Commande publique - Procédure négociée : la nécessaire réponse au candidat évincé
Dans un arrêt du 29 mai 2013, le Conseil d'Etat rappelle que dans le cadre d'une procédure négociée, le pouvoir adjudicateur est tenu de communiquer au candidat évincé les caractéristiques et les avantages relatifs à l'offre de l'entreprise retenue dès qu'une demande en ce sens lui est adressée. Si l'affaire concerne un marché de l'Etat, la solution est, quant à elle, facilement transposable aux collectivités locales.
A la demande d'une société dont l'offre a été rejetée, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a annulé une procédure négociée de passation d'un marché public de prestation de maintenance des hélicoptères de l'armée française. Le pouvoir adjudicateur n'avait pas communiqué à la société évincée les caractéristiques de l'offre retenue "postérieurement au choix de l'attributaire du marché" et avant la signature du contrat, alors que la société évincée en avait fait la demande conformément à l'article 255 du Code des marchés publics (CMP). En l'occurrence, les caractéristiques demandées correspondaient au montant global et aux délais d'exécution de l'offre de la société attributaire du marché. Le ministre de la Défense saisit alors le Conseil d'Etat.
Sans pour autant statuer sur le litige, une décision de la Haute Juridiction en date du 11 mars 2013 demandait au ministre de communiquer ces informations à la société évincée, "sauf à établir qu'une telle communication porterait atteinte au secret des affaires". Le pouvoir adjudicateur a confirmé son refus et n'a pas souhaité communiquer ces deux informations. Cette communication aurait, selon lui, donné à la société "un avantage compétitif de nature à nuire à la loyauté de la concurrence, dans l'hypothèse où la procédure litigieuse serait annulée par le Conseil d'Etat ou serait déclarée sans suite pour motif d'intérêt général et où une nouvelle procédure de passation du marché serait engagée". La Haute Juridiction censure alors ce raisonnement.
L'article 255 du CMP reprend textuellement, pour les marchés de défense ou de sécurité, les dispositions figurant à l'article 83 du même code. Cet article impose à l'acheteur public de donner, à tout candidat écarté qui n'a pas été informé du rejet de sa candidature ou de son offre et qui en fait la demande, les motifs de ce rejet. L'article prévoit par ailleurs que l'acheteur est tenu de lui communiquer les caractéristiques de l'offre retenue.
Dans l'affaire qui lui est soumise, le Conseil d'Etat a considéré que cette communication ne portait atteinte ni au secret des affaires ni à la loyauté de la concurrence voire même dans l'hypothèse où il annulerait la procédure de passation. La Haute Juridiction rappelle ainsi l'importance de communiquer au candidat évincé qui en fait la demande, au stade de l'examen des offres, les caractéristiques de l'offre retenue. Lorsqu'il n'y procède pas, l'acheteur public manque à ses obligations de publicité et de mise en concurrence et la procédure de passation du marché risque d'être annulée si le manquement a lésé le candidat évincé.
L'Apasp
Références : Conseil d'Etat 29 mai 2013 n°364827 , Conseil d'Etat 11 mars 2013 n °364827, Conseil d'Etat 11 avril 2012 n° 355564.
Quelle est la portée de l'obligation d'information de l'article 83 du Code des marchés publics ?
L'alinéa 2 de l'article 83 du Code des marchés publics prévoit que "si le candidat a vu son offre écartée alors qu'elle n'était aux termes de l'article 35 ni inappropriée, ni irrégulière, ni inacceptable, le pouvoir adjudicateur est en outre tenu de lui communiquer les caractéristiques et les avantages relatifs de l'offre retenue ainsi que le nom du ou des attributaires du marché ou de l'accord-cadre". Cette communication permet ainsi au candidat écarté de contester utilement le rejet dont il fait l'objet.
Par dérogation, l'acheteur public n'a pas à communiquer ces informations lorsqu'elles sont susceptibles de porter atteinte à un secret protégé par la loi, à l'intérêt public ou à la concurrence loyale entre entreprises.
A noter toutefois que cette obligation ne concerne que le candidat dont l'offre a été jugée recevable même si elle est finalement écartée. Dans un arrêt du 11 avril 2012, le Conseil d'Etat a ainsi considéré qu'il n'y avait aucune obligation pour l'acheteur public de communiquer ces informations à l'entreprise évincée au stade de la candidature. Une entreprise dont la candidature est rejetée ne peut donc pas invoquer un manquement aux obligations de mise en concurrence et de publicité de l'acheteur public lorsque celui-ci ne lui notifie pas les caractéristiques de l'offre de l'entreprise attributaire du marché.