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Projet de loi Alimentation : Stéphane Travert précise ses intentions

Avant de démarrer l'examen du projet de loi sur l'agriculture et l'alimentation, la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a reçu le 11 avril le ministre de l'Agriculture pour une discussion générale. L'occasion pour les députés de demander des clarifications sur les intentions du gouvernement et de préciser leurs propres attentes sur le texte.  

Le projet de loi "pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable" a entamé son parcours à l'Assemblée nationale. Après un passage pour avis à la commission du développement durable, le texte sera examiné à partir du 17 avril par la commission des affaires économiques. Cette dernière a reçu le 11 avril Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture, pour une discussion générale sur le projet de loi. L'occasion pour les députés de tout bord de tenter d'obtenir des clarifications sur les intentions du gouvernement. Avant d'attaquer l'examen la semaine prochaine d'au moins 800 amendements.
"Nous sommes réunis ici non pas pour mettre en œuvre de simples ajustements techniques mais pour opérer un changement de paradigme", a d'emblée annoncé le ministre de l'Agriculture. "Ma priorité, c'est bien ici de redonner aux agriculteurs le juste prix de leur production et la visibilité indispensable à tout entrepreneur." Le premier objectif du projet de loi, celui de garantir aux producteurs la juste rémunération de leur travail, a ainsi été présenté comme le plus important, celui dont dépend tout le reste. "Un agriculteur sur deux a perçu un revenu inférieur à 350 euros nets par mois en 2016, c'est-à-dire à peu près un tiers du seuil de pauvreté", a énoncé Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques, en préambule de la discussion. Sans revenu décent, il n'y aura pas d'avenir pour notre agriculture : le constat met tout le monde d'accord.

Regroupements de producteurs, "dynamisation du cartel" des centrales d'achats... Quelles conditions pour rééquilibrer les relations commerciales ? 

Si l'objectif est clair, les outils proposés pour parvenir à des résultats seront-ils suffisants ? Pour que les prix payés aux agriculteurs soient reconnectés aux coûts de production, le texte prévoit à ce stade des mécanismes visant à encadrer les promotions dans la distribution et un seuil de revente à perte relevé à 10%. Stéphane Travert veut croire que les distributeurs utiliseront ces marges pour augmenter les prix payés à leurs fournisseurs, agriculteurs et PME de l'agro-alimentaire. Ils honoreraient ainsi leurs engagements pris le 14 novembre dernier lors de la signature de la charte d'engagement "pour une relance de la création de valeur et pour son équitable répartition au sein des filières agroalimentaires françaises" – charte signée par les acteurs de la production, de la coopération agricole, des entreprises de l’alimentaire et de la distribution. "Ce projet de loi", c'est "le respect de la parole donnée", pour le ministre de l'Agriculture. "Si chacun des acteurs prend demain ses responsabilités, (…) cette loi sera efficace et opérationnelle. Elle ne laissera pas la place aux interprétations en ce qui concerne la répartition de la valeur créée", a-t-il ajouté.
Concrètement, pour que la contractualisation soit plus équitable, les producteurs sont encouragés à se regrouper. Les possibilités de regroupement ont été étendues par l'adoption, en décembre dernier, du règlement européen "omnibus" qui autorise les organisations de producteurs dans tous les secteurs. C'est la seule vraie nouveauté, de l'avis du député Daniel Fasquelle (LR, Pas-de-Calais), qui ne s'est pas montré très optimiste sur la portée des autres mesures. Pour Thierry Benoit (UDI, Ille-et-Vilaine) et Charles de Courson (UDI, Marne), le vrai changement serait de parvenir à "dynamiter" le cartel des quatre grandes centrales d'achats ; le rééquilibrage des relations commerciales est à cette condition, pour ces députés qui portaient déjà un amendement sur ce thème en 2016. Le ministre de l'Agriculture s'est dit prêt à y réfléchir, tout en prévenant que le dossier ne pourrait être abordé qu'à l'échelle européenne.

Alimentation de qualité, restauration collective : la commission du développement durable propose de relever le niveau d'exigence  

Concernant le second volet du texte, le titre II visant à favoriser "une alimentation saine, de qualité et durable", deux camps semblent se faire face parmi les députés. D'un côté, ceux qui redoutent un "accablement" supplémentaire des agriculteurs par de nouvelles normes et contraintes. De l'autre, ceux qui appellent à relever les exigences de qualité au nom de la santé et de l'environnement. A l'instar des députés de la commission du développement durable, qui ont adopté une centaine d'amendements dont beaucoup visent à renforcer l'ambition du texte en la matière. Plusieurs ont trait à la restauration collective : "fixer dans la loi les taux précis de 20% de produits bio et de 30% de produits de qualité entrant dans la composition des repas" ou encore moduler la dotation globale de fonctionnement des collectivités en fonction des efforts réalisés dans les établissements dont ils ont la charge – écoles et crèches notamment. Parmi les autres propositions énumérées par Laurence Maillart-Méhaignerie (LREM, Ille-et-Vilaine), rapporteur pour avis, citons l'interdiction des contenants plastiques dans la restauration collective, l'insertion dans le code rural de l'objectif de 15% des surfaces agricoles utiles en bio ou encore la "possibilité d'un rôle de chef de file pour les régions en matière de projets alimentaires territoriaux".
Il importe d'"encourager" plutôt que de "contraindre les collectivités territoriales sur la restauration collective", a réagi Jérôme Nury (LR, Orne), pendant que plusieurs de ses collègues de la commission des affaires économiques réclamaient des mesures de simplification pour les agriculteurs. Un troisième titre sera ajouté sur la simplification, a assuré Jean-Baptiste Moreau (LREM, Creuse), rapporteur du texte. 
Avec les articles 11 du projet de loi initial (objectif de 50% de produits bio, locaux ou sous signes de qualité dans la restauration collective publique d'ici 2022), les 12 et 15 (diagnostic obligatoire sur le gaspillage alimentaire et extension à la restauration collective et à l'industrie agro-alimentaire du don alimentaire), le gouvernement est pour le moment sur une position médiane.

 

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