Projet de réforme de la fonction publique : ce que le gouvernement envisage

À l'occasion de la réunion de lancement de la concertation sur le projet de réforme de la fonction publique le 9 avril, le ministre Stanislas Guerini a dévoilé de nombreuses mesures qu'il entend introduire dans ce texte destiné à renforcer "l'efficacité" du service public. Il a confirmé vouloir développer la rémunération au mérite et remettre en cause les catégories administratives (A, B et C), ou encore indiqué vouloir trouver des réponses "plus justes et efficaces" aux situations d'insuffisance professionnelle.

"Entrer et bouger plus facilement", "récompenser l'engagement", "mieux valoriser l'acquisition des compétences et la formation continue". Tels sont les grands objectifs du projet de loi "pour l’efficacité de la fonction publique" - dénomination désormais donnée à ce qui était jusque-là le projet de réforme de la fonction publique - que Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, a présentés le 9 avril lors de la réunion de lancement de la concertation avec les organisations syndicales (voir notre article).

Pour chacun de ces objectifs, de nombreuses questions sont soulevées et des pistes sont évoquées, dans un document que l'entourage de Stanislas Guerini a transmis aux interlocuteurs du ministre la veille de la rencontre. Mais officiellement, il ne s'agit point encore, pour la plupart, de mesures arrêtées, puisque la concertation doit permettre d'associer les représentants des personnels à la construction du projet de loi.

"Ouvrir les portes et les fenêtres"

Le ministre entend ainsi faciliter l'accès à la fonction publique - "ouvrir les portes et les fenêtres ", a-t-il dit mercredi au micro de France inter - pour y attirer "des talents plus diversifiés". Cela passe par une professionnalisation des concours qui sont aujourd'hui "un peu déconnectés de la réalité des métiers", une harmonisation des modalités des concours sur titres existants – ce qui doit se traduire concrètement par un allègement des épreuves prévues pour ceux qui sont en place dans la fonction publique territoriale – ou encore "la possibilité de titulariser les apprentis à la fin de leur contrat d'apprentissage", comme l'a confirmé Stanislas Guerini lors de son interview.

Pour "fluidifier les mobilités" (y compris les départs) et "mieux gérer les parcours professionnels", l'exécutif met sur la table l'obstacle des pertes de rémunération des agents survenant dans certains cas, après une mobilité. Le maintien de la rémunération des agents est cependant possible dans certaines situations au sein de l’administration territoriale de l’Etat. D'où cette interrogation : ne faut-il pas "étendre le périmètre" de cette possibilité ? 

Pour simplifier la gestion des agents contractuels, le gouvernement souhaite que la "portabilité du CDI" - dispositif permettant à un agent employé sous ce type de contrat d'en garder le bénéfice lorsqu'il change d'employeur public - soit "applicable à l'ensemble des situations". Ce qui pourrait vouloir dire qu'elle pourrait à l'avenir s'imposer aux employeurs territoriaux, alors qu'aujourd'hui, ceux-ci sont libres de maintenir ou non le bénéfice de la durée indéterminée du contrat d'un agent en CDI, lors de son recrutement.

Exit les catégories A, B et C ?

Après avoir assoupli par décret en fin d'année dernière les quotas s'appliquant à la promotion interne des agents territoriaux (voir notre article du 9 janvier 2024), le gouvernement souhaite aller plus loin. Il songe à "la mise en œuvre d’une nouvelle voie de promotion pour les fonctionnaires ayant validé une formation certifiante, mise en place avec l’accord de l’employeur, dans le but de développer les qualifications professionnelles".

Il veut aussi que les employeurs et managers aient la possibilité d'une "réponse graduée" face à des agents faisant preuve d'insuffisance professionnelle. Le licenciement pour ce motif "est aujourd'hui la seule réponse" à une telle situation, critique le ministère en charge de la Fonction publique. La faculté est d'ailleurs peu utilisée par les employeurs publics. Ce qu'a semblé regretter mardi Stanislas Guerini : "Je veux qu'on lève le tabou du licenciement dans la fonction publique", a-t-il dit dans Le Parisien. Une petite phrase qui a aussitôt déclenché un tollé chez les syndicats (voir notre article du 10 avril 2024).

Autre intention affichée par le gouvernement : la mise en place d'"une nouvelle organisation des parcours de carrière", qui pourrait remettre en cause les catégories hiérarchiques A, B et C. Celles-ci sont "en décalage croissant avec les évolutions de l’emploi et des métiers", critique-t-il. En semblant pousser pour leur remplacement par "une gestion des ressources humaines centrée d’abord sur l’appartenance à une filière professionnelle". Avec les catégories administratives, "vous avez au fond une étiquette qui vous est collée sur le front, qui est liée au diplôme que vous avez eu", et il est "très difficile de décoller cette étiquette", complétait Stanislas Guerini sur France inter. En dénonçant "les plafonds de verre" qui sont ainsi "au-dessus de la tête de nos agents".

"Mieux récompenser"

On le sait, le développement de la rémunération au mérite sera l'une des mesures phares du projet de loi. Le gouvernement veut en particulier "mieux prendre en compte les fonctions exercées et la valeur professionnelle" dans les avancements d’échelon, alors que ceux-ci sont aujourd'hui quasi-exclusivement déterminés par l'ancienneté. À cette fin notamment, le gouvernement veut "faire de l’évaluation professionnelle un acte managérial essentiel pour les agents" : celle-ci est considérée comme l'outil permettant de "reconnaitre de façon objective les parcours méritants comme les situations d’insuffisance". Au-delà du mérite individuel, le gouvernement souhaite une meilleure reconnaissance de l'engagement collectif. Des dispositifs dit "d'intéressement" existent certes déjà dans ce but. Mais du fait de leur "complexité" et des "montants peu significatifs" en jeu, ils sont rarement mis en oeuvre. Le gouvernement veut donc parvenir à les "refonder".

Le projet de loi intégrerait aussi des mesures visant à mieux protéger les agents publics contre les violences commises contre eux dans l'exercice de leurs fonctions, une concertation ayant été menée par le ministre sur le sujet ces derniers mois. La possibilité pour l’employeur public de porter plainte à la place de l'agent victime serait étendue, alors qu'aujourd'hui elle est limitée à certaines situations. Le gouvernement veut aussi mieux protéger les proches des agents publics contre d'éventuelles menaces.

Alternant réunions bi et multilatérales, la concertation avec les organisations syndicales sur le projet de loi doit s'achever le 20 juin, le texte devant être présenté à la rentrée. Mais les discussions s'annoncent laborieuses, les syndicats étant vent debout contre un projet de loi qu'ils n'ont pas demandé (CGT), qui organise "la casse" du statut de la fonction publique (FO), ou qui le "saccage" par "parti pris idéologique" (FSU).