Qui sont les nouveaux actifs agricoles ?

Dans le prolongement de l’appel à projets de recherche lancé par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire fin 2023, cinq études lauréates ont été présentées en juin à l’occasion d’un séminaire consacré aux "nouveaux actifs agricoles". L’une d’entre elle, AgriNovo, s’attache tout particulièrement à caractériser le profil des exploitants qui se sont installés récemment.

Le constat est clair et partagé : de plus en plus d’agriculteurs s’installent sans que leurs parents n’aient été eux-mêmes exploitants agricoles. À travers un appel à projets de recherche lancé en 2023, le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a cherché à mieux les connaître afin de mieux les accompagner. Quels sont leurs profils ainsi que leurs trajectoires d’accès aux métiers agricoles ?  Une étude (AgriNovo) pilotée par le laboratoire de recherche en sciences sociales (Laress) de l’École supérieure des agricultures (ESA Angers) souligne "la diversité et la complexité des socialisations à l’agriculture". Concrètement, la transmission intrafamiliale "n’est en fait ni automatique, ni homogène" alors qu’en parallèle, ceux qui viennent d’autres horizons entretiennent "une plus ou moins grande distance aux mondes ruraux et agricoles". Ce que relève l’étude, c’est donc la grande diversité des parcours, que ce soit par "socialisation" familiale, par la formation ou encore par un ancrage rural, à défaut d’être agricole. Les auteurs évoquent ainsi un "décloisonnement de l’agriculture" à l’œuvre avec un impact certain des expériences professionnelles précédentes qui façonnent la manière d’exercer le métier d’exploitant agricole.

En résumé, la population des nouveaux entrants sur la période 2018-2022 est globalement plus âgée, plus féminine avec un niveau de qualification plus élevé que le reste de la population des agriculteurs : 43% sont diplômés d’études supérieures contre 28% dans l’ensemble de la population agricole en 2020. Ces nouveaux exploitants exercent sur des exploitations plus grandes et sont moins nombreux à les exploiter seuls. L’âge d’installation se situe d’ailleurs à 38,6 ans contre 41,7 ans sur la décennie 2010-2020. L’auteure de l’étude y voit l’illustration du "décloisonnement" d’une profession qui tend à s’ouvrir davantage, notamment à travers de nouvelles trajectoires d’entrée dans le métier, même si elle constate dans le même temps que les enfants d’agriculteurs constituent toujours la majorité des agriculteurs en activité.

Des "héritiers" et des "héritiers sans vocation"

Les auteurs ont également entrepris de classifier par catégories ces "néo-ruraux". Les premiers d’entre eux sont ainsi qualifiés sous le vocables "héritiers" : la catégorie à la fois la plus nombreuse et la plus homogène (34% des répondants de l’enquête) à propos de laquelle l’étude parle de "vocation agricole". 81% d’entre eux sont des hommes et 80% ont moins de 35 ans au moment de leur installation (voire moins de 25 ans pour la moitié d’entre eux). Ils ont la particularité de cumuler "formation informelles et formelles". La seconde catégorie regroupe les "héritiers sans vocation" (22%) : des enfants d’agriculteur dans une large majorité (71%) mais dont 61% sont des femmes. Leur principale caractéristique résidant dans le fait que l’essentiel d’entre eux/elles ont exercé un métier hors agriculture avant de s’installer. Plus des deux tiers n’ont d’ailleurs pas suivi de formation initiale agricole et beaucoup exerce un métier agricole en étant en couple avec un agriculteur ou une agricultrice. Une troisième catégorie (16%) concerne une population ayant un ancrage rural mais pas agricole. Ils sont majoritairement issus d’un ménage ouvrier ou à dominante employé. Les deux tiers ont suivi une formation agricole initiale courte : seuls 30% ont un BTS agricole, voire un diplôme agricole plus élevé, contre 51% chez les "héritiers".

La quatrième catégorie regroupe les reconvertis issus des classes moyennes qui bifurquent vers l’agriculture. Un panel qui représente 20% des personnes interrogées. Trois quarts d’entre eux n’ont pas de liens familiaux avec l’agriculture et ils sont 82% à créer leur propre exploitation. Ils affichent un parcours professionnel avec une ou plusieurs expériences, d’où une moyenne d’âge d’entrée dans les professions agricoles qui se situe autour de 40 ans pour 30% d’entre eux. Ils sont issus majoritairement des classes moyennes et se tournent majoritairement vers des pratiques de commercialisation en circuits courts. 60% d’entre eux privilégient des productions biologiques. La dernière catégorie (8%) regroupe des exploitants appartenant aux classes supérieures urbaines, ayant occupé des emplois de cadres ou de professions intellectuelles supérieures. Des "reconvertis" dont 42% sont des enfants d’agriculteurs qui effectuent ainsi un parcours de "contre-mobilité professionnelle" évoquant un retour aux sources.

 

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