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Social - Quel avenir pour les CDAS après la censure du Conseil constitutionnel ?

Le ministère des Solidarités vient d'apporter des précisions intéressantes sur ce qui se passe et va se passer depuis que le Conseil constitutionnel a décapité les commissions départementales d'aide sociale (CDAS).

Dans une décision relative à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le 25 mars dernier, le Conseil constitutionnel décapitait littéralement les commissions départementales d'aide sociale, chargées d'examiner les recours contre les décisions du président du conseil général ou du préfet en matière d'aide sociale (voir notre article ci-contre du 28 mars 2011). Le Conseil estimait en effet que sur les sept membres de la commission, six - les trois conseillers généraux représentant le département et les trois représentants désignés par le préfet - se trouvaient en situation de juges et parties, ce qui ne permettait pas à ces juridictions de satisfaire aux exigences d'indépendance et d'impartialité. La commission départementale d'aide sociale (CDAS) se trouve donc réduite à son seul président - le président du tribunal de grande instance du chef-lieu ou le magistrat désigné par lui - et au commissaire du gouvernement, désigné par le préfet, qui présente des conclusions, mais n'a pas voix délibérative. Peuvent s'y ajouter un secrétaire et des rapporteurs, qui ont voix délibérative sur les affaires qu'ils rapportent. Aux termes de l'article L.134-6 du Code de l'action sociale et des familles (CASF) qui régit les CDAS, ceux-ci sont "nommés par le président de la commission parmi les personnes figurant sur une liste établie conjointement par le président du conseil général et le préfet".
Dans une question écrite, Jean-Louis Lorrain, sénateur du Haut-Rhin, s'inquiète du vide juridique ainsi créé, alors que les CDAS traitaient jusqu'alors environ 20.000 recours par an.

Des CDAS maintenues, mais fragiles

Dans sa réponse, la secrétaire d'Etat auprès de la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale apporte des précisions intéressantes. La conclusion immédiate en est claire : malgré le bouleversement introduit par la décision du Conseil constitutionnel, "les CDAS continuent aujourd'hui de fonctionner et les audiences doivent être maintenues". Elle indique ainsi que "la formation de jugement de cette juridiction est dorénavant uniquement constituée de son président, ayant voix prépondérante, et de son secrétaire, faisant fonction de rapporteur" (le commissaire du gouvernement n'ayant pas voix délibérative). Pour éviter toute rupture, la direction générale de la cohésion sociale a adressé une note aux préfets pour les informer de la portée de la décision du Conseil constitutionnel. Elle a également mis à disposition des services déconcentrés qui assurent le secrétariat des CDAS un appui technique de l'administration centrale.
Cette situation est toutefois très fragile. La réponse ministérielle reconnaît d'ailleurs qu'"à moyen terme, cette nouvelle configuration n'est pas favorable à une bonne administration du contentieux de l'aide sociale et révèle des difficultés d'organisation et de fonctionnement qui s'avèrent d'autant plus regrettables que les requérants sont souvent fragilisés par une situation personnelle difficile". La situation est d'autant plus insatisfaisante que les CDAS présentent d'autres points faibles. Même si le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur la question, on peut en effet s'interroger sur la compatibilité entre les fonctions de rapporteur et la qualité de fonctionnaire de l'Etat au regard de l'indépendance de la CDAS (même si l'article L.134-6 du CASF prévoit qu'en cas de partage des voix, celle du président l'emporte). De même, "les règles procédurales applicables devant les CDAS n'ont jamais été précisément définies", ce qui a valu à ces juridictions des critiques sévères et récurrentes du Conseil d'Etat (voir notre article ci-contre du 5 avril 2006).
La réponse ministérielle indique donc que "le Parlement aura naturellement à statuer sur l'avenir des CDAS", mais sans préciser de date, ni indiquer la solution envisagée. Elle évoque toutefois les deux hypothèses en lice : un maintien des CDAS avec une composition et un fonctionnement garantissant pleinement leur indépendance et leur impartialité, ou le transfert du contentieux de l'aide sociale "à d'autres juridictions ne souffrant pas de telles critiques". Pour éclairer ce choix, le ministère devrait prochainement publier les résultats d'une enquête nationale "destinée à évaluer l'activité et le mode de fonctionnement des CDAS".

Références : question écrite numéro 18433 de Jean-Louis Lorrain, sénateur du Haut-Rhin, et réponse du secrétariat d'Etat auprès de la ministre chargée des Solidarités et de la Cohésion sociale (JO Sénat du 25 août 2011).

Jean-Noël Escudié / PCA