistance des bâtiments aux incendies de forêt. Une telle disposition aurait eu pour effet de faire "porter au maire une part de responsabilité qui incombe à l'Etat". Larticle 14 bis visant à associer les acteurs en charge de la défense des forêts contre lincendie à l’élaboration des SCoT et des PLU dans les communes particulièrement exposées a lui aussi été supprimé, au motif quil serait "de nature à complexifier les procédures existantes et accroitre les motifs de recours".

  • Consacrer le rôle préventif des forestiers et des agriculteurs

Au titre III (articles 15 à 19), le texte ajoute la transmission du schéma régional de gestion sylvicole (SRGS) au service départemental dincendie et de secours compétent (art. 15).

La commission des finances a supprimé les deux derniers articles du titre : larticle 20 - sur la pérennisation et l'élargissement du dispositif dencouragement fiscal à linvestissement en forêt (DEFI forêt- considérant que la loi de finances pour 2023 avait déjà significativement révisé le cadre applicable à ce dispositif ; et larticle 20 bis qui tendait à proroger un taux réduit de TVA à hauteur de 10% concernant certains travaux agricoles.

Le titre IV (article 21 à 24), dont la proposition essentielle est dinstaurer un nouveau droit de préemption "DFCI" des parcelles forestières sans document de gestion durable au bénéfice des communes (art. 22), a peu évolué. La commission en a toutefois clarifié la porté. La nouvelle rédaction hôte la hiérarchie entre le droit de préemption motivé par la contiguïté avec sa forêt communale avec le droit de préemption lorsquil est motivé par labsence de gestion conforme à un document de gestion durable. A larticle 24, la cartographie des "points deau" est ajoutée en sus des pistes DFIC et voies de desserte forestière.

Le texte repositionne aussi l’échelle d’élaboration de la carte au niveau des départements. Cette cartographie départementale sera mise à disposition gratuitement "et librement" "sur un portail national commun au plus tard au 1er janvier 2026".

Au titre V (articles 25 à 29), larticle 25 a été entièrement revu pour maintenir un contrôle a priori pour les opérations de défrichement qui sinscrivent dans le cadre dun contrat de mise en valeur agricole ou pastorale ayant pour effet un renforcement de la défense des forêts contre les incendies.

  • Sensibiliser les populations au risque incendie

Au titre VI (articles 30 et 31), la portée de lobligation légale par rapport à lobjectif de sensibilisation au risque dincendie qui simpose à l’éco-organisme agréé de la filière "REP mégots", Alcome, y est davantage précisée. La commission a également ajouté le versement par la filière dune redevance visant à supporter tout ou partie du coût de ces actions de communication. Le texte rend aussi obligatoire, au sein des collèges, à compter de la rentrée scolaire de 2023, la participation à une journée nationale de sensibilisation à la sécurité civile (nouvel article 30 ter ).

Au titre VII (articles 32 à 34 ter), qui prévoit d’équiper la lutte incendie à la hauteur du risque, l'article 32 prévoit dexonérer totalement du paiement de laccise sur lessence et les gazoles, cest-à-dire lancienne taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), lensemble des véhicules des Sdis. Sur le dispositif dexonération de cotisations des employeurs en contrepartie de la mise à disposition de leurs salariés sapeurs-pompiers volontaires au profit des Sdis (art. 34), la commission a prévu la remise par le gouvernement dun rapport d’évaluation. Un nouvel article 34 ter prévoit également la remise dun rapport du gouvernement sur les coupes tactiques.

Enfin au titre VIII (articles 35 A à 37), qui vise à financer la reconstitution de forêts plus résilientes après lincendie, un article additionnel consacre la défense des forêts contre les incendies parmi les orientations générales auxquelles l’État veille dans le cadre de sa politique forestière et des financements de celle-ci (art. 35 A nouveau).