Projet de loi d’accélération des EnR : attention à ne pas franchir la ligne rouge, préviennent les associations d'élus

Consultés par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, les représentants des associations d’élus locaux ont alerté les parlementaires ce 28 septembre sur les nécessaires coopération et concertation de l’État avec les élus locaux et les citoyens pour que le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables puisse répondre au double défi de l’acceptabilité et de l’attractivité des projets d’énergie renouvelable (EnR) qu’il s’est fixé.

"Alors que nous sommes presque à mi-mandat, on a le sentiment que l’on a commencé ce dernier dans une époque et qu’on le terminera dans une autre. Nous n’assistons plus à une crise, mais à un changement d’époque." C’est ainsi que Jean Revereault, vice-président d’Intercommunalités de France, chargé des transitions écologiques, a posé le débat lors d’une table-ronde organisée par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, le 28 septembre, avec les représentants des élus locaux, sur le thème "Transitions énergétiques et territoires". Et l’élu d’ajouter : "On n’a pas envie de devenir fou, au sens que lui donnait Einstein, c’est-à-dire d’avoir toujours le même comportement en espérant des résultats différents. Il faut faire très différemment de ce qu’on a pu faire par le passé."

Projet de loi accélération des EnR : des avancées…

Faire différemment, c’est notamment l’objet du projet de loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables (voir notre article du 26 septembre), qui a naturellement pris une place de choix dans les débats. Des avancées ont été saluées. Alain Leboeuf, président du groupe de travail sur les énergies renouvelables de Départements de France, y range notamment "l’indispensable mise en compatibilité des documents d’urbanisme" (art. 3), l’obligation qui sera faite au juge de permettre une régularisation de l’illégalité d’une autorisation environnementale avant de procéder à une éventuelle annulation (art. 5), l’autorisation de l’implantation de panneaux photovoltaïques sur certains espaces en zone littorale (art. 9) – en alertant sur le risque d’exclusion, en l’état du texte, d’autres délaissés intéressants – ou encore l’instauration d’un cadre juridique pour les Power Purchase Agreement (PPA, art. 17 – voir notre article du 1er juillet), en insistant ici sur la nécessité de ne pas oublier les communes. "Celles qui ont investi dans les énergies renouvelables se considèrent aujourd’hui punies comme les autres", souffrant de l’augmentation de l’explosion des prix de l’énergie, "alors qu’elles ont osé investir", déplore-t-il. L’élu regrette d’ailleurs que "l’autoconsommation soit très peu, voire pas du tout, mentionnée dans le projet de loi" et plaide en outre pour que l’on "continue à encourager la filière bio GNV". "Le projet est très orienté tout électrique", ajoute Agnès Langevine, présidente déléguée de la commission Transition écologique et énergétique de Régions de France, en relevant que "la méthanisation, et bien d’autres sources d’énergie, bien mieux acceptées d’ailleurs", ne doivent pas être oubliées.

… mais la nécessité d’associer les citoyens…

La volonté affichée par le texte de "mettre en œuvre un partage territorial de la valeur des énergies renouvelables" est également louée. "Il est extrêmement important qu’il y ait un vrai retour vers les territoires qui portent des projets de développement globaux et qui ne peuvent pas se contenter de voir apparaître des projets qui viennent de l’extérieur sans interaction avec les citoyens. […] Tous les projets qui réussissent sont ceux où les citoyens locaux peuvent mettre leur argent et en retirer des bénéfices, pour leurs territoires et pour eux-mêmes", souligne Jean Revereault, en concluant : "Sinon, cela revient à acheter les consciences". Il insiste ainsi sur la nécessité "de ne pas faire des citoyens un simple spectateur, à une époque où les relations entre ces derniers et la vie collective sont compliquées". "Des citoyens plus que jamais désireux d’être pris en compte", appuie Guy Geoffroy, vice-président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF). Ce dernier met en garde "sur le risque que le texte, s’il n’y a pas de volonté pédagogique très poussée, aille exactement à l’inverse du but recherché. Retirer des éléments de concertation, accorder des dérogations, y compris sur d’autres pans entiers de la volonté environnementale, créerait plus de difficultés que d’avantages", assure-t-il.

… et les élus locaux

Et d’insister encore sur la nécessité que "le projet de texte lui-même soit bien accepté pour que ce qu’il contiendra le soit aussi". Alain Leboeuf se fait plus explicite : "Attention à bien mettre dans le coup les élus locaux pour qu’ils puissent se mouiller et qu’il y ait une acceptabilité bien meilleure que celle d’aujourd’hui", enjoint-il. Il ajoute : "Si territorialisation il doit y avoir, tous les territoires doivent être impliqués, sans oublier l’échelon départemental". Agnès Langevine tient le même discours. Mais déplore d’emblée "que les régions, bien que très engagées, sont peu associées par l’État aux projets de loi, comme en témoigne le projet accélération où la région n’est pas citée une seule fois… On est toujours à la remorque, il n’existe pas encore cette culture de la confiance, alors que les régions mobilisent des fonds très importants", note-t-elle. Guy Geoffroy insiste à son tour sur le besoin de "partir des réalités locales. C’est à partir des PLU [plans locaux d'urbanisme] et des PADD [projets d'aménagement et de développement durable] que cela doit se construire". Et l’élu de mettre en avant "une ligne rouge, qui mettra tout par terre si vous la franchissez : celle qui donne la possibilité à l’État de modifier sans l’accord des collectivités les PLU et en particulier les PADD. Le texte le permet, il ne le faut pas ! Que l’État ait l’initiative de proposer, d’impulser, de sensibiliser pour faire aboutir un projet, personne ne peut le contester. Mais si cela ne se fait pas dans un travail conjoint avec les collectivités concernées, et en accord avec le conseil municipal concerné, nous allons tous dans le mur", prédit-il.

Enfin, les élus se sont également employés à convaincre les parlementaires de l’importance, pour réussir cette accélération des projets, et plus largement "les transitions", de trouver un chemin pour contourner un autre mur, plus effrayant encore, et dont ils estiment se rapprocher à (trop) grande vitesse : celui de la cessation de paiement.