Archives

Quelle indemnisation pour les bénéficiaires du Dalo non relogés ?

Dans une décision de fin juillet, le Conseil d'État apporte des précisions sur les modalités d'indemnisation des personnes reconnues bénéficiaires du Dalo (droit au logement opposable) mais qui ne se voient pas proposer un logement.

En l'espèce, Mme B... est reconnue comme prioritaire et devant être relogée en urgence par une décision du 26 juillet 2013 de la commission de médiation, au motif qu'elle réside avec ses cinq enfants et son compagnon dans un logement sur-occupé avec au moins une personne mineure. En l'absence de proposition de relogement par le préfet dans le délai imparti de six mois, elle saisit alors le tribunal administratif de Paris d'un recours indemnitaire.

Une prise en compte des enfants nés après comme avant la décision Dalo

Dans un jugement du 30 janvier 2018, celui-ci retient certes que la responsabilité de l'État est engagée à compter du 26 janvier 2014 (six mois après la décision de la commission de médiation), mais estime qu'il n'y a pas lieu de tenir compte, dans l'évaluation du préjudice subi, de la présence au foyer de deux enfants nés en 2014 et 2017, postérieurement à la décision de la commission de médiation. Il condamne donc l'État à verser à l'intéressée une indemnité de 2.400 euros.

Saisi en cassation, le Conseil d'État annule le jugement du tribunal administratif de Paris et condamne l'État à verser à Mme B... la somme de 11.170 euros. Il confirme, comme l'avait fait le juge de première instance, que les troubles dans les conditions d'existence subis par le demandeur du fait de l'absence de relogement doivent être appréciés en fonction notamment du nombre de personnes composant le foyer pendant la période de responsabilité. Il juge en revanche qu'"il y a lieu de tenir compte, pour les évaluer, de l'évolution de la composition du foyer au cours de cette période". Dans ces conditions, "en jugeant que la présence, au foyer de Mme B..., de deux enfants nés après l'intervention de la commission de médiation ne devait pas être prise en compte pour l'évaluation du préjudice subi par celle-ci, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de droit".

250 euros par an et par personne au foyer

Décidant de régler l'affaire au fond au titre de l'article L.821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'État procède lui-même au calcul de l'indemnisation. Il prend donc en compte la naissance de deux enfants en novembre 2014 et avril 2017 et constate, en s'appuyant sur les documents fiscaux versés au dossier, que les sept enfants sont restés à la charge de Mme B... pendant la période de responsabilité. En revanche, il prend aussi en compte, en se basant sur "les affirmations du ministre, non contredites par la requérante", que son conjoint a cessé de résider dans ce foyer au moins depuis le mois d'octobre 2018.

Le Conseil d'État se livre alors à un savant calcul en considérant "que le nombre de personnes occupant le foyer de Mme B... était de sept jusqu'en novembre 2014, de huit de décembre 2014 à avril 2017, de neuf de mai 2017 à octobre 2018, et de huit depuis novembre 2018 jusqu'à la date de la présente décision". À raison de 250 euros par an et par personne composant le foyer, il juge qu'il y lieu de fixer à 11.170 euros l'indemnité due par l'État à Mme B... L'écart conséquent avec les 2.400 euros alloués par le tribunal administratif ne résulte toutefois pas uniquement de la prise en compte des deux enfants supplémentaires. Sur la base de du montant annuel par personne retenu par le Conseil d'État, ceux-ci ne représenteraient en effet qu'une indemnité supplémentaire d'environ 1.750 euros, bien loin de l'écart constaté de 8.770 euros.

Référence : Conseil d'État, 5e et 6e chambres réunies, décision n°421189 du 24 juillet 2019, M. B..., ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales (mentionné aux tables du recueil Lebon).