Quelle est la destination d'un dark store en droit de l'urbanisme ?
Constat: Les contraintes résultant des divers confinements de la période covid et le développement des plateformes à la demande ont permis l’émergence de nouveaux établissements commerciaux, ne recevant pas de publics. Cette évolution inhérente aux évolutions sociétales doit entraîner une réflexion sur la question des destinations en droit de l’urbanisme.
Réponse :
- Le “Dark store” doit s’apprécier comme un lieu fermé ne recevant pas du public dont l’activité se concentre sur l'entreposage et la livraison rapide de produits de consommation courante.
- La “Dark kitchen” doit s’apprécier comme un restaurant virtuel, un laboratoire, dans laquelle les plats sont uniquement préparés en vue d’être livrés, sans être accessible au public.
Par une construction jurisprudentielle en deux temps, le Conseil d’Etat est venu apporter la réponse tant attendue :
- 1ère étape: Le Tribunal Administratif de Paris est saisi en référé dans le cadre de l’affaire “sociétés Frichti et Gorillas”. La société susmentionnée avait installé un dark store dans un local à destination de commerce. Dans son ordonnance de référé, le Tribunal Administratif de Paris a estimé que l’activité ne devait pas être considérée comme une destination d’entreposage, mais comme une destination de « constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif » (CINASPIC) (1).
- 2ème étape: Le Conseil d’Etat est venu clarifier les choses dans un arrêt du 23 mars 2023 : les Dark store sont des établissements relevant de la destination entrepôt. Ainsi leur installation à la place d’un local commercial doit s’analyser comme un changement de destination du local, devant être précédé d’une déclaration préalable (2).
De plus, suite à un arrêt du Conseil d’Etat du 7 juillet 2022, il a été précisé que le champ d’application des autorisations d’urbanisme nécessaires en cas de changement de destination devait tenir compte des seules destinations et sous-destinations prévues par les articles R151-27 et R151-28 du code de l’urbanisme, même si l’opération est réalisée sur un territoire dont le plan local d’urbanisme n’a pas été “alurisé”, c’est-à-dire qu’il renvoyait aux anciennes destinations et sous-destinations (3).
Cette décision a conduit le pouvoir réglementaire à prendre un décret le 22 mars 2023, ainsi qu’un arrêté le même jour pour repréciser les destinations et les sous-destinations. Il complète les articles R151-27 et R151-28 du code de l’urbanisme en remplaçant le 5° de l’article dernièrement cité (qui n’évoquaient pas les “dark store et dark kitchen”) par la formulation suivante : “5° Pour la destination “ autres activités des secteurs primaire, secondaire ou tertiaire ” : industrie, entrepôt, bureau, centre de congrès et d'exposition, cuisine dédiée à la vente en ligne” (4).
L’arrêté vient préciser et modifier les dispositions de l’arrêté de 2016 concernant les sous-destinations précisant la définition sous-destination de la manière suivante (5) :
- « La sous-destination “ entrepôt ” recouvre les constructions destinées à la logistique, au stockage ou à l'entreposage des biens sans surface de vente, les points permanents de livraison ou de livraison et de retrait d'achats au détail commandés par voie télématique, ainsi que les locaux hébergeant les centres de données” ;
- « La sous-destination “ cuisine dédiée à la vente en ligne ” recouvre les constructions destinées à la préparation de repas commandés par voie télématique. Ces commandes sont soit livrées au client soit récupérées sur place ».
Comme le précise l’article 2 du décret du 22 mars 2023, ces dispositions sont applicables au 1er juillet 2023. Cependant, elles ne s’appliquent pas aux plans locaux d’urbanisme dont l’élaboration ou l’évolution a été engagée avant la date d’entrée en vigueur de ces dispositions. De plus, pour ces plans locaux d’urbanisme, l’ancienne rédaction des articles R151-27 et R151-28 du code de l’urbanisme continue à s’appliquer, sauf si, pour ceux en cours d’élaboration ou en cours de révision, l’autorité compétente décide d’intégrer les nouvelles dispositions.
Références :
(1) Tribunal Administratif de Paris, 5 octobre 2022, n°2219412 ; (2) Conseil d’Etat, 6e et 5e ch. réunies, 23 mars 2023, n°468360 ; (3) Conseil d'État, 7 juillet 2022, n° 454789 ; (4) Décret n° 2023-195 du 22 mars 2023 portant diverses mesures relatives aux destinations et sous-destinations des constructions pouvant être réglementées par les plans locaux d'urbanisme ou les documents en tenant lieu ; (5) Arrêté du 22 mars 2023 modifiant la définition des sous-destinations des constructions pouvant être réglementées dans les plans locaux d'urbanisme ou les documents en tenant lieu
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