Archives

Projets de territoire, coopérations, contrats : le credo des députés pour une "nouvelle étape" de la décentralisation

Une mission d'information de l'Assemblée nationale recommande d'encourager les coopérations publiques et privées autour de projets de territoires. Elle appelle l'Etat à mettre la future Agence nationale de la cohésion des territoires au service de ces initiatives.
 

La décentralisation doit entrer dans "une phase plus qualitative" reposant sur "la capacité des territoires à être maîtres de leur destinée". C'est la recommandation que délivre une mission d'information de l'Assemblée nationale mise sur pied à l'automne dernier par les commissions des lois et du développement durable. Chargée de préparer "une nouvelle étape de la décentralisation en faveur du développement durable", cette mission composée de dix-huit députés de tous les groupes politiques, a présenté le 30 mai son rapport (en téléchargement ci-dessous) devant les deux commissions, puis devant la presse.
Plutôt que d'appliquer à tous les territoires des recettes inventées à l'échelle nationale, il s'agit à présent de "laisser les territoires faire émerger leurs projets", a déclaré le député LREM Guillaume Vuilletet, l'un des deux rapporteurs de la mission. "Les collectivités sont à présent matures", a-t-il jugé. "Il faut laisser aux élus la liberté d'inventer sur leur territoire", a corroboré Jean-François Cesarini, l'autre rapporteur (également LREM) de la mission. Il conseille de s'appuyer sur "les atouts géographiques, culturels, économiques des territoires". Lors d'un déplacement, la mission a observé par exemple comment la culture de la châtaigne a pu être dans une région à l'origine de toute "une filière".

Structures souples et évolutives

L'avènement des "territoires de projet" nécessite selon la mission une très grande souplesse. Une caractéristique qu'elle ne trouve pas suffisamment dans le pôle d'équilibre territorial et rural (PETR) mis en place par la loi Maptam de janvier 2014, dans la lignée du "pays" créé par la loi en 1995. Ce syndicat mixte fermé permet à des EPCI à fiscalité propre de mener des coopérations entre eux. La mission prône son abandon au profit du pôle territorial, une structure qui aurait le régime d'un syndicat mixte ouvert ou d'un groupement d'intérêt public (GIP). "Accessible à tous les territoires" et favorisant "la construction d'un écosystème territorial rassemblant des EPCI et les différents acteurs publics et privés" (secteur économique et associations), il aurait vocation à remplacer non seulement le PETR, mais aussi le pôle métropolitain. Selon la mission, les territoires de projets devraient pouvoir aussi mener des expérimentations, au même titre que les collectivités territoriales.
Par ailleurs, ils recevraient l'aide de l'Etat après la signature d'un contrat unique se substituant aux diverses formes de contrats existantes. Dans ce cadre, la future Agence nationale de la cohésion des territoires serait le principal outil d'intervention de l'Etat. Son rôle serait d'accompagner les territoires après la phase d'élaboration de leur projet. Elle leur apporterait une aide en matière d'ingénierie et faciliterait leur accès à des financements.

Ne pas s'unir à la métropole !

Les rapporteurs ont jugé que les territoires situés en dehors des métropoles - notamment les villes moyennes - trouveront leur salut en développant des coopérations entre eux, plutôt qu'en s'adossant à une métropole. "Dans 99% des cas, le plus puissant des territoires stérilise la capacité d'innovation, de production d'idées et de projets du territoire qui est [plus faible]", a observé Arnaud Viala, président (LR) de la mission. "Les métropoles captent les talents des territoires environnants", a insisté Jean-François Cesarini.
L'élu est sévère avec les deux contrats de réciprocité que les métropoles de Brest et Toulouse ont signé avec des espaces ruraux voisins. "La réciprocité est l'inverse de la raison d'être des métropoles", a-t-il lancé. Il ne s'agit pas non plus de "prendre à la métropole pour donner aux autres", a-t-il dit. Guillaume Vuilletet a acquiescé et a critiqué l'idée qu'un pour cent des recettes fiscales de la métropole soit prélevé en faveur des projets structurants des petites villes situées dans la région. "Cela n'a pas de sens", a-t-il fustigé à la veille de l'ouverture des assises de l'Association des petites villes de France (APVF), qui est l'origine de cette proposition.
La mise en œuvre des contrats entre les acteurs des territoires et entre ceux-ci et l'Etat ne sera "possible" que si le Parlement vote la réforme institutionnelle, a estimé Arnaud Viala. Il a mis l'accent sur deux mesures clés : le recours plus facile à l'expérimentation et une adaptation plus grande des lois et règlements aux spécificités territoriales.