Quand le climat rebattra les cartes de l’attractivité résidentielle
Dans le cadre du cycle de ses "Rencontres du hub", Icade accueillait le 11 septembre dernier l’analyste territorial Olivier Portier pour une intervention intitulée "Immobilier et climat : analyse des enjeux territoriaux à moyen et long termes". Spécialiste de l’analyse économique territoriale, Olivier Portier observe les dynamiques territoriales depuis une vingtaine d’année afin "d’aider les collectivités à bâtir des stratégies plus adaptées".
Dans un contexte d’augmentation des taux d’intérêt sur fond de dynamique inflationniste, Olivier Portier rappelle que l’élément essentiel pour analyser l’échelle territoriale reste "la question de la mobilité des individus". Un facteur qui joue un rôle majeur "sur les dynamiques territoriales et donc sur le marché de l’immobilier". Tant la démographie que les phénomènes de recomposition des ménages ont un impact en la matière et "c’est cette combinaison de variables qui crée des tensions sur les marchés de l’immobilier", constate l’analyste qui cite en exemple des territoires très touristiques où le coût de l’immobilier ne permet plus aux jeunes actifs de se loger.
En matière de démographie, après avoir passé à la loupe les quelque 1.200 intercommunalités françaises, Olivier Portier relève "une rupture historique" marquée par un déclin de population dans des régions telles que la Normandie, les Hauts-de-France ou encore le Grand Est, quand d’autres progressent toujours (Paca) mais à un rythme moins soutenu. De fait, plutôt que d’une "diagonale du vide", c’est un Y qui apparait désormais sur les cartes, allant du Cotentin au Massif central pour ensuite remonter vers l’Est. En somme, "une nouvelle structuration de l’espace français". En parallèle, il pointe le dynamisme de l’Ouest et notamment des zones littorales... au sujet desquelles on évoquait régulièrement un "déclin démographique" dans les années 80. "Finalement, ces territoires ont moins souffert de la désindustrialisation", souligne Olivier Portier.
Des métropoles pas toujours gagnantes
Et lorsqu’on aborde la question du solde migratoire, on découvre "une France hémiplégique" avec un grand quart Nord-Est en décroissance nette qui définit "une géographie de l’attractivité résidentielle". À cela s’ajoute le phénomène de vieillissement de la population qui, lui, touche davantage l’Ouest et le littoral atlantique, ou encore un aspect social qui s’illustre par une part de ménages isolés plus importante justement dans ce "Y du vide" décrit plus tôt. De fait, dans plus de 200 intercommunalités passées à la loupe, le nombre de ménages a été multiplié par 1,7 entre 1968 et 2021, faisant peser un poids supplémentaire sur la demande de logements. Au final, Olivier Portier décrit un paysage dans lequel les métropoles n’apparaissent pas systématiquement comme les grandes gagnantes des ces dynamiques territoriales nouvelles. "Elles polarisent beaucoup mais redistribuent beaucoup", résume l’analyste qui observe que ce sont le plus souvent les territoires frontaliers qui tirent le mieux leur épingle du jeu.
Quelles leçons en tirer pour l’avenir ? L’insee anticipe déjà une progression démographique en Île-de-France et un grand quart Nord-Est perdant inexorablement des habitants. Une situation qui pourrait cependant être réévaluée à l’aune du changement climatique et de son impact sur les choix de lieux de résidence des Français. En résumé, le climat rebat les cartes de l’attractivité résidentielle en favorisant, paradoxalement... les territoires aujourd’hui envisagés comme en perte de vitesse sur le plan de l’attractivité, notamment dans le nord-ouest de l’Hexagone.