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Handicap / Urbanisme - Que se passe-t-il quand la copropriété refuse les travaux de mise en accessibilité d'un ERP ?

Sur environ un million d'ERP (établissements recevant du public), 250.000 n'ont toujours pas rempli leurs obligations de mise en accessibilité, alors que la date limite (théorique) de dépôt des agendas d'accessibilité programmée (Ad'AP) est dépassée depuis huit mois. Ces retards relèvent-ils tous de la mauvaise volonté ou du manque de moyens, ou peut-il y avoir d'autres causes ? La réponse ministérielle à une question écrite sénatoriale apporte des précisions intéressantes sur le cas des blocages liés à la copropriété.

Des communes font du zèle...

Posée par Jean-Louis Masson, sénateur (non-inscrit) de Moselle, la question évoque le cas de "certaines professions libérales installées dans des immeubles anciens [qui] ont vu les copropriétés voter contre l'exécution des travaux d'accessibilité". Néanmoins, lors des formalités déclaratives d'accessibilité auprès des communes concernées, certaines d'entre elles exigent que, dans ce cas de figure, le responsable de l'ERP produise un plan et un descriptif des travaux à réaliser, sous peine d'un rejet du dossier. Or, explique le député, "un tel plan n'existe pas si la copropriété a refusé de faire une étude détaillée". Jean-Louis Masson souhaite donc savoir comment régler une telle contradiction.
Dans sa réponse, la ministre du Logement et de l'Habitat durable reconnaît l'existence de telles situations. Elle rappelle néanmoins que ce cas de figure est prévu à l'article R.111-19-10 du code de la construction et de l'habitation. Cet article, qui fixe la liste des dérogations à l'accessibilité que le préfet peut accorder, précise en effet qu'une dérogation est possible "lorsque les copropriétaires d'un bâtiment à usage principal d'habitation existant au 28 septembre 2014 réunis en assemblée générale s'opposent [...] à la réalisation des travaux de mise en accessibilité d'un établissement recevant du public existant ou créé dans ce bâtiment. Lorsque ce refus est opposé à un établissement recevant du public existant dans ce bâtiment, la dérogation est accordée de plein droit".

Dérogation ne vaut pas exonération de toute obligation

Dans ce cas, le responsable de l'ERP n'a pas à produire le plan et le descriptif des travaux à réaliser exigés par certaines communes. Il lui suffit de produire le procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires.
Mais attention : ce cas de figure est loin de dispenser le gestionnaire de l'ERP de toute obligation en matière d'accessibilité. Tout d'abord, cette dérogation ne porte que sur certains types de handicap, principalement le handicap moteur. Ainsi, "lorsqu'un utilisateur de fauteuil roulant ne peut accéder à un ERP situé en étage du fait de l'absence d'un ascenseur, le propriétaire ou le gestionnaire de l'ERP pourra effectuer une demande de dérogation au motif de la rupture de la chaîne de déplacement". En revanche, il devra rendre l'ERP accessible aux autres types de handicap (par exemple en installant des repères luminescents pour les malvoyants).
Ensuite, le gestionnaire reste tenu de rendre les prestations à l'intérieur de son local accessibles aux personnes handicapées, quel que soit leur handicap. Une disposition qui peut sembler paradoxale, puisque les aménagements les plus lourds - liés au handicap moteur (toilettes, largeur des couloirs et des demi-tours...) - ne pourront pas bénéficier aux personnes handicapées motrices, qui ne pourront pas accéder à l'étage...

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : Sénat, question écrite de Jean-Louis Masson, sénateur de Moselle, et réponse du ministère du Logement et de l'Habitat durable (JO Sénat du 19 mai 2016).