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QPC sur la participation du public : victoire en trompe l'oeil pour les opposants à la centrale à gaz de Landivisiau

Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à l’information et à la participation du public, le Conseil constitutionnel a jugé, ce 28 mai, que la décision autorisant l’exploitation d’une installation de production d’électricité était au nombre de celles soumises au principe de participation du public au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement. Une censure confinée dans le temps qui ne devrait donc pas avoir d’incidence sur les projets anciens qui n’obéissaient pas à cette exigence.  

Dans une QPC - question prioritaire de constitutionnalité - relative à l’information et à la participation du public, le Conseil constitutionnel a tranché, ce 28 mai :  la décision autorisant l’exploitation d’une centrale électrique constitue bel et bien "une décision publique ayant une incidence sur l’environnement, au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement". Telle que formulée dans l’arrêt de renvoi du Conseil d’Etat, la QPC portait sur l'article L. 311-5 du code de l’énergie, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011. Le Conseil était donc saisi de la version antérieure à la loi de Transition énergétique d’août 2015 venue réformer le régime de l’autorisation d’exploiter pour le recentrer sur les aspects énergétiques et climatiques. Dans ce dossier, les opposants à la centrale à gaz de Total Direct Energie à Landivisiau (Finistère) - l’Association Force 5, à laquelle s’est jointe France nature environnement (FNE)- mettaient en avant le défaut de procédure d'information et de consultation du public.   

Critères d’autorisation

Dans le cadre de QPC, le Conseil a déjà appliqué le principe de participation du public tel que prévu par l’article 7 de la Charte à de nombreuses reprises. Se prononcer sur la conformité à la Constitution de l’article L. 311-5 du code de l’énergie supposait d’abord de déterminer si les décisions publiques auxquelles il renvoyait – les autorisations d’exploiter une installation de production d’électricité – avaient une incidence directe et significative sur l’environnement. Ce point ne faisait guère de doute. Au regard des critères sur lesquels doit se fonder l'autorité administrative pour délivrer l'autorisation d’exploiter -notamment, du "choix des sites" d'implantation de l'installation, des conséquences sur "l'occupation des sols" et sur "l'utilisation du domaine public", de "l'efficacité énergétique" de l'installation et de la compatibilité du projet avec "la protection de l'environnement"- le Conseil constitutionnel y répond par l’affirmative. 

Frontière temporelle

Il revenait ensuite au Conseil  de vérifier la mise en œuvre du principe de participation du public à l'élaboration de la décision autorisant l'exploitation d'une installation de production d’électricité. C’est sur cet aspect que les choses se compliquent davantage. Au moment de l’autorisation de la centrale, le principe de participation du public n’avait pas encore reçu de traduction législative. Jusqu'à l’ordonnance n° 2013-714 du 5 août 2013, "aucune disposition n’assurait la mise en œuvre de ce principe à l’élaboration des décisions publiques prévues à l’article L. 311-5 du code de l’énergie", relève le Conseil. Cette ordonnance a inséré dans le code de l’environnement l’article L. 120-1-1 (désormais L. 123-19-2) applicable "aux décisions individuelles des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement qui n’appartiennent pas à une catégorie de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu une participation du public". Auparavant, ni l’article L. 311-5 du code de l’énergie, ni aucune autre disposition législative ne prévoyaient un tel dispositif. Le Conseil constitutionnel tire donc les conséquences de l’entrée en vigueur de l'article L. 120-1-1, "le 1er septembre 2013", en distinguant deux périodes. En résumé, les dispositions contestées de l’article L. 311-5 étaient contraires à l’article 7 de la Charte jusqu'au 31 août 2013, mais conformes à compter du 1er septembre 2013, d’où la formule de "non conformité de date à date" employée par les Sages. Cette troisième catégorie de censure dans l’arsenal du Conseil (après la non conformité totale et la non conformité partielle) trouve d’ailleurs sa source dans la décision du 18 novembre 2016 (n° 2016-595 QPC), s’agissant déjà d’une méconnaissance de l’article 7 de la Charte. 

Sécurité juridique

De là à épingler la procédure d'autorisation de la centrale de Landivisiau, il y a un pas que le Conseil n’a pas franchi. En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la QPC. Toutefois, le Conseil a le pouvoir de reporter les effets de sa censure dans le temps. Ici, point question d’abrogation, les dispositions déclarées contraires à la Constitution - l’article L. 311-5 du code de l’énergie- "dans leur rédaction contestée issue de l'ordonnance du 9 mai 2011, ne sont plus en vigueur", remarque au préalable le Conseil. Quant aux effets de la déclaration d’inconstitutionnalité, le Conseil estime que la remise en cause des mesures ayant été prises avant le 1er septembre 2013 - l’autorisation de la centrale de Landivisiau date du 10 janvier 2013 - "aurait des conséquences manifestement excessives". "Par suite, ces mesures ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité", tranche-t-il. 

 
Référence : décision n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020, Association Force 5. 
 

 

 

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