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Enfance - Professionnels de la petite enfance : un plan pour fonder une "identité commune"

Sur la base du rapport Giampino remis en mai dernier, Laurence Rossignol a présenté le 15 novembre un nouveau "Plan d'action pour la petite enfance" qui entend notamment apporter un cadre commun à tous les professionnels de l'accueil des jeunes enfants - accueil collectif ou individuel -, refondre et rapprocher les formations et les diplômes, faciliter l'application des normes... Le tout en partant d'une "réflexion globale sur les besoins de l'enfant".

Un "Plan d'action pour la petite enfance". Un énième plan de créations de places ? Non, car là-dessus, l'idée est bien de rester calé sur la trajectoire tracée par la convention d'objectifs et de gestion (COG) de la Cnaf et sur "les objectifs quantitatifs du quinquennat" - des objectifs qui, assure la ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes, "ont été tenus". "Les budgets ont augmenté tout au long du quinquennat. L'argent, il est là - dans les crédits du Fnas [fonds national d'action sociale de la Cnaf], dans les fonds formation…", poursuit Laurence Rossignol.
Le plan que celle-ci a présenté le 15 novembre en ouverture d'un colloque de la Drees ("Regards croisés sur les modes d'accueil des jeunes enfants") entend quant à lui répondre à "des objectifs qualitatifs". Et à des questions de fond. "Quelle est la philosophie d'accueil du jeune enfant ? L'accueil du jeune enfant, ce n'est naturellement pas que de la garde d'enfants", résume la ministre. "Pour la première fois, nous sommes partis d'une réflexion globale sur les besoins de l'enfant, ce qui ouvre des champs nouveaux pour les professionnels", assure-t-elle. Ce plan "poursuit l'adaptation des modes d'accueil aux évolutions de notre société avec, pour fil conducteur, la prise en compte du meilleur intérêt de l'enfant", confirme le ministère dans son document de présentation du plan.

Un premier bilan dès janvier prochain

Il s'agit en fait de la mise en œuvre d'une partie des préconisations du rapport de Sylviane Giampino, psychanalyste et psychologue de la petite enfance, remis en mai dernier. Ce rapport intitulé "Développement du jeune enfant, modes d'accueil et formation des professionnels" comptait pas moins de 108 propositions, dont quelques-unes n'hésitaient pas à remettre en question certaines postures réputées acquises (voir notre article du 11 mai, "Rapport Giampino sur la petite enfance : et si on bousculait un peu la routine ?", avec lien vers le rapport et les documents associés). Y compris par exemple en regrettant que "certaines crèches ressemblent aux écoles maternelles" et en mettant à ce titre en cause des notions telles que l'"environnement stimulant" ou la "compétence" des jeunes enfants.
Parmi les propositions saillantes du rapport figurait celle de "constituer une base commune pour former les professionnels de l'accueil de la petite enfance, ce qui devrait à la fois renforcer le sentiment d'appartenance à une même profession et favoriser à terme les mobilités professionnelles". Cette idée figure effectivement en bonne place dans le plan présenté par Laurence Rossignol et en constitue même l'ossature. La ministre insiste sur ce point : "Il s'agit de poser les fondations d'une identité commune des professionnels de la petite enfance."
Le plan a été organisé en trois objectifs et seize axes. Les objectifs : "définir un cadre commun à l'accueil des jeunes enfants", "promouvoir le développement d'un accueil de qualité, ouvert, réflexif, pluridisciplinaire et sans stéréotypes", "permettre une formation des professionnels mieux adaptée aux enjeux de notre société". "Certaines des mesures sont déjà engagées et le plan vient les rassembler", a précisé Laurence Rossignol à la presse, en faisant savoir qu'"un premier bilan sera fait en janvier 2017" afin notamment de "voir comment le plan se diffuse" auprès des acteurs. "Pour qu'une politique publique fonctionne, il faut que les professionnels se l'approprient", ajoute-t-elle.

Texte-cadre, charte, guide...

La définition d'un "cadre commun" se traduira concrètement par un "texte-cadre national" qui définir les grands principes de l'accueil du jeune enfant pour tous les acteurs du secteur. Une "charte nationale" sera en outre adossée à ce texte-cadre dont la rédaction sera finalisée par la formation "enfance" du futur Haut-Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (voir notre article du 28 octobre sur le décret mettant en place ce haut-conseil) et dont la diffusion est prévue pour le début de l'année prochaine. Début 2017 également, une première "journée nationale des professionnels de la petite enfance" sera organisée.
Autre document important en préparation : un "Guide national des normes d'accueil du jeune enfant". Il ne s'agit visiblement pas de venir ajouter une couche aux multiples normes applicables dans le secteur mais bien plutôt, reprenant directement l'une des préconisations du rapport Giampino, de clarifier ces normes et de les rendre accessibles. "Les règles de conception, de fonctionnement et d'organisation des établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE) sont complexes et nombreuses, ce qui nuit à leur application homogène par les services de terrain compétents. Il est nécessaire de les réunir en une synthèse, en délimitant l'obligatoire de ce qui n'est que recommandé, et de mettre en valeur les interprétations et pratiques respectueuses tant de l'accueil de l'enfant que de la qualité de vie au travail des professionnels", explique le ministère. Un groupe de travail planche actuellement sur le sujet en vue de ce guide qui sera destiné aux services de PMI, mais aussi aux gestionnaires, agents et porteurs de projets.

