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Europe sociale - Quelle sécurité juridique pour les acteurs de SSIG ?

Après la publication de la communication sur les services sociaux d'intérêt général par la Commission européenne et l'adoption, le 29 mai, par les ministres européens du projet de législation visant à ouvrir le marché intérieur des services à la concurrence, les acteurs français de la santé et du social sont inquiets.

Quatorze associations couvrant les secteurs de l'inclusion, de la santé, de la protection sociale mutualiste et du logement, ont réuni le 30 mai à Paris une conférence sur le thème "Droits fondamentaux, protection sociale et intégration européenne : quel cadre communautaire pour les services sociaux d'intérêt général ?". Les acteurs des services sociaux d'intérêt général partagent le même diagnostic : "l'essentiel de [leurs] activités de services sociaux d'intérêt général (SSIG) étant de nature économique, le droit communautaire [leur] est applicable et le risque de dérégulation est réel". S'adressant à la fois aux institutions communautaires et aux autorités publiques françaises, ils revendiquent "une sécurité juridique dans un cadre législatif communautaire adapté à la spécificité de [leurs] missions sociales".

Préserver la cohésion sociale et territoriale

Le constat est clair : la tendance de l'Etat au désengagement et à la décentralisation des compétences d'une part, au développement de la contractualisation des prestations au niveau territorial d'autre part, est forte. C'est en réalité un nouvel environnement qui est en train de se créer avec de plus "l'émergence d'acteurs privés à but lucratif dans un champ d'activités caractérisé par une prédominance d'acteurs relevant du tiers secteur, de l'économie sociale, de l'économie mixte et du secteur public ou parapublic". Il ne peut pourtant pas être question de traiter les SSIG comme des produits, ils ne peuvent pas être banalisés. Comme le rappelle Philippe Herzog, ancien député européen et président de Confrontations Europe, "le facteur humain qui entre en jeu dans la relation et dans la prestation est une dimension essentielle" et il faut définir des règles spécifiques pour les services à la personne. Cela suppose que l'on se pose les bonnes questions pour, en particulier, préserver la cohésion sociale et territoriale et que l'on clarifie les dérogations aux règles communautaires auxquelles les SSIG peuvent prétendre en matière d'organisation et de financement. Nul ne conteste désormais qu'ils ont un caractère économique et qu'ils doivent respecter les trois principes fondamentaux, transparence, proportionnalité, non-discrimination. "La communication du 26 avril remplit son mandat en reconnaissant les spécificités des SSIG", note Jérôme Vignon, directeur à la direction générale Emploi-Affaires sociales à la Commission européenne. "Elle donne une définition du champ des services sociaux susceptibles de recevoir une mission d'intérêt général." "Le social, résume-t-il, a une vocation de 'ciment' de la société et les services doivent être universels, s'adresser à tous et pas seulement aux plus défavorisés, garantir l'accès de tous aux droits fondamentaux et d'abord au respect de la dignité et de l'intégrité des personnes."
"C'est là une vision moderne des services sociaux", insiste Jérôme Vignon qui rappelle que les SSIG doivent aussi répondre à six caractéristiques. Ils doivent être des services de proximité, assurer une certaine solidarité, être mis en œuvre par des institutions à but non-lucratif et inclure nécessairement un tiers payant. Il doit également s'agir de services intégrés et les bénévoles doivent pouvoir jouer un rôle dans la délivrance de la prestation. "La question de la sécurité n'est pas résolue", admet encore Jérôme Vignon... et elle sera au centre des consultations qui vont s'ouvrir et auxquelles l'ensemble des acteurs de SSIG devront être associés. Il faut mettre fin à une certaine incertitude et, toujours selon Jérôme Vignon, "trouver une balance entre responsabilité des partenaires et sécurité".

Respecter les règles des marchés communautaires

Cela passe par l'abandon de cet obscurantisme dans les passations de marché que l'on reproche aux Etats membres et trop souvent encore aux collectivités territoriales. "En France, mais aussi dans bien d'autres pays européens, l'Allemagne notamment, les contrats passés par les acteurs de SSIG, qu'il s'agisse d'associations ou de sociétés d'économie mixte par exemple, manquent singulièrement de transparence, explique un spécialiste des affaires européennes et des services publics. Les collectivités territoriales, et en premier lieu les communes et les conseils généraux qui sont très impliqués dans le champ du social et qui aujourd'hui accordent des délégations de fait à leurs prestataires, devront respecter en plus des trois principes fondamentaux les dispositions qui sont applicables à tous les marchés. Le mandat devra être fixé après une délibération démocratique, un vote des élus, la définition de la prestation devra être donnée avec précision, le calcul et les montant des coûts et des rémunérations devront être parfaitement explicites. Avant de passer contrat, les collectivités ne devront jamais oublier que les juridictions européennes pourront toujours êtres saisies au cas par cas." Les règles du jeu économique sont amenées à changer fondamentalement. Les acteurs des SSIG sont prêts à les suivre, mais ils souhaitent une "prise en considération, notamment par les collectivités territoriales, de la diversité des modalités d'octroi des missions sociales d'intérêt général et de contractualisation, adaptées à leurs spécificités, face au développement de la globalité de la contractualisation sous appels d'offres". Ces appels d'offres, selon les acteurs de SSIG, ne reconnaissent pas leur "capacité d'initiative, d'identification des besoins sociaux" et ne permettent pas "leur implication dans la définition et l'évaluation des mission sociales d'intérêt général".

 

Marc Horwitz

 

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