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Projet de loi d'orientation des mobilités : une "boîte à outils" pour la mobilité du quotidien

Maintes fois reporté, le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) a enfin été présenté en conseil des ministres ce 26 novembre. Ce texte, qui vise à améliorer les déplacements du quotidien et à planifier constructions et rénovations d'infrastructures, entend fournir de nouveaux outils aux collectivités pour exercer leurs compétences dans le domaine de la mobilité. 

Élisabeth Borne a présenté ce 26 novembre en conseil des ministres le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM). Initialement annoncée pour le printemps, la présentation du texte a été plusieurs fois retardée, notamment à cause de la réforme ferroviaire. Elle intervient aujourd'hui - comme un simple fait du hasard - au beau milieu du mouvement des "gilets jaunes", amorcé sur un mouvement de protestation contre la hausse de la fiscalité sur les carburants.
Le texte est "un projet de loi visant à améliorer la mobilité du quotidien", a dit la ministre des Transports à l'issue du conseil des ministres. Il doit d'abord, selon elle, permettre de "sortir les zones blanches de la mobilité" pour "apporter partout des solutions pour sortir de la dépendance à la voiture individuelle". "Fruit d’un travail collectif de 18 mois, cette loi est pensée comme une boîte à outils à la disposition de tous les acteurs dont les opérateurs de transports et les collectivités", a commenté un peu plus tard Élisabeth Borne, lors d'un point presse au ministère. "Elle facilitera notamment pour les autorités organisatrices de la mobilité l’intégration dans leurs offres de nouveaux services comme l’autopartage et le covoiturage, a-t-elle ajouté. Elles pourront financer et mettre en œuvre des services de mobilité à caractère social." "L'État ne se contente plus de construire des infrastructures, il assume un rôle de facilitateur qui donne à tous les outils nécessaires pour apporter les meilleures réponses, inventer, innover et améliorer les déplacements quotidiens de nos concitoyens", résume son ministère.

Nouveaux outils pour les collectivités

Le texte comporte 15 mesures phares. Pour commencer, tout le territoire sera couvert par des "autorités organisatrices de la mobilité", intercommunalités ou régions, ces dernières ayant pour mission de coordonner les modes de déplacements sur leur territoire. Elles seront conseillées par des "comités de partenaires" comprenant des usagers et des employeurs. Les collectivités locales pourront subventionner les offres de covoiturage pour en faire une solution de mobilité. La loi leur donnera là aussi la possibilité de mettre en place des voies réservées au covoiturage ou aux véhicules les moins polluants sur les grands axes, autoroutes et périphériques.
Les régions devront veiller à ce qu'il y ait sur tout le territoire des applications donnant toutes les informations sur son trajet et permettant de trouver le meilleur itinéraire, payer son billet, etc. Toutes les données sur les offres disponibles devront être rendues publiques d'ici à 2021.
Le texte prévoit un accompagnement individualisé pour les demandeurs d'emplois et donnera aux collectivités la possibilité de mettre en oeuvre des services de mobilité à caractère social ou de verser des aides individuelles pour des publics ciblés (jeunes, seniors, chômeurs, etc.). Les accompagnateurs de personnes en situation de handicap pourront aussi bénéficier de la gratuité ou de tarifs réduits dans les transports en commun. Un "forfait mobilités durables" - facultatif - d'un montant maximum de 400 euros par an (en franchise d'impôt et de cotisations sociales) sera créé pour que les employeurs puissent encourager les déplacements domicile-travail en vélo ou en covoiturage. À noter, ce forfait remplacera l'indemnité kilométrique vélo dont la mise en œuvre est restée "trop limitée car trop complexe", estime le ministère de la Transition écologique et solidaire. L'État le mettra en place d'ici à 2020 pour ses propres agents, à hauteur de 200 euros par an. Pour Julien Honnart, qui dirige la start-up Klaxit, "l'instauration de ce forfait va donner un intérêt économique, du point de vue du passager covoituré et plus seulement du conducteur, à utiliser ce moyen de transport. Aux entreprises et territoires de s'emparer de ce nouvel outil. Les directions juridiques des collectivités auront besoin d'accompagnement sur le sujet." Le "plan vélo", présenté en septembre dernier, est également intégré dans le projet de LOM. Il prévoit entre autres un fonds de 350 millions d'euros pour aménager des itinéraires cyclables et des mesures contre le vol.

Encadrement des nouveaux engins de déplacement

L'usage des nouveaux engins de déplacements, comme les trottinettes électriques, va être enfin encadré. L'essor des véhicules autonomes va également l'être, les navettes collectives devant être autorisées en 2020 et les véhicules particuliers deux ans plus tard. Des expérimentations encadrées ont déjà débuté. Le ministère de la Transition écologique et solidaire cite l'exemple rouennais où un service de navettes autonomes circulant à la demande est testé depuis juin. Pour aider les collectivités à mieux encadrer les solutions en libre-service (voiture, vélos, trottinettes), le texte offre la possibilité d'instaurer un cahier des charges fixant aux opérateurs des critères à respecter. des collectivités comme la métropole de Bordeaux envisagent déjà de mettre en place une charte de bonnes pratiques. Le projet de LOM donnera une base juridique à ce type d'outils.
Pour favoriser les voitures électriques, le texte rendra obligatoire le pré-équipement de bornes de recharge électrique dans tous les parkings de plus de 10 places des bâtiments neufs ou rénovés, et l'équipement de tous les parkings de plus de 20 places des bâtiments non résidentiels d'ici à 2025. Le coût d'installation des bornes de recharge électrique ouvertes au public doit être "drastiquement réduit" grâce à une plus grande prise en charge des coûts de raccordement au réseau.

Abandon des péages urbains

Les agglomérations de plus de 100.000 habitants pourront mettre en place des "zones à faibles émissions" (ZFE) interdisant la circulation de certains véhicules polluants dans certaines zones et à certaines heures, selon des modalités de leur choix. Quinze métropoles se sont déjà montrées intéressées. Le gouvernement a finalement décidé d'exclure du projet de loi les péages urbains. "On y a travaillé mais après avoir écouté les collectivités, nous craignons que cela aggrave la fracture territoriale, a justifié Élisabeth Borne. Si les acteurs locaux ne souhaitent pas s’en emparer il ne sert à rien de le faire figurer dans le texte".
Le projet de LOM comprend également les dispositions législatives nécessaires à la réforme du permis de conduire promise par le président de la République le 9 novembre dernier, afin de réduire les délais et d'en baisser le coût.
Enfin, le texte couche sur le papier les orientations du gouvernement depuis son arrivée aux affaires à la mi-2017 : la priorité en matière d'infrastructures est donnée aux transports du quotidien et à l'entretien des réseaux existants, tant ferroviaire que routier. Un effort particulier est mis sur le désenclavement des territoires, avec une enveloppe d'un milliard d'euros pour achever certains axes routiers. L'État entend aussi agir sur la désaturation des grands noeuds ferroviaires et aider les transports en commun. Les grands projets, en revanche, sont réduits à la portion congrue.
Les principaux projets ferroviaires, routiers et fluviaux envisagés par le gouvernement, sont décrits dans une annexe au projet de loi (lire notre encadré ci-dessous) Les objectifs ne sont pas très ambitieux, l'exécutif ayant dû choisir de concentrer ses efforts sur les transports du quotidien et de ne rien annoncer qui ne puisse être financé. Cette liste, qui cite les engagements prévus pour le mandat en cours et le prochain - jusqu'en 2027 - pourra être modifiée par le Parlement.

Infrastructures de transport : les grands projets du gouvernement

Les voies ferrées
   - Ligne à grande vitesse (LGV) Bordeaux-Toulouse : priorité à l'aménagement des sorties de Bordeaux et Toulouse (travaux lancés dans le quinquennat, d'ici 2022), puis au tronçon Agen-Toulouse. Le gouvernement cherche avec les collectivités locales des ressources dédiées pour accélérer le calendrier.
   - Ligne nouvelle entre Paris et la Normandie : priorité à l'aménagement de la gare Saint-Lazare à Paris (travaux lancés dans le quinquennat), puis à la réalisation de Paris-Mantes (lancement des travaux avant 2027) et à la traversée de Rouen.
   - Liaison Marseille-Nice : d'abord des améliorations du côté de Marseille, Toulon et Nice (travaux lancés dans le quinquennat), puis une gare souterraine à Marseille Saint-Charles -qui ne serait plus en cul-de-sac - et des aménagements sur le reste de la ligne.
   - Ligne nouvelle Roissy-Picardie : réalisation en donnant la priorité aux trains régionaux (premiers travaux lancés dans le quinquennat).
   - Ligne nouvelle Rennes-Redon : une nouveauté destinée à accélérer les liaisons Rennes-Nantes et Rennes-Quimper, pour compenser l'abandon du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes (études lancées dans le quinquennat). Une nouvelle signalisation doit parallèlement être déployée d'ici 2027 sur la ligne Le Mans-Angers-Nantes.
   - Rénovation des lignes classiques Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT) et Paris-Clermont, et achat de trains neufs (dans le quinquennat).
   - Le grand tunnel du Lyon-Turin, sous les Alpes, reste cité parmi les engagements du gouvernement en attendant que les Italiens adoptent une position définitive.
   - Ligne nouvelle Montpellier-Perpignan : pas de calendrier.


 Les routes
   - Lancement d'ici cinq ans des chantiers de quatre autoroutes à péage déjà déclarées d'utilité publique : Toulouse-Castres (A69), Route Centre Europe Atlantique (RCEA) dans l'Allier (A79), contournement de Rouen (A133 et A134), achèvement de l'axe Rouen-Orléans dans l'Eure-et-Loir (A154)
   - Achèvement d'ici le milieu des années 2020 du doublement de la très accidentogène Route Centre Europe Atlantique (RCEA) dans la Saône-et-Loire (N70, N79 et N80).
   - Désaturation de l'axe Toul-Nancy-Metz-Luxembourg (projet A31bis) d'ici
2027 : contournement à péage de Thionville et élargissement jusqu'au Luxembourg, élargissement de l'axe existant de Nancy à Metz, contournement de Nancy dont le tracé reste à définir.
   - Contournement d'Arles (A54), dont le tracé est contesté : relance des études.
   - Abandon du projet d'autoroute de Salon-de-Provence à Fos-sur-Mer (A56), au profit d'une route ordinaire.
   - S'ajoute un plan d'aménagements pour une vingtaine de routes nationales - déviations, aménagements de traversées d'agglomérations, créneaux de dépassements, rectification de carrefours, etc.-, doté de 1 milliard d'euros sur dix ans.


 Le fluvial
   - La construction du canal Seine-Nord Europe, destiné à relier l'agglomération parisienne au réseau fluvial du Benelux, sera confiée à un établissement public régional. Le début des travaux est envisagé dans ce mandat, et la mise en service avant la fin du suivant.
   - Ce très grand projet doit être complété par la mise à grand gabarit de la Lys à la frontière franco-belge et de la mise de l'Oise à grand gabarit entre Creil et Compiègne, dans l'Oise.
   - En amont, la Seine doit être mise à grand gabarit "à l'horizon de dix ans" entre Bray-sur-Seine (Seine-et-Marne) et Nogent-sur-Seine (Aube). AFP