Refonte des trois diplômes

La volonté d'améliorer les "passerelles" entre accueil collectif et accueil individuel est un élément structurant du plan, en notant que celui-ci évoque aussi les passerelles entre EAJE et école maternelle, sur la base de certaines bonnes pratiques qui existent déjà localement.
Cette volonté se retrouve notamment sur l'axe de la formation : constitution d'un tronc commun aux formations des professionnels de la petite enfance, amélioration des passerelles entre les diplômes (CAP Petite Enfance, auxiliaire de puériculture, éducateurs de jeunes enfants) et refonte de chacun de ces trois diplômes. Le tronc commun sera prêt dès la rentrée de septembre 2017 pour le CAP petite enfance et le diplôme d'auxiliaire, et le sera un an plus tard pour les éducateurs de jeunes enfants.
En plus de rénover les diplômes, il est aussi question, tout simplement, d'accroître l'offre de formation. Le ministère doit pour cela travailler avec les régions. Chacune d'elles devrait ainsi recevoir une synthèse des besoins de professionnels sur le territoire régional, élaborée à partir des données contenues dans les schémas départementaux des services aux familles (sur ces schémas, voir entre autres notre article de janvier 2015). A ce jour, 65 schémas départementaux ont été signés, précise l'entourage de la ministre.
S'agissant de la formation des assistantes maternelles, le ministère rappelle qu'un accord-cadre d'engagement de développement de l'emploi et des compétences (Edec) été signé en février 2015 pour le volet privé de la prise en charge de la petite enfance (dont les particuliers employeurs d'assistants maternels ou de gardes à domicile – voir notre article du 19 février 2015) et qu'un autre accord est en cours de négociation avec le CNFPT pour le secteur public. De nouvelles actions sont aujourd'hui prévues : création d'un "livret de professionnalisation", généralisation du "projet d'accueil" (document pédagogique qui organise le travail de l'assistante maternelle), élargissement des missions des relais d'assistantes maternelles (RAM) et poursuite du développement des maisons d'assistantes maternelles (MAM).

Une réforme des modes de financements envisagée

Lors de son allocution d'ouverture, Laurence Rossignol s'est d'ailleurs pas mal attardée sur les MAM, rappelant la création d'une aide au démarrage (voir notre article du 16 avril 2016) et la diffusion d'un guide (voir notre article du 7 avril 2016) et considérant qu'il "s'agit d'une solution pour les territoires ruraux à faible densité de population et dans lesquels il n'existe pas d'alternative". "Je crois ainsi beaucoup en ce mode d'accueil", a-t-elle déclaré. Plus globalement, la ministre constate un intérêt croissant des collectivités, notamment en milieu rural ou périurbain, pour des structures de type nouveau, qu'il s'agisse de MAM ou d'autres formules telles que les haltes-garderies ou les structures multi-accueil.
Elle s'est en revanche montrée perplexe face à "certaines collectivités qui font le choix politique de ne pas ouvrir de nouvelles places de crèche". La "dynamique" de créations de places "pourrait être encore accélérée si les collectivités se saisissaient pleinement des aides que l'Etat et la Cnaf mettent à leur disposition, en particulier l'aide supplémentaire versée aux gestionnaires et collectivités territoriales pour toute place de crèche créée depuis 2015 et reconduite en 2016."
Sur le volet financement, au-delà de la simplification des contrats enfance jeunesse expérimentée sur certains territoires, les modalités actuelles de financement des EAJE vont être réinterrogées dans le cadre de la préparation de la COG 2018-2022 de la Cnaf pour "voir si elles sont toujours adaptées"... et donc, éventuellement, les modifier.
L'Union nationale des associations familiales (Unaf) a apporté son soutien à ce plan d'action, tout en regrettant dans un communiqué que le nombre de places ne suffise pas à couvrir les besoins des familles. Les objectifs de 275.000 solutions de garde supplémentaires sur le quinquennat "sont à présent inatteignables", a jugé l'Unaf. Difficile, apparemment, d'échapper à la dimension quantitative.

 

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