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Délégation de service public - Quand la part prise en charge par la collectivité n'exclut pas un risque d'exploitation

Dans un arrêt du 7 novembre 2008, le Conseil d'Etat a apporté de nouvelles précisions sur le principal critère de qualification d'une délégation de service public (DSP) : la notion de rémunération "substantiellement liée aux résultats d'exploitation". Selon les juges, le fait qu'une collectivité se substitue, à hauteur de 80%, au prix payé par les usagers n'exclut pas le risque d'exploitation pris par le cocontractant et donc une rémunération liée aux résultats de l'exploitation.
Dans cette affaire, le département de la Vendée souhaitait conclure une DSP en vue de confier à un prestataire l'exploitation d'un service de transports de voyageurs incluant des usagers scolaires. Aux termes du contrat, la rémunération de l'entreprise attributaire devait être assurée par les recettes provenant à 93% environ du service de transport scolaire et, pour les 7% restant, par des recettes provenant d'autres services de transport et d'activités commerciales. Toutefois, la collectivité prenait en charge, en substitution des familles, environ 80% du coût du transport scolaire, le reste demeurant à la charge de ces familles.
Pour rappel, le fameux arrêt du Conseil d'Etat "Smitom" du 30 juin 1999 précise que la rémunération du délégataire est substantiellement assurée par le résultat de l'exploitation du service dès lors que "la part des recettes autres que celles correspondant au prix payé par la personne publique est d'environ 30% de l'ensemble des recettes perçues par son cocontractant". Les juges du tribunal administratif et de la cour d'appel ont donc, sur le fondement de cette jurisprudence bien connue, procédé à une requalification du contrat en marché public puisqu'en l'espèce, 20% seulement de la rémunération (13% de participation directe des familles et 7% provenant d'autres activités) semblaient être directement liés aux résultats d'exploitation du service.
Le Conseil d'Etat va toutefois censurer ce raisonnement. Selon les juges de la haute juridiction, les 80% versés par le département (en substitution des familles, rappelons-le) auraient dû être pris en considération pour calculer le montant de la rémunération du cocontractant liée aux résultats de l'exploitation. En effet, la part prise en charge par la collectivité ne pouvait être assimilée à une quelconque forme de subvention. Le montant versé au titre de ces 80% n'est pas fixe mais variable puisque qu'il est conditionné, en définitive, par le nombre d'usagers du service de transport. Concrètement, la collectivité ne se substitue pas aux usagers qui n'utiliseraient pas le service, elle ne fait que payer une partie du titre de transport des élèves qui utilisent le service. Par conséquent, si le nombre d'usagers baisse, les recettes d'exploitation du délégataire baisseront d'autant, sans que la collectivité puisse compenser ce manque à gagner. Selon les juges, le fait que les recettes soient versées en totalité par les familles, par les usagers non-scolaires, par d'autres produits commerciaux ou en partie par le département au titre de sa prise en charge de 80% du coût des abonnement de transport scolaires n'a aucune influence sur la part significative du risque d'exploitation restant à la charge du cocontractant : en cas de baisse du nombre d'usagers, l'éventuel déficit d'exploitation pourrait être bien supérieur à 30% de l'ensemble des recettes perçues par le délégataire.
Dernière précision, une convention d'intéressement prévoyait également le versement d'une subvention par le département d'un montant de 25.733,39 euros sur un total de recettes d'exploitation du service évaluées à environ 1,5 million d'euros. Le Conseil d'Etat rappelle que ce n'est qu'en déduisant le montant de la subvention du total estimé des recettes que peut être calculé la part de rémunération de l'exploitant substantiellement liée aux résultats d'exploitation. En l'espèce, cette rémunération liée à une part de risque  demeurant à la charge du délégataire s'élève à plus de 98%.

 

L'Apasp

 

Référence : Conseil d'Etat, 7 novembre 2008, Département de la Vendée, n° 291794

Un contrat qui ne répondrait pas aux critères de la DSP serait automatiquement requalifié de marché public par le juge administratif. Or la notion de DSP n'est pas précisément définie. Le juge doit donc se fonder sur quelques critères dégagés de la jurisprudence administrative. Trois critères sont généralement retenus pour identifier une délégation de service public : l'exploitation d'un service public, l'existence d'un contrat entre la collectivité et une entreprise fixant les conditions d'exploitation du service et le mode rémunération de l'entreprise qui doit être substantiellement liée au résultat d'exploitation du service. Ce dernier critère est l'élément essentiel permettant de distinguer une DSP d'un marché public.
Mais malgré une jurisprudence abondante, cette notion reste floue. Il ressort de la jurisprudence qu'une rémunération substantiellement liée au résultat d'exploitation du service est déterminée par la notion de risques pris par le cocontractant. Dès lors que ce dernier est entièrement rémunéré par la personne publique, le contrat ne peut être qualifié de DSP. Le prix doit donc être substantiellement payé par les usagers, même si la jurisprudence ne va pas jusqu'à interdire toute participation de la personne publique. La personne publique doit toutefois rester un simple facteur dans la gestion du service public et non pas le pilier qui soutient le cocontractant.

 

